Cœur Mécanique [Terminé]

Chapitre 19 - Résolution

Mélody ne savait plus quoi faire. Des sentiments contradictoires envahissaient son cœur et son esprit. Par chance, elle n'avait pas croisé Lysandre le lendemain matin de leur tête-à-tête. Mais quelque part, elle regrettait de ne pas l'avoir revu.

Que voulait dire ce baiser ? Il s'amusait encore certainement avec elle. Pourtant, ses yeux semblaient terriblement sincères. Et elle avait apprécié ce moment qu'ils avaient passé tous les deux, dans la cuisine, puis lorsqu'ils se sont quittés. Le cœur de Mélody commençait à flancher en faveur du jeune homme, même si elle ne voulait toujours pas se l'avouer.

Une fois la domotique des Eudon remontée et son pneu changé, elle avait pu regagner son appartement. La jeune mécanicienne faisait tout pour éviter sa sœur. Elle se sentait coupable, même si elle se disait finalement qu'il n'y avait pas lieu de l'être. Après tout, peut-être l'avait-il choisie elle, Mélody, le garçon manqué avec les mains calleuses, au détriment de la belle et pimpante Léana. De toute façon, sa jeune sœur passait toujours le plus clair de son temps à bouder dans sa chambre, d'autant plus qu'elle avait appris que son aînée avait passé la nuit chez les Eudon, et elle enrageait.

Avec l'accord de son père, Mélody décida finalement de prendre son après-midi et en profita pour travailler le concours d'entrée à l'Académie Mélusianne. L'échéance approchait petit à petit, et la jeune fille avait décidé que ce serait la dernière année qu'elle tenterait sa chance. En cas d'échec, elle resterait simplement auprès de son père, à réparer les machines au lieu de les concevoir, comme elle en rêvait. Ce n'était pas une vie désagréable, mais la jeune fille désirait réellement entrer dans cette école et donnait tout, à chaque fois, pour y arriver. Malgré ses connaissances pratiques, le fait qu'elle sache quasiment tout réparer, les examens écrits n'avaient jamais été son fort, à cause du stress certainement. Alors elle avait décidé d'y aller à fond, ne sortant plus, ne voyant plus ses rares amis, pour se consacrer à son travail et à ses études.

Alors qu'elle planchait sur des problèmes de mécanique théorique, l'esprit de Mélody commença à divaguer, menant ses pensées sur un sujet bien moins studieux : Lysandre. Elle tenta de se reprendre plusieurs fois, mais rien à faire, le beau visage du jeune homme la hantait. Il ne lui manquait plus que ça. Elle s'allongea sur son lit, laissant ses pensées se concentrer sur lui, avant de s'assoupir. Elle rêva ainsi un moment à lui, à se retrouver une nouvelle fois dans ses bras, contre lui...

Quelqu'un frappa à la porte. Simon venait chercher sa fille pour le dîner, qui se déroula dans un silence total. Léana n'adressa même pas un regard à sa sœur et termina son repas en vitesse avant d'enfiler sa tenue de serveuse et de s'éclipser pour se rendre au travail. Au moins, Mélody n'avait pas eu à essuyer de sempiternelles attaques de sa cadette. Elle fila elle aussi reprendre ses révisions. Au moment où ses paupières commencèrent à se faire lourdes, elle décida de s'arrêter et de s'octroyer un repos bien mérité. Sans surprise, ses rêves se dirigèrent tout naturellement une fois de plus vers le beau jeune homme, mais elle ne chercha pas à les brider. Elle se laissa aller simplement au rythme de ses songes, s'imaginant danser dans les bras de Lysandre, abandonnant toute résistance.

Le lendemain, Mélody reprit son travail au garage, et la matinée se déroula sans accroc. La jeune mécanicienne retrouva les robots à qui elle aimait tant donner une seconde jeunesse. Ses amis de métal ne la trahissaient jamais, eux, contrairement aux êtres humains. Elle se surprenait parfois à leur parler, même lorsqu'ils étaient désactivés et inertes. Mélody se disait souvent qu'elle devait être folle, mais elle préférait ça à être déçue par ses semblables.

