Chapitre 18

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Durant tout le film, la tête de Jamie repose sur mon ventre. Je passe mes doigts dans ses boucles rebondies. Je me demande d'où provient son incroyable chevelure. Sa mère a, pourtant les cheveux aussi raides que des baguettes. Peut-être que les cheveux courts de Chris cachent des boucles aussi magnifiques que son fils ?

Alors qu'Elliot pédale avec E.T. dans son panier et qu'ils s'envolent tous les deux dans le ciel, je remarque que Jamie ne gesticule plus. En effet, il dort à poings fermés. Il devait être rompu et exténué. J'attrape la télécommande et mets le film sur pause. Jamie en regardera la fin un autre jour.

Je le secoue légèrement. Ses paupières papillonnent pendant que je lui souffle de s'accrocher à moi. Ses bras s'enroulent autour de mon cou, et je le soulève. Je fais bien attention à ne pas lui cogner la tête contre un mur — car j'en serais bien capable ! — dans la montée des escaliers.

Après l'avoir mis délicatement dans son lit, je le recouvre de sa couette. Un sourire paisible est plaqué sur ses lèvres. Le même que son père. Il est à croquer.

Je me relève pour regagner le rez-de-chaussée, mais je sens sa menotte m'attraper le poignet. Il peine à garder les yeux ouverts et m'implore à moitié endormi de dormir avec lui. Heureusement pour lui comme pour moi, son lit est assez grand et pourrait contenir deux adultes au moins. En Écosse, mon lit était ridiculement petit, comparé au sien, et ma chambre était un mouchoir de poche.

Jamie tire sur mes doigts, et je ne peux pas lui refuser ce qu'il demande.

Cet enfant manque d'affection et d'attention. Pendant la soirée, il en a montré tous les signes. Puis il a besoin de se sentir en sécurité en l'absence de ses parents. Je sors mon téléphone de la poche arrière de mon short et programme le réveil. Je m'étends à ses côtés tandis qu'il se colle à moi comme un bébé kangourou lové dans la poche de sa mère.

— Merci beaucoup, marmonne-t-il, de nouveau happé par le sommeil.

J'entremêle mes doigts aux siens et caresse de mon autre main sa joue exposée.

Chris est peut-être un bon père, mais il a intérêt à être plus présent pour son fils s'il ne veut pas que celui-ci ne le déteste vraiment un jour. Jamie a besoin de son père, bien que son plus grand manque soit maternel.

***

Une main chaude effleure ma joue. Agréable et légère, elle me tire de mon sommeil. Je perçois une présence à côté du lit, assise contre ma hanche. Il me faut un certain temps pour me souvenir où je me trouve. Entre mes paupières, j'aperçois des bouclettes.

Un instant, je suis paniquée que quelqu'un ait pu entrer par effraction dans la maison pendant que Jamie et moi dormions profondément.

Je tourne la tête et vois une silhouette floue au-dessus de nous. Quelqu'un nous observe.

Il me faut quelques secondes avant que ma vue ne se rétablisse. Chris. Il remonte la couverture sur mes épaules, et je lui demande si son dîner s'est bien passé.

— Rendors-toi, Jo... me chuchote-t-il.

D'un air entendu, je hoche la tête. Je ferme les yeux, bercée par ses caresses dans mes cheveux. Épuisée et au bord des limbes du sommeil, je me rendors sans grande difficulté.

Le cœur battant à un rythme irrégulier.

***

La sonnerie stridente du réveil me réveille instantanément. Je sursaute et attrape mon téléphone afin de l'éteindre.

Je souris en découvrant Jamie agglutiné contre le torse de son père. Ce dernier a les traits parfaitement détendus. Ses lèvres sont entrouvertes et sa ride du lion est nettement moins marquée que d'habitude. J'extirpe mon bras de la couverture et avance une main hésitante jusqu'à son visage. Le cœur battant à tout rompre, craintive de me faire surprendre en plein délit, je tends un doigt tremblant. Mon doigt frôle le fin pli entre ses sourcils.

Son nez se retrousse, et je sens un poids sur ma hanche. Mes yeux tombent dessus, et l'alliance en or me rappelle que je n'ai rien à faire ici.

Je ne peux pas faire cela dans cette maison, et surtout pas en la présence de Jamie.

Chris s'éveille justement et son regard hypnotique rencontre le mien. Une vague de désir me submerge. Si le petit n'était pas entre nous deux, je lui sauterais volontiers dessus. Je dévorerais sa bouche insolente et lui arracherais des grognements bestiaux à force de lui tirer les cheveux. Cet étrange spectacle imprégné de sensualité se joue dans mon esprit alors que nous nous fixons sans rien dire.

Je mords ma lèvre inférieure, partagée entre mon désir et mes principes. Ses yeux sont d'un bleu orageux, mais un timide sourire naît sur ses lèvres.

— Bonjour, Jo, susurre-t-il, la voix rauque.

Je jurerai avoir senti ma libido faire un salto arrière. Mes yeux parcourent ses longs bras nus jusqu'à ses larges épaules découvertes. Il est torse nu sous la couverture ! me hurle mon esprit totalement dominé par mes hormones en ébullition. Il a sûrement dû se débarrasser de sa chemise et de son pantalon sans être passé par la douche, car il était exténué hier.

Cette idée me ravit. Tout d'un coup, je me mets à imaginer le caleçon qu'il porte. Bizarrement, je le verrai bien avec un caleçon orné de petits canards. En tant que papa, il doit bien posséder ce genre de vêtements bien honteux offerts par son fils !

— Bonjour, Chris...

Son regard quitte le mien et retombe sur son fils.

Il passe une main dans les boucles aplaties et emmêlées de Jamie. Je l'entends lui murmurer de se réveiller parce qu'il a école. Jamie se retourne plusieurs fois sous la couette, protestant qu'il ne veut pas se lever, mais il ouvre finalement les yeux. Heureux de voir son papa, il passe ses petits bras autour de son cou.

Je préfère les laisser, me sentant de trop. Je repousse la couverture pour me lever. Cependant, une main qui joue avec mon auriculaire capture ma paume et me retient. Je louche sur nos doigts entrecroisés et déglutis difficilement.

Sait-il ce qu'il fait ?

Chris libère mon petit doigt avant de tirer brutalement sur mon avant-bras. Je m'étale sur le dos, les cheveux éparpillés autour de ma tête, alors que Jamie se jette sur moi. Il m'assaille de toute part de chatouilles. Son père, accoudé, a sa tête au-dessus de la mienne et m'offre un sourire digne d'un acteur de cinéma. La figure derrière mes mains, j'essaie de dissimuler les rougeurs provoquées par mes éclats de rire.

— C'est bon ! Vous avez gagné ! Je me rends à l'ennemi, m'époumoné-je.

Jamie sautille sur le matelas, victorieux, alors que mon estomac crie famine –— ou plutôt, hurle vu le bruit qu'il a fait. Chris rigole avec son fils.

— Je pense que Jo a faim, Jamie. Et si on allait lui préparer des pancakes de la mort qui tue ?

Le petit garçon a déjà sauté hors du lit. Il s'enfuit à toutes jambes pour rejoindre la cuisine.

Je ramasse ma chemise que je reboutonne au-dessus de mon top, alors que Chris prend son pantalon replié sur le bureau de son fils. Pendant ce temps-là, je ne me gêne pas de le mater en douce.

Je m'étais trompée. Il ne porte déjà pas de caleçon coloré, mais un boxer Calvin Klein qui moule à la perfection ses fesses fermes !

Il croise mon regard tandis qu'il boucle sa ceinture. Mes yeux remontent le long de ses abdos tracés grossièrement.

Chris est massif et ressemble au commun des mortels. Il n'a pas la silhouette des mannequins secs dont les muscles sont dessinés au millimètre. De toute façon, je n'ai jamais aimé les hommes trop sculptés, et il semble le deviner.

— Vous faites quoi ? surgit Jamie de nulle part.

Je l'attrape à la volée dans mes bras. Je lui embrasse exagérément les deux joues pour le faire rire de plus belle.

— Laisse ton père. C'est une vraie tortue ! Allons préparer les ingrédients...

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant