CHAPITRE 41

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Tristaan passait tout son temps au centre commercial pour retaper le ptérodactyle enfoui sous terre. Des Loups volontaires venaient l'aider sur le chantier et les autres effectuaient des allers-retours pour nourrir les travailleurs. Cela faisait quelques temps qu'Érïn n'avait pas vu le jeune homme. Pour s'occuper, elle entretenait ses armes, discutait avec Graant et observait la fabrication d'une cabane perchée pour un jeune couple et ses louveteaux. Ce savoir lui serait sans doute utile un jour, si elle survivait à l'accomplissent de sa vengeance et qu'elle devrait se construire un abri dans un futur indéterminé. Elle n'arrivait toujours pas à y croire : Tristaan s'était intégré là où elle-même n'avait pas réussi à trouver sa place. Elle était heureuse pour le garçon mais ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d'amertume à cette idée.

○ ○ ○ ○

Quelques jours et quelques nuits plus tard, Tristaan et sa bête robotique étaient prêts. Jow, Nïne, Loon, Lïam et elle se rendirent au Futurmarket. La petite avait insisté pour venir, malgré toutes les mises en gardes des membres du groupe. Érïn se dit que Tristaan saurait sans doute la raisonner. Graant les accompagna jusqu'au supermarché, soucieux de leur souhaiter bonne chance et d'embrasser sa compagne une dernière fois avant son départ. Pour plus de sécurité, les volontaires avaient dégagé le plafond de la cavité pour permettre l'extraction de l'engin et l'endroit était à présent à ciel ouvert. Arrivés sur les lieux, un énorme reptile volant les toisa de toute sa hauteur.

— Il est trop beau le dinosauuuure ! s'écria Loon.

— Et heureusement qu'il n'est pas vivant, surtout ! ajouta Lïam en passant une main dans ses cheveux multicolores.

Érïn s'aventura sous les pattes du monstre et y trouva Tristaan très affairé. Il était penché sur de multiples écrans holographiques remplis de chiffres qui lui donnèrent la migraine. Le gamin semblait si concentré qu'il ne remarqua pas sa présence. Elle en profita pour l'observer : son teint pâle et ses cernes trahissaient un travail intensif à l'abri de la lumière du jour. Il avait l'air exténué mais heureux. Ce n'était pas la première fois qu'elle le remarquait mais elle songea de nouveau qu'elle avait fait le bon choix en l'amenant avec elle sur la Pénombre.

Elle se racla la gorge et il se retourna. Le sourire qu'il lui décocha afficha la fierté sur son visage.

— Content de te voir Érïn. Alors, comment tu trouves mon nouveau jouet ?

— Un poil encombrant, si tu veux mon avis !

— C'est vrai ! Mais c'est notre moyen de transport jusqu'aux Montagnes abruptes, il faudra t'y faire.

— On va chasser des chimères à dos de dinosaure volant ?

— En fait, les ptérodactyles ne sont ni des dinosaures, ni des oiseaux mais font partie de la famille des... Mais c'est plutôt bien résumé oui, se rattrapa Tristaan en voyant la mine déconfite de son amie.

— Alors, monsieur le maître en robotique, tout est prêt ? s'approcha Nïne.

— Oui ! Je faisais simplement quelques réglages de dernières minutes. Il semblerait que son enfouissement l'ait un minimum protégé de l'explosion nucléaire et de toutes les intempéries, ce qui est une chance pour nous.

— Bien, préviens-moi quand on pourra embarquer !

— Tu as l'air étrangement sérieux et mature tout à coup... Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je ne sais pas, mais j'ai pu enfin être utile ici, dans ton monde. Les gens m'ont fait confiance, j'avais un projet sur lequel travailler... Je suppose que ça a joué. Pourquoi ? Tu n'aimes pas le nouveau Tristaan ?

— À cause de toi, je ne pourrais plus t'appeler « gamin » sans que les gens ne demande pourquoi !

Tristaan partit d'un franc éclat de rire devant la tentative d'Érïn. Son rire communicatif réussi à la dérider, assez pour afficher une ombre de sourire sur son visage toujours impassible.

— Allez, dis-le, t'es impressionnée par le génie d'un gamin qui vient de la ville !

— Il est vraiment temps qu'on trouve les Ours et qu'on sauve tout le monde, la Pénombre te monte à la tête, mon pauvre !

Sur ces mots, ils embarquèrent dans le cockpit situé dans la tête de l'animal. Loon se tint tranquille, comme si cette boule d'énergie inépuisable ressentait la tension qui régnait dans l'air. L'appareil n'était pas conçu pour transporter plus de deux personnes et encore moins pour voler sur de longues distances. Tristaan semblait craindre un dérèglement de dernière minute, même s'il n'en dit rien à ses passagers. Et pour couronner le tout, Lïam avait le vertige.

Chacun s'attacha à ce qu'il put et attendit dans un silence angoissant que Tristaan démarre le vaisseau improvisé. Le jeune homme prit une grande inspiration, tandis qu'Érïn lui posait une main encourageante sur l'épaule. Ils s'échangèrent un regard. Tristaan démarra. La bête produisit un bruit monstre et trembla de tous les côtés, les ailes édentées de la créature se logèrent contre ses flancs et ses pattes se plièrent sous son poids. Érïn crut qu'ils allaient vaciller mais l'engin tint bon. Le garçon posa une main sur la commande « envol ».

— Rassure-moi, t'as ton permis ptérodactyle au moins ? souffla Lïam.

La bête se propulsa dans les airs et déploya ses ailes dans le ciel de la Pénombre. Loon poussa un cri de joie, Lïam un cri de terreur. L'animal géant battit des ailes pour rester en vol stationnaire au-dessus du bâtiment. Sous eux, les Loups paraissaient de minuscules insectes sur une terre sèche et friable.

Une fois les commandes bien en main, Tristaan guida l'énorme bête vers l'Ouest. Ils arrivèrent en vue des montagnes à la fin du jour sans aucun incident, ce qui relevait du miracle. Les ailes puissantes du ptérodactyle les avaient menés au-dessus du territoire du Clan du Feu. Un petit bois séparait le Quartier Infernal du Quartier Froid. Érïn indiqua à Tristaan de s'y poser. Mais le mot exact serait plutôt « crasher ».

Les Clans de la Pénombre | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant