Victoria Line (T1 de Thistly Heart)

Chapitre 40

Mercredi, 26 avril 2017

Un homme, à l'allure fatiguée, zigzague entre les gens qui se tiennent debout aux barres. Il essaie tant bien que mal de trouver une place assise. Cependant, le métro est plein à craquer à cette heure-ci.

Je jette un œil à ma montre. 7h57. Je ne peux m'empêcher de bailler à cet instant. Je suis exténuée. J'ai passé la nuit à réviser et je n'ai dormi qu'à peine cinq heures. Je me lève de ma place car je sais pertinemment que, si je reste assise plus longtemps, je tomberai endormie grâce aux bercements du trajet et je raterai mon arrêt.

Je fais signe à l'homme désespéré de ne trouver aucune place, que je lui laisse ma place tandis que Mrs. Styles sourit devant mon geste charitable. Aujourd'hui, elle porte du fuchsia et porte à son cou ses plus belles perles. On ne pourrait pas croire qu'elle a soixante-quinze ans ! Elle paraît plus jeune et je me demande quel est son secret.

Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jeans. J'essaie tant bien que mal de l'extirper sans brusquer les personnes qui sont compressées tout contre moi dans mon dos mais ceci n'est pas une mince affaire. Pourtant, je sens une main plonger contre mon postérieur et essayer de voler mon téléphone. Je me retourne pour crier sur le malotru mais force est de constater que c'est Chris.

Je ne l'avais même pas vu ! Je tente de me mettre face à lui m'attirant la protestation des personnes qui nous entourent ou plutôt nous collent ! Une fois cela fait, je récupère mon téléphone qu'il tient dans l'une de ses mains avec un sourire racoleur.

— La prochaine fois que ta main se glisse dans la poche d'un de mes jeans, je te promets qu'elle en ressortira broyée ! J'ai cru que c'était un voleur... soupiré-je.

À l'entente des menaces que je profère, il lève les yeux au ciel et me sert un des sourires moqueurs dont seul l'avocat prétentieux a le secret.

Je déverrouille mon téléphone et découvre un sms de Betty : « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! Alors, comment va ma nièce adorée ? ». Je m'empresse de lui répondre. 

C'est vrai que ces derniers temps, je n'ai pas été trop présente. Mon esprit était entièrement occupé entre mes cours ou... Chris. Ce dernier ne s'est pas gêné de lire le message qu'affiche l'écran encore allumé au-dessus duquel mon doigt reste en suspens. Je ne sais pas quoi répondre à Betty

 À vrai dire, ma vie me semble totalement différente depuis quelques mois. Elle est moins morose. Plus compliquée. Et plus remplie.

« Elle bosse encore et toujours un peu plus... suite à son premier échec ! Je t'appelle demain soir pour te faire un résumé de ces derniers jours. Vu l'heure matinale plus que tardive, je suppose que tu es au lit en bonne compagnie ! Glisse-lui un petit bisou de ma part. XO »

J'envoie le sms rapidement avant de ranger mon téléphone dans mon sac sous le regard de Chris qui m'observe toujours.

— Un petit bisou ? Est-ce que je pourrais en avoir un aussi ? me questionne-t-il d'humeur joueuse.

Les lèvres en cul de poule, il se penche en avant mais je l'arrête de mon index.

— À quelle heure dois-je aller récupérer Jamie à l'école ? Et peux-tu me donner l'adresse de son école ?

Il ne se laisse pas décourager pour autant et rapproche son corps du mien, soudant presque nos bustes. Sa main glisse le long de mon flanc et s'empare de ma hanche. Son pouce se fraie un chemin sous mon t-shirt et effleure ma peau qui se recouvre de frissons sous le contact chaleureux.

— Je t'envoie toutes les informations par sms et voici le double des clés. OK ?

J'acquiesce d'un hochement de tête et détourne la tête. J'essaie du mieux que je peux de lui paraître indifférente. Ma main se charge de se débarrasser de la sienne que je trouve beaucoup trop intime, après s'être emparée du trousseau. 

Mrs. Styles, dans son coin, a capté le moindre de nos gestes. Je lis le jugement dans son regard et l'air effrayé qui y luit. Elle me voit comme le démon.

— Tu es bien silencieuse ce matin, chuchote Chris contre mon oreille.

J'ignore la réaction purement chimique qui se produit lorsque son souffle se fait sentir dans mon cou et préfère écourter ce qu'il se passe. Le métro s'arrête et même si l'idée de descendre deux arrêts avant le mien ne me réjouit pas, je choisis cette option.

— Désolée, Chris mais j'ai autre chose en tête en ce moment ! lui lancé-je, après lui avoir déposé un baiser sur la joue.

Je me jette dans la foule, me sentant emportée loin d'un homme que je désire un peu plus chaque jour et oppressée par les sentiments qui m'agitent lorsque je pense à lui.

Sortie du compartiment, je marche deux mètres avant de me stopper nette et de me retourner vers les portes qui se referment. Chris me fixe derrière les vitres avec son air impassible. A Dhia, cuidich mi* !

Aujourd'hui, j'en ai la certitude : j'ai fait une énorme erreur en lui tournant autour.

*Expression en gaélique écossais signifiant « Nom de Dieu ».