CHAPITRE 3

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La nuit refermait son manteau sombre sur la ville. Les lumières vives des enseignes et des lampadaires ne parvenaient pas à percer la pénombre des petites ruelles. Le sol était détrempé comme après une pluie torrentielle et des déchets jonchaient le béton où elle posait les pieds. Peu de bruits lui parvenaient, étouffés par les hauts buildings. La pluie ne montrait pas le bout de son nez mais elle pouvait ressurgir à tout moment, c'est pourquoi elle se dépêchait de parvenir à son but. À son grand malheur, ses baskets trempées faisaient du bruit à chaque pas. Elle pouvait de faire repérer à tout moment par un témoin trop curieux ou même une Sentinelle effectuant sa ronde.

La jeune fille sentait que ses capacités s'amenuisaient au fil du temps, car de moins en moins utilisées. Il fallait pourtant qu'elle s'entraîne, elle en était consciente, mais pas avant de s'être suffisamment ravitaillée.

Après ces longues minutes de marche, elle s'en approchait enfin ! Elle sauta par-dessus un plot et grimpa sur un toit. Elle posa les pieds sur des tuyaux glissants et traversa le gouffre pour parvenir à une autre plateforme. Un premier danger écarté. La jeune fille redescendit en s'agrippant à une gouttière et se retrouva dans une autre ruelle, semblable à celle qu'elle avait quittée. Elle avança encore de quelques mètres et parvint à son but.

La jeune fille réajusta la capuche de son sweat et frappa trois coups sur une porte blindée. Le judas s'ouvrit dans un grincement rouillé et laissa apercevoir deux yeux rougeâtres et menaçants.

— Carte de membre ! tonna une voix.

Elle tendit un morceau de plastique vert bourré d'électronique au garde. Un bip sonore se fit entendre, puis l'homme ouvrit la porte et la laissa entrer en la dévisageant de haut en bas. Cette pauvre armoire à glace ne devait rien avoir dans le cerveau...

À l'intérieur, une fumée âcre envahissait toute l'oxygène et la musique résonnait aussi fort que les battements de son cœur. Tandis qu'elle slalomait entre les meubles encombrants et les femmes en petites tenues, certains clients lui jetaient des regards soupçonneux et plein de haine. Elle parvint à se frayer un passage dans la foule et arriva au pied d'un escalier. Un homme complètement bourré était étendu en travers des marches et bloquait la voie. Il paraissait sur le point de vomir toutes ses tripes hors de son corps. La jeune fille s'empressa de l'enjamber avant qu'il ne décide de laisser son estomac se déchaîner et se félicita de ne pas être tombée aussi bas.

Elle connaissait le chemin, elle était déjà venue deux fois auparavant. Elle n'appréciait guère de se retrouver ici mais elle n'avait pas le choix. Elle ne venait qu'en cas de nécessité et c'était pour elle une véritable épreuve.

Elle traversa un couloir aux murs fissurés et à la peinture craquelée et s'arrêta à la deuxième porte sur la gauche. Sans qu'elle ne s'en rende compte, le rythme de son cœur s'était encore accéléré et ses mains étaient devenues moites. Elle se frotta machinalement le bras gauche puis décida d'entrer. Elle toqua et plaqua un air impassible sur son visage. Elle était prête.

Une femme dans des vêtements outranciers lui ouvrit, différente du garde en tous points. Elle l'accueillit avec un sourire charmeur puis prévint son maître :

— Raalph ! Un client pour vous !

Une autre femme, dotée d'un faux sourire, lui tira une chaise devant une table ronde recouverte de toutes sortes d'objets. Des cigarettes entamées, deux cendriers pleins, un jeu de cartes éparpillées, un couteau de poche ouvert, les restes de plusieurs repas... Tout se bousculait dans un joyeux désordre et cachait la couleur de la nappe tachée. La chambre était semblable : elle sentait le renfermé et quelques substances illégales consommées par le propriétaire et ses compagnes.

Les Clans de la Pénombre | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant