ÉPILOGUE

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Quelques jours plus tard, la ville était à nouveau calme. Du moins, en apparence. Les hostilités s'étaient achevées dans un bain de sang digne des plus grandes manifestations qui avaient marquées l'Histoire. Les cadavres et les blessés éparpillés au sol appartenaient à tous les camps. Malgré les troupes plus nombreuses et plus sophistiquées du Clan du Feu, les Alliés s'étaient mieux défendus que ce qu'ils avaient imaginé. On ne pouvait nier la bravoure des membres de clans et des quelques goldhaviens qui avaient risqué leur vie pour leur venir en aide. L'arrivée tardive de l'armée restait inexplicable à ce jour et la disparition des Sentinelles plus encore. Lorsque les combattants des deux camps s'étaient fait arrêter par l'armée Nationale, les Sentinelles étaient réapparues comme par magie, comme si rien ne s'était passé. Les Sauveteurs étaient intervenus pour débarrasser la ville et effacer toutes traces matérielles de la bataille. Aucun civil n'avait été blessé puisque tout le monde était resté cloîtré chez soi à l'annonce « Alerte Attentat » diffusée sur tous les écrans. Les barricades démantelées, les pavés arrachés, les débris d'immeubles et les traces de brûlures des armes électriques constituaient les seules traces de la bataille qui avait fait rage à Goldhaven et les autorités faisaient leur nécessaire pour les enterrer six pieds sous terre.

La ville semblait plus calme mais restait en effervescence. Les familles se retrouvaient à grand bruit dans la rue pour célébrer la réunion entre les enfants et les parents rentrant enfin de leur travail. Les employés de Technogold étaient libérés, sains et saufs mais sans doute traumatisés de cette expérience. Mais il n'y avait aucunes retrouvailles pour Tristaan, coincé en salle d'interrogatoire depuis des jours. Il n'avait revu personne, juste un dernier coup d'œil à ses compagnons avant de se faire embarquer. Toutes les armes présentes sur le champ de bataille étaient maintenant en possession de l'armée, celles du Clan du Feu et celles de Tristaan reposaient sans doute dans le même bâtiment ultra-sécurisé de l'Armée de la Nation. Si la violence était prohibée dans le pays, la possession d'armes était considérée comme un acte de haute trahison envers la Nation. Les morts y échapperaient mais les vivants avaient très peu de chance de s'en sortir libres.

Tristaan, qu'il le veuille ou non, était désormais l'ambassadeur officiel des Clans de la Pénombre et des Alliés qu'il avait dirigés. Pour l'opinion commune, il était considéré comme un jeune chef terroriste. Pour les Sentinelles, il était l'ennemi numéro 1. Pourtant, il n'avait que quatorze ans. Oh bien sûr, Érïn et les chefs de clans subissaient le même sort mais à ce moment-là, il se sentait affreusement seul.

— Est-ce qu'il y a quelqu'un ? murmura-t-il.

Il pensa avec une surprenante pointe de nostalgie qu'il se retrouvait exactement dans la même position qu'Érïn lorsqu'il l'avait faite évader du commissariat avec Romuaald.

— Romuaald, chuchota-t-il avec une immense peine dans la voix.

Chaque pensée le ramenait à ce moment douloureux où son fidèle ami s'était jeté face au danger pour le protéger. Pour lui sauver la vie. Il se sentait affreusement coupable, il aurait dû prévoir, empêcher cela. Mais trop tard, Romuaald était mort. Des larmes silencieuses roulèrent sur ses joues. Il ne les essuya pas. Il n'en avait ni la force, ni la capacité. Des menottes l'entravaient et lui mordaient la chair. Il était las de pleurer, il en avait des migraines insupportables que les médicaments ne dissipaient plus. Il était blanc comme un linge et revoyait sans cesse les mêmes scènes de la bataille, en rêves éveillés. Il ne fermait plus l'œil, mangeait peu, ne répondait plus aux questions. Tristaan s'était enfermé dans un mutisme que l'armée se chargerait bientôt de faire cesser.

Comme si les pensées de Tristaan se réalisaient sous ses yeux, un homme aux cheveux poivre et sel fit irruption dans la salle d'interrogatoire, un dossier à la main.

Les Clans de la Pénombre | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant