Les Clans de la Pénombre | T1

CHAPITRE 25

— Très bien, commença Érïn, tu vas devoir écouter tout ce que je vais te dire, d'accord ?

Le garçon hocha la tête, nerveux. Ce n'était pas étonnant : il allait quitter son foyer et ne pas revoir ses proches pendant une durée indéterminée. Érïn savait que c'était une étape difficile pour l'avoir traversée par deux fois dans sa vie. Elle songea qu'il valait mieux ne pas avoir d'attaches. Elle ressentait beaucoup moins de souffrance dans sa vie depuis qu'elle avait pris cette décision. Il ne s'agissait pas d'elle, à ce moment précis, mais du gamin qui lui offrait sa confiance. Pas d'attaches, non... Érïn se secoua intérieurement et plaça l'engin de fortune sur son sac à dos.

— Viens avec moi.

Le garçon la suivit jusqu'au Portail, celui qu'elle avait emprunté lors de la mission kamikaze dont elle n'aurait jamais cru revenir. Elle repensa à son atterrissage douloureux, de retour à Goldhaven, et aux soins du robot de Tristaan. Aurait-elle dû survivre ? Érïn décida de ne pas gâcher la deuxième chance qui s'offrait à elle, que le gamin lui offrait. Elle ouvrit une fois de plus l'ouverture vers Phœvos et jeta un œil à son compagnon.

— On va vraiment... ? commença-t-il.

— Oui, tu es prêt ?

— Comment pourrais-je être prêt à ça ? Mais on va dire que oui...

La jeune fille lui tendit la main et s'assura que les sacs étaient bien en place sur leur dos. Tristaan déglutit en prenant sa main, il était moite. Sans crier gare, Érïn sauta et entraîna le garçon dans sa chute. Ils tombèrent beaucoup trop lentement au goût de la jeune fille, qui craignait un assaut volant des Sentinelles. Mais personne ne remarqua leur évasion aérienne. D'ailleurs, quel Huppé se douterait que deux adolescents sauteraient dans le vide pour se rendre sur une planète morte ?

Plusieurs minutes passèrent où seul le cri effrayé du garçon sonnait à ses oreilles, l'empêchant de se concentrer. Il finit par se taire, observant la vue qu'il ne connaissait pas sur sa ville. Le doux soleil était à son zénith et Tristaan regarda les rayons de reflétant sur les nuages immaculés d'un air émerveillé. La lumière solaire se reflétant sur les buildings et les carrosseries des voitures blessait ses yeux mais le scintillement des ponts de verres était magnifique. Perchée sur ses îles flottantes, Goldhaven resplendissait alors même que sa destruction était proche. Du moins, si Tristaan et Érïn ne revenaient pas à temps.

Leurs mains bloquées l'une contre l'autre, les deux adolescents virent le paysage disparaître et s'assombrir brusquement quand leurs deux corps traversèrent la mer de brume. Le garçon, privé de sa vision divine, recommença à paniquer dans sa chute. La planète se rapprochait dangereusement sous eux mais la jeune fille contrôlait la situation. Elle se prépara à déclencher son parachute et força son ami à piquer vers le sol.

Le vent leur fouettait le visage, si bien que Tristaan était obligé de paniquer en silence car sa mâchoire se décrocherait s'il l'ouvrait trop. Érïn tira sur la corde... mais le parachute ne s'ouvrit pas. Elle recommença, encore et encore : toujours pas. La terre était toute proche à présent et d'ici quelques secondes, ils se fracasseraient sur le sol hostile. La jeune fille s'échina sur le cordon, elle avait perdu son sang-froid. Tristaan se prit alors en main et s'accrocha à elle de toutes ses forces. Leurs corps entremêlés fonçaient tout droit vers la mort en tourbillonnant. Le garçon frappa un grand coup sur l'engin qui se déclencha enfin, les faisant remonter violemment. Si violemment qu'il faillit en lâcher la fille.

Les deux compères crièrent de soulagement à l'unisson, serrés dans les bras l'un de l'autre. Ce fut seulement à ce moment qu'ils prirent chacun conscience de leur situation gênante. Ils la mirent cependant vite de côté : ils avaient frôlés la mort ! Ensemble !