17. Louis

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Avigaël se redresse en se mordillant la lèvre. Elle a des copeaux dans les cheveux, les yeux tout rouges.

– Tu ne penses pas qu'on devrait en discuter ensemble ?

– Non, je réponds, stoïque.

– Pourquoi pas ?

– Parce que tu n'es pas raisonnable.

– Comment ça ! s'exclame-t-elle, des copeaux tombant de ses cheveux à chaque mot. J'ai dormi cette nuit, je t'avise. Toi, tu n'as pas fermé l'œil. J'estime être la plus raisonnable de nous deux. Nous devons en parler ensemble.

Je me lève et je lui tends la main.

– Tu n'as jamais été raisonnable. Et avant que tu t'indignes à nouveau, permets-moi de te rappeler que c'est toi qui as voulu me suivre au milieu de la nuit, avec un sac à dos bourré de tout un tas de trucs.

Elle attrape ma main et me laisse l'aider à se relever. Voyant qu'elle ne tient pas très bien sur ses jambes, je la saisis par la taille jusqu'à ce qu'elle ait trouvé son équilibre.

Dès que je la lâche, elle croise les bras sur sa poitrine et pointe en l'air son nez aristocratique. Il n'y a pas beaucoup de place dans ce château en bois.

Nos corps se frôlent.

– Ça n'avait rien de déraisonnable. J'ai pris un risque calculé en partant avec toi.

– Calculé ? je m'exclame, sceptique.

– Oublie.

Elle récupère son sac et me prend la main pour que je la soutienne, le temps de sortir de notre refuge. Il est tôt, mais quelques mamans ont déjà investi l'aire de jeux avec leurs bambins. Elles nous regardent de travers, comme si elles nous avaient surpris en train de folâtrer.

– Alors, c'est quoi ce plan que je ne vais pas apprécier ?

– Je te dirai ça plus tard.

– Tu ne fais que retarder l'inévitable.

– Je sais. Je suis doué pour ça.

Je me rends compte que sa jambe est raide à la manière dont elle marche, lentement, hésitant à prendre appui sur son pied gauche. Je donnerais n'importe quoi pour prendre sa douleur sur moi. Ça me retourne les sangs de me dire qu'elle boitera toute sa vie.

La colère m'envahit à la pensée de ce que ma sœur lui a fait subir. Si Lottie n'avait pas pris la décision irresponsable de monter dans cette voiture alors qu'elle était ivre, elle n'aurait pas fait cette embardée fatale au moment où un écureuil avait surgi devant elle, et Avi' serait indemne.

Je peux jouer au jeu des « si », ça ne changera rien au fait que c'est Avigaël qui endurera pour toujours les répercussions de cette tragique erreur. Quoi que je fasse, quoi que je dise, je ne peux rien y changer.

– Veux-tu t'asseoir un moment ? je demande, regrettant de l'avoir fourrée dans cette situation.

– Ça va. La marche aide généralement à faire passer les crampes.

Je prends son sac après avoir mis le mien sur mon épaule. En la voyant se démener pour avancer, je secoue la tête.

Elle s'arrête, pose un poing sur sa hanche.

– Ne me regarde pas comme ça.

– Comment ?

– Comme si tu t'en voulais. On sait tous les deux... en fait, tout le groupe sait maintenant que tu n'y es strictement pour rien, dans cette histoire, même si tu paies pour ça depuis près de deux ans.

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