15. Louis

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Si ma vie n'était pas totalement merdique avant, ce coup-ci, ça y est. Je viens de révéler le secret que j'avais promis d'emporter dans la tombe. J'ai trahi ma sœur, et moi-même, tout ça parce que je n'ai pas supporté la manière dont Avigaël m'a regardé du haut de cette foutue plateforme. Ses yeux étaient froids comme du verre ; la déception tangible sur sa petite frimousse renfrognée m'a donné envie de la prendre dans mes bras pour l'emporter dans un endroit où personne ne pourrait la tromper ou la blesser. Où moi-même je serais dans l'incapacité de lui faire du mal.

J'ai complètement foiré. Vis-à-vis d'Avigaël, de Lottie, de mes parents... de tout le monde.

Et je ne peux même pas garantir que je ne vais pas recommencer. À quoi bon me démener pour éviter de retourner en prison ? C'est sans doute l'endroit qui me convient le mieux. Là-bas au moins, je saurais à quoi m'en tenir, et je ne serais pas obligé d'affronter la déception des gens auxquels je tiens.

Le problème, c'est que je n'ai vraiment pas envie de me retrouver enfermé. À l'E.P., j'avais l'impression d'être un animal en cage, d'autant plus que je n'avais rien à faire là. Quoique... Je méritais peut-être d'y être pour avoir menti au juge, et à tout le monde. J'étais ivre mort le soir où Avigaël a été renversée, et j'ai sans doute mal évalué la situation quand j'ai dit à ma sœur que je la couvrirais.

De toute façon, il est trop tard maintenant.

Je cherchais juste à protéger Lottie, elle n'aurait pas supporté d'être arrêtée et enfermée dans une cellule. Je n'arrive même plus à distinguer ce qui est juste de ce qui ne l'est pas.

Comment Avigaël a-t-elle su que je lui avais menti ? Il y a deux secondes, je pensais que le seul moyen d'effacer le choc de la trahison serait de lui avouer la vérité. Encore une erreur. La vérité, elle la connaissait déjà. J'ai envie de prendre la fuite, mais je suis coincé ici. Je ne suis peut-être pas en cage, mais c'est pourtant l'effet que ça me fait.

– Non, je ne suis pas satisfaite, finit-elle par me répondre d'une voix triste.

Je la fusille du regard.

– Tant mieux. Comme ça, on est deux.

– Trois, intervient Lenny, toujours assis par terre. Je crois que je vais avoir un bleu sur ma petite fesse sensible à cause de toi.

Avigaël a les joues baignées de larmes. Elle cligne des paupières et les essuie du bout des doigts.

– Est-ce que tu me détestes, Louis ?

Je devrais. Je devrais la haïr du fond de mon âme, mais j'en suis incapable.

– Tu savais depuis le début que ce n'était pas moi le coupable, pas vrai ?

Elle hoche la tête.

– Je me souvenais de bribes, comme une sorte de puzzle dont on n'aurait pas assemblé les pièces, jusqu'à ce que...

Je l'interromps.

– Tu l'avais compris avant que je quitte Paradise, il y a huit mois ?

J'ai besoin de connaître la réponse même si je redoute de l'entendre.

– Oui, murmure-t-elle.

Je repense aux moments que nous avons passés à travailler ensemble chez Mme Reynolds, quand on a flirté dans le belvédère, que j'ai caressé sa peau soyeuse.

– Tu savais que je n'y étais pour rien, mais tu as continué à me laisser croire que tu me tenais pour responsable. Comment as-tu pu me faire ça ?

– Quand j'ai compris qui était au volant de la voiture, je t'avais déjà pardonné. Ça n'avait plus d'importance.

– Comment peux-tu dire un truc pareil !

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