Retour à Paradise

4.Avigaël

Je marque une pause tandis que Louis s'éclipse dans l'obscurité. Les lueurs du feu vacillent sur son tee-shirt noir. Je veux qu'il écoute mon récit. Cet accident a chamboulé ma vie à jamais, et si quelqu'un a besoin d'entendre ma version des faits, c'est lui. Il me le doit bien. Son brusque départ me fait l'effet d'une gifle en pleine figure. Cela prouve qu'il se fiche... de moi, de ce qui m'est arrivé, de notre relation.

La colère et le sentiment d'être trahie m'envahissent. En prenant une grande inspiration, je promène mon regard sur les visages des ados qui m'observent, attendant que je prenne la parole.

– J'ai encore des cicatrices..., dis-je, laissant ma phrase en suspens.

Je pousse un petit soupir en pensant à cette réalité.

– À l'intérieur de mon être, comme à l'extérieur. Un garçon que j'aimais bien a été inculpé. Il a fait de la prison. Le plus triste, c'est que cet accident a aussi affecté nos deux familles... et notre petite ville. Plus rien n'a été pareil depuis.

Une petite blonde avec des tresses lève une main frêle.

– Et le garçon ? demande-t-elle. Que lui est-il arrivé ?

Je me tourne vers Damon, adossé à un arbre un peu en retrait. Il croit que c'est Louis qui m'a renversée.

– Je ne sais pas très bien. Je pense qu'il m'estime responsable de son incarcération.

– C'est ridicule, marmonne la fille.

– Quand on commet une erreur, on en paie le prix, intervient une monitrice.

Elle n'a aucune idée de la vérité... À savoir que Louis n'a commis aucune erreur, mais qu'il a payé le prix quand même.

C'est au tour de Ariana de prendre la parole. Elle raconte qu'à une fête du lycée quelqu'un a glissé de la cocaïne dans son sac. Arrêtée par la police un peu plus tard pour avoir grillé un feu rouge, elle s'est fait embarquer. L'accusation relative à la drogue figure désormais sur son casier judiciaire, et chaque fois qu'elle postule pour un emploi, elle doit cocher la case : criminel reconnu coupable.

L'émotion étant forte à ce stade, Damon et les autres instructeurs annoncent qu'il est temps de regagner nos cabanes.

En arrivant à la nôtre, Damon se rue à l'intérieur.

– Hé ! Tomlinson ! hurle-t-il d'une voix tonitruante qui terroriserait les plus durs à cuire.

Les filles sursautent, les garçons se mettent pratiquement au garde-à-vous.

– Lève-toi, nom de Dieu !

Louis est allongé sur son lit, un bras derrière la nuque. Il est torse nu, en pantalon de survêt. Imperturbable, il se redresse.

– C'est quoi, votre problème ?

Damon s'approche de la couchette.

– Descends de là, petit péteux.

– Jolie formule, Damon.

Louis saute à terre avec souplesse et se plante devant Damon. Ils sont à peu près de la même taille, mais Louis est mince et musclé comparé à notre moniteur, plus massif.

– Excuse-toi auprès d'Avigaël pour avoir fichu le camp, exige Damon en me désignant d'un geste. C'était grossier, et la marque d'un manque total de respect.

– Désolé, bougonne Louis avec une parfaite mauvaise foi.

Folle de rage, j'écarte Damon de mon chemin pour affronter Louis. Dommage que la vue de son torse musclé me fasse autant d'effet.