La nuit semblait lui avoir porté conseil. Ses rêveries idylliques aux bras d'un jeune et beau garçon paraissaient bien futiles tant elles étaient complètement improbables. Un homme de la classe sociale de Lysandre ne s'abaisserait sans doute jamais à fréquenter une jeune fille de la classe ouvrière comme Mélody. Tout ce qu'elle avait vécu l'avant-veille n'était qu'un jeu pour lui, et il avait obtenu ce qu'il voulait. Il lui faudrait donc l'oublier, le chasser de son esprit. Le concours approchait aussi petit à petit, et elle n'avait pas de temps ou d'énergie à mettre dans une quelconque relation.

Mélody fut donc très surprise de le voir débarquer en milieu d'après-midi, au garage Pane, avec entre ses mains gantées un bouquet de fleurs aux mille couleurs. Ce fut d'abord Simon qui l'accueillit dans le hangar, Mélody faisant timidement semblant de ne pas l'avoir vu. Elle ne savait pas comment réagir. Pourquoi venait-il ? Pour elle, cela n'avait aucun sens.

- Bonjour, M. Eudon, puis-je vous être utile ?

- À vrai dire, je suis venu voir votre fille aînée, Mélody, répondit le jeune homme en montrant le bouquet.

À ces mots, Mélody tressaillit. On ne lui avait jamais fait la cour, encore moins offert des fleurs.

- Oh, euh, et bien, je vous laisse un moment alors, fit Simon avant de retourner au fond du garage. Mélody, c'est pour toi !

La jeune fille ne savait pas si elle devait haïr son père pour cela. Il savait qu'elle ne pouvait pas voir Lysandre depuis leur premier accrochage, mais il devait estimer qu'elle était assez grande pour gérer ses histoires toute seule. De plus, le voir arriver avec les fleurs l'avait pris au dépourvu. Mélody fut donc contrainte d'abandonner son travail quelques instants pour s'occuper du nouveau client.

- Bonjour Monsieur, le salua-t-elle pour bien mettre de l'espace entre eux. Que puis-je pour vous ? Y a-t-il un problème avec la mise à jour du système de gestion de votre maison ?

- Non, non, tout est parfait, avoua-t-il en lui offrant un sourire des plus charmeurs. Je venais seulement vous offrir ceci.

Il lui tendit le bouquet et Mélody le saisit délicatement. C'était la première fois qu'on lui offrait des fleurs, elle ne savait pas trop comment réagir.

- Merci, dit-elle simplement.

- Je voulais aussi vous demander, enfin, si vous étiez libre samedi prochain ? J'aimerais vous inviter à dîner.

Toujours ce même sourire, cette fossette sur la joue gauche, celui qui la faisait enrager quand il tournait autour de Léana quelques semaines plus tôt, mais qui la faisait totalement fondre aujourd'hui. Pourquoi ce tel revirement de situation, comment ses sentiments avaient-ils pu changer à ce point ? Mélody ne savait pas quoi répondre, Lysandre la mettait mal à l'aise, même si elle espérait secrètement être une nouvelle fois contre lui. Ce fut sa raison, comme à l'accoutumée, qui prit le dessus et parvint à une décision.

- Je suis désolée, mais j'ai encore beaucoup de travail ici, et je dois préparer des concours, donc je vais réviser tout le week-end. Une autre fois peut-être.

Cette semi-vérité attrista le jeune homme, même si ses derniers mots, prononcés très certainement par la jeune fille pour être polie, lui laissèrent une lueur d'espoir.

- Je vois. Bon, alors je ne vous importune pas plus. Au revoir, Mademoiselle, et merci pour votre superbe travail !

- Je vous en prie. Bon retour.

Il s'éloigna calmement, faisant claquer sa canne sur le sol même s'il semblait ne pas en avoir besoin. Pourtant, dans son esprit tournoyaient mille et une idées pour pouvoir rencontrer à nouveau la jeune fille. Mélody resta derrière le comptoir quelques instants, retrouvant son calme, le bouquet toujours dans la main. Quand elle posa les yeux sur les fleurs, une étrange question vint à son esprit. Où allait-elle bien pouvoir trouver un vase ?