18. Avigaël

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Louis est fou de rage contre moi. Il s'est détourné et regarde obstinément par la fenêtre. Je sais qu'il a envie de ficher le camp d'ici. Je me réjouis que Damon soit là. Physiquement, je suis incapable d'empêcher Louis de partir. Damon, lui, le peut.

– Laisse Damon t'aider, dis-je.

Louis se raidit.

– Personne ne peut m'aider, Avigaël. Mets-toi bien ça dans le crâne.

– Elle n'est pas ton ennemie, intervient Damon d'un ton sec. Tu es vraiment le roi de la colère déplacée, mon gars !

– Méfiez-vous, riposte Louis. C'est un loup déguisé en agneau, cette fille. Tu es à l'initiative de cette petite réunion, Avigaël. Pourquoi ne dis-tu pas à Damon tout ce qu'il a envie de savoir ?

– Ce n'est pas à moi de lui en parler. C'est ton histoire.

Louis et moi gardons le silence pendant que Damon mange.

– J'attends, dit-il en tendant la main vers la salière.

– Je ne peux rien vous dire, répond Louis. Damon boit une longue gorgée de café, puis repose sa tasse avec lenteur.

– Pourquoi pas ?

Louis me regarde d'un air triste.

Damon tambourine du bout des doigts sur la table.

– J'ai lu ton dossier, Louis. Tu expliques en détail que tu as fait une embardée pour éviter un écureuil, que tu as percuté Avigaël et paniqué.

– Je suis un bon conteur, marmonne Louis.

Le tambourinage s'interrompt.

– Pourquoi as-tu payé pour quelqu'un d'autre ?

– Je ne sais pas.

– Ce n'est pas une réponse.

– Vous n'arriverez à obtenir rien d'autre, autant vous le dire tout de suite, réplique Louis d'un ton plein de défi.

Une voiture passe devant le restaurant. Mon cœur s'affole. Damon a-t-il appelé la police avant de se pointer ? Louis a raison. Je n'aurais pas dû le contacter.

– Ne le faites pas arrêter, s'il vous plaît, je supplie. Il a été suffisamment puni comme ça.

– Voilà le topo, répond Damon. J'oublie que je suis au courant de votre petit secret, et tu vas jusqu'au bout du programme. Dans ce cas, et si tu promets de rentrer à Paradise ensuite pour régler la situation, je prendrai les dispositions nécessaires pour t'éviter de retourner en prison pour trafic de drogue. Ça te va comme deal ?

– Pourquoi feriez-vous ça ?

– Disons que je pense que tu es un type bien. Loin de moi l'idée que tu fais les meilleurs choix dans la vie. Il me semble même que tu t'es sacrément fourvoyé la plupart du temps, sans parler de ce petit numéro de fugue que vous nous avez joué hier soir, Avigaël et toi. Moi aussi, j'ai fait des erreurs quand j'étais adolescent. Je suis donc disposé à te laisser une dernière chance. Vous me suivez ?

– Je vous suis, dis-je en essayant de prendre un ton enjoué.

– Quelles erreurs ? demande Louis d'un ton plein de défi. Vous avez écouté toute notre petite équipe déballer ses histoires sordides, sans jamais ouvrir la bouche.

Damon serre sa tasse entre ses mains.

– J'étais accro à la coke, reprend-il, et j'ai tout perdu. Ma petite amie, mon gosse, mon argent. Un jour, je n'ai pas payé mes fournisseurs. Ils m'ont tabassé. Fort heureusement je m'en suis sorti, mais il ne se passe pas une journée sans que je regrette d'avoir si mal traité ma copine et mon fils. Je donnerais n'importe quoi pour les récupérer, mais il est trop tard maintenant. Elle a déménagé en Arizona et m'autorise à voir notre enfant une fois par an.

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