Chapitre 22 ~ Vérité

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J'aurai pu partir. J'aurai pu en faire toute une scène, me précipiter aux vestiaires, récupérer mes affaires et m'en aller. J'aurai pu quitter ce parc et les enfants criards courant à droite, à gauche.

J'aurai peut-être même dû.

Mais étrangement, je ne l'ai pas fait.

Je suis restée assise là, à me dire qu'encore une fois, j'ai exagéré. J'ai fait toute une scène de ce qui n'en valait pas la peine.

Barth a parfaitement le droit d'avoir un passif. Amicale ou non, peu m'importe. Cela ne me regardait en rien.

Pourtant, je suis partie.

Je suis partie parce que ça ne m'allait pas. Il était là à ne regarder qu'elle. À ne parler qu'à elle. À la complimenter. Il était là, tout fier, ayant sorti son plus beau sourire et moi, j'étais de côté.

Encore une fois.

J'aurai dû faire la paix avec mes blessures du passé et me dire que cette fois, ça sera différent, mais la réalité est que j'avais bien trop peur. Peur de réaliser quel pouvoir et quelle emprise Barth avait déjà sur moi. Rien qu'un petit contre-temps comme celui-ci avait suffi à me foutre sur les nerfs et ce n'était certainement pas ce que je désirais.

Pourtant, si une partie de moi avait su me faire rester dans le parc jusqu'à maintenant, c'est que cette même partie voulait y croire.

En lui.

C'était idiot, mais qu'est-ce que l'on ne ferait pas dans une vie ?

Soudain, devant moi, deux boules chocolat cernant une boule de pistache au milieu.

Un cornet de glace tendu comme une offre de paix.

« - Pour toi. »

Je ne sais pas lequel de nous deux fait le plus pitié à voir.

Barth et ses boules de glace ou moi et mon regard de chiot battu.

« - Je peux m'asseoir ?

- Je t'en prie. »

Je n'ai pas envie de lui parler. Parce que vous savez, je suis quelqu'un de fier. Je sais que si l'on parle, je devrais m'excuser. Je ne suis plus une enfant à présent et ce genre de départ précipité, je ne peux plus me le permettre. Ce genre de scène dramatique, ce n'est plus pour moi. Il fallait que j'apprenne à prendre sur moi.

Il fallait que...

« - Je suis désolé. »

Une seule phrase. Trois petits mots.

Pourtant sortis simultanément tandis que l'on échange un regard surpris. Complice.

Sur ça, nous n'avons pas changé lui et moi. Toujours les mêmes enfants pensant exactement la même chose au même moment.

« - Tu sais...Miranda est vraiment une amie. Elle a été ma binôme de TP à la fac et...

- Stop ! »

Je n'ai pas besoin d'entendre ça. Cela ne me regarde pas. Il faut que j'apprenne, je pense, à ne pas prendre souci de vieux fantômes du passé.

« - Tu sais, si je suis partie, ce n'est pas parce que j'étais en colère contre toi, non. C'est juste que, ce fût trop d'un coup et je n'ai pas su comment gérer tout ça. Toutes ces émotions. Alors, naturellement, ça a débordé. Ça a exposé. Je sais...Non, je crois en toi Bartholomé. Et c'est peut-être ça le souci. Je crois plus en toi qu'en moi-même. Je veux dire, regarde-moi.

- Mais je ne fais que ça...

- Comme une idiote, je me suis sentie menacée à la première nana canon qui a rencontré ton chemin et j'en ai fait tout un plat. C'est idiot comme réaction. Très puérile. Tu n'as pas de comptes à me rendre.

- Même, je ne veux pas reproduire les erreurs du passé. Écoute, je sais que je t'ai fait énormément de mal par le passé. J'ai saisi, maintenant, mais crois-moi, même si je fais beaucoup d'efforts, même si j'y mets du mien et tout mon cœur dans l'œuvre, je ne suis pas un homme pour autant. J'aimerais être le genre sur lequel tu peux dépendre. Qui te promettra la lune et qui, par échec, t'emmènera dans les étoiles. Je veux pouvoir être celui que tu attends, mais tu sais...C'est difficile. Tu dis que tu as confiance en moi, mais moi...Non. C'est vrai que dès que Miranda est apparue, je t'ai totalement zappé et ça, c'est nul comme comportement. J'aurai dû pouvoir jongler entre vous deux et même...Je n'aurais jamais dû l'inviter avec nous. Je veux dire, je t'ai promis une journée rien qu'à nous et regarde...En fin de journée, on est là, assis sur un banc, mangeant une glace et bientôt on viendra nous dire que le parc ferme ses portes. Je voulais te refaire vivre nos souvenirs passés ici. Je voulais que l'on s'amuse. Que l'on profite rien que toi et moi, mais j'ai lamentablement échoué. Alors, je te le dis Astrid, tu ne peux pas avoir confiance en moi. »

Et je crois que c'est ce qui fait le plus mal. Se rendre compte que l'on n'est pas ce que l'on pensait être. Nous ne sommes pas des dieux, ni des super-héros de roman. Juste des gens. Ressentant bizarrement et aimant étrangement.

On fait des erreurs, un tas d'erreurs et puis on essaye de réparer la boulette en la rendant pire. Mais c'est trop propre à tous.

Cassés d'avantages les pots qui ne le sont pas déjà assez.

« - Tu sais, j'aurai appris beaucoup aujourd'hui, mais je ne veux pas que notre journée se termine sur une note négative.

- Qui a dit qu'elle était négative ? J'ai eu une glace comme cadeau de réconciliation.

- Je veux que l'on aille quelque part toi et moi.

- Où ça ?

- Juste, viens. On va se changer et je t'attends à la voiture. »

Ok. Ça, c'est bizarre.

Rarement j'ai vu une telle tristesse dans son regard.

C'est comme s'il savait que s'excuser ne servait à rien. Comme s'il ne voulait pas de mon pardon. Parfois, malgré ses différents masques, j'ai l'impression que Barth est tout simplement celui qui souffre le plus. J'ai le sentiment que sous tout ça, il y a quelque chose d'autre.

Quelqu'un d'autre.

Alors comme promis, on s'est rejoint sur le parking et Barth a roulé pendant une demi-heure.

Direction l'Enfer.

« - Qu'est-ce que l'on vient faire là ?

- Tu sais où l'on est ? Tu reconnais l'endroit ?

- Evidement. »

On est au lycée.

Là où tout a basculé.

Là où tout a changé.

Là où tout s'est écroulé.

Et là où je me suis sentie complètement abandonnée. Délaissée.

Y revenir ne me faisait pas du bien. C'est comme si tout un tas de mauvais souvenirs refaisait surface en même temps.

Particulièrement ce soir-là.

Le soir où Barth est parti, bras dessus, bras dessous avec deux filles, me laissant seule sous la pluie. Le visage ravagé par les larmes. Le cœur en peine. L'âme blessée.

« - J'aimerais te dire la vérité...Sur cette fameuse soirée. »

Et l'amour ça se mange ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant