Cœur Mécanique [Terminé]

Chapitre 22 - Discussion

Devant l'armoire de sa chambre, Mélody ne savait pas quoi faire. Elle devait se préparer pour le dîner avec Lysandre, mais elle ne savait absolument pas comment s'habiller. Et demander de l'aide à Léana était hors de question. De toute façon, elle travaillait au Shift ce soir-là, alors ce n'était pas la peine.

Dans un coin de la penderie, elle dénicha une petite robe noire, simple, sobre, qui lui arrivait jusqu'au genou. Un énorme ruban venait entourer sa taille et la jupe était légèrement évasée, comme une robe de poupée. Mélody se souvenait très bien de ce vêtement. Il appartenait à sa mère. C'est donc avec émotion qu'elle l'enfila et, devant son miroir, fut surprise de voir à quel point elle ressemblait à Emelyne.

Leur mère avait été emportée par la maladie, alors que Mélody sortait à peine de l'adolescence et Léana n'était encore qu'une enfant. Elle avait toujours eu une santé fragile, mais repoussait sans cesse ses limites, pour sa passion pour la danse, pour Simon qu'elle aimait plus que tout, et pour ses deux filles, ce qu'elle avait de plus précieux. Mais malgré une volonté de fer, le corps n'avait pas suivi. Sa disparition avait été un véritable choc pour les deux petites filles. Heureusement, leur père fit tout ce qu'il put pour qu'elles ne manquent jamais de rien même si la présence d'une maman était irremplaçable.

Mélody et Léana avaient réagi de façon très différente à cette disparition. La plus jeune avait pleuré des semaines durant puis, petit à petit, son éternelle gaieté avait repris le dessus. Léana était scintillante, offrait à tous un sourire franc et joyeux. Même si elle paraissait parfois un peu superficielle, elle possédait un grand cœur qu'elle avait parfois tort d'ouvrir à tous, tant ses prétendants se retrouvaient parfois être de parfaits goujats. Au contraire, Mélody s'était renfermée sur elle-même, faisant de la solitude son réconfort. La jeune fille avait beaucoup pleuré aussi, mais seule, dans sa chambre, à l'heure où personne ne pouvait l'entendre. D'autant plus que son petit copain de l'époque l'avait laissée tomber pour une jeune fille de sa classe beaucoup plus joyeuse, laissant Mélody seule avec son deuil alors qu'elle n'avait jamais eu plus besoin de lui. Elle pensait aussi devoir se montrer forte, pour sa jeune sœur. Elle serait dorénavant son seul interlocuteur féminin dans la famille, elle devait se montrer à la hauteur. Les liens entre les trois Pane s'étaient grandement renforcés durant cette période de deuil qui ne finirait jamais vraiment. Mais à l'extérieur, Mélody s'était forgée une carapace sans faille pour que plus rien ne l'atteigne, elle ne voulait plus souffrir. Petit à petit, ses camarades s'étaient détournés d'elle et de son caractère farouche. Alors elle s'était peu à peu tournée vers les mécaniques que réparait son père, et les machines devinrent ses seules amies.

Que le fils du gouverneur lui accorde un si grand intérêt était alors un mystère pour elle, et qu'elle ressente ces sentiments pour lui également. Cette soirée serait l'occasion pour elle de s'interroger sur ses sentiments, et de voir si Lysandre était réellement sérieux. Car s'engager dans une relation maintenant serait risqué, d'une part pour ses concours, d'autre part parce que Léana lui faisait toujours la tête à propos du jeune homme.

Mélody enfila des petites chaussures lacées, car elle ne voulait pas reperdre ses souliers si elle avait encore à fuir cette fois-ci. Elle ramena ses cheveux en une longue tresse plaquée et mis un soupçon de mascara, puisqu'elle ne savait de toute façon pas se maquiller plus. Lorsqu'elle se contempla une dernière fois devant son miroir, elle entendit le moteur d'une voiture devant le garage. Elle attrapa ses affaires et sa veste au passage avant de sortir en silence. Elle avait parlé de ce dîner avec son père, mais ne voulait pas qu'il pose plus de questions. Cela n'impliquait rien pour le moment, alors elle préférait ne pas l'alarmer.

Lysandre était devant la voiture et l'attendait. Quand il vit la jeune fille, son visage s'illumina.

- Vous êtes resplendissante, Mélody !