2. Avigaël

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Je vois ma barre protéinée tomber sur le macadam au ralenti ; le bout que j'ai dans la bouche a un goût de poussière. Louis ? Qu'est-ce qu'il fait là ? Où était-il passé depuis huit mois ? Il a quitté la ville sans laisser de trace après notre histoire brève mais passionnée. Pourquoi n'a-t-il jamais cherché à me joindre, ni même donné signe de vie ?

Il a toujours ces yeux bleus étincelants, ces traits fins, ces muscles fuselés qui se dessinent sous son tee-shirt. Il est bien réel, en vie, et se dirige droit vers moi. 

Je n'arrive pas à détourner le regard

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Je n'arrive pas à détourner le regard. Je donnerais pourtant n'importe quoi pour y arriver.

– Plutôt embarrassant comme situation, hein, dit-il en poussant un long soupir.

Je reconnais sa voix bien qu'elle ait changé. Elle a un certain mordant, ce qui n'était pas le cas la dernière fois qu'on s'est vus.

– Oui. Hmmm..., je bredouille.

– Comment vas-tu ?

Impossible de répondre à cette question bidon. S'il tenait à savoir comment je me portais, il aurait trouvé le moyen de me voir, ou de me parler. Il m'a quittée avant Noël, le Nouvel-An, la Saint Valentin, mon anniversaire, avant la remise des diplômes et le bal de fin d'année. Avant que j'apprenne que je boiterai jusqu'à la fin de mes jours, sans espoir de récupérer complètement.

– Qu'est-ce que tu fais là ? je demande.

Il hausse les épaules.

– Je me suis posé la même question ce matin.

À cet instant, un des garçons près de nous, celui aux longs cheveux bouclés qui lui tombent sur la figure, lâche un pet. Pire, il fait tout un cirque, gémit en l'expulsant comme un gamin.

– T'étais vraiment obligé ? proteste Louis.

– Quoi ? réplique l'autre sans se laisser démonter. Il fallait bien que je le laisse sortir.

– Fais ça quand tu es tout seul, connard.

– Tu te prends pour la police ou quoi ? lance le type en faisant un pas vers Louis.

Louis se redresse, à croire qu'il a pris part à des tas de bagarres et n'hésiterait pas à en ajouter une à son palmarès.

J'hallucine, là. Je ne sens plus mes orteils, tellement je suis sous le choc. Ils vont se battre pour une affaire idiote ?

– Du calme, les garçons, beugle une voix rude.

Elle provient d'un géant noir qui tient un dossier à la main et me désigne.

– Avigaël, puis-je avoir une petite conversation avec toi ? En privé.

Il se tourne vers Louis.

– Toi aussi, Tomlinson. Et tout de suite.

Je le suis à l'écart du bus, douloureusement consciente de la présence de Louis juste derrière moi. Je suis tentée de me retourner et d'exiger de savoir où il était passé, mais je ne suis même pas sûre d'arriver à articuler.

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