Chapitre 13 - Intervention

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Cela faisait deux fois que Mélody se retrouvait à contrecœur devant cette haute grille de fer forgé.

Ce n'est que le matin même qu'elle s'était aperçue que quelque chose clochait. En regardant l'adresse laissée par son père, elle comprit qu'elle se situait dans la même rue que celle du gouverneur. Et pour cause, c'était bel et bien la demeure de Bayron Eudon!

Mélody redoutait de recroiser un jour le chemin de son impolie progéniture, mais se dit rapidement que ce cher fils à papa aurait certainement d'autres chats à fouetter que de venir l'importuner pendant son travail. Ainsi prit-elle une profonde inspiration avant de sonner à l'interphone, cachant ses doutes derrière un visage tout à fait professionnel.

Comme prévu, ce fut le majordome, M. Smith, qui vint chercher et accueillir la jeune technicienne dans l'immense jardin. Mélody se souvenait de la course poursuite à travers le parc et la cache dans les fourrés. Même si sur le moment l'instant avait été terriblement délicat à gérer, elle pensa alors que la scène devait être plutôt épique et la fit même rire intérieurement. Mélody espérait qu'un jour cela ferait aussi sourire sa soeur, même si ce n'était pas encore gagné.

On lui permit de rentrer la voiture relique de son père dans le garage de la maison. Le chemin jusqu'au bâtiment était donc bien plus court, mais aussi beaucoup moins douloureux avec ses confortables chaussures de travail. Pour cette réparation sur le terrain, Mélody avait échangé sa combinaison bleue avec un simple pantalon en toile brune, seyant, mais confortable, et une blouse crème d'où l'on voyait dépasser nonchalamment son éternel débardeur noir. Ses cheveux étaient ramenés en arrière en une queue de cheval haute, dégageant son visage. La jeune fille restait sobre tout en portant ses vêtements de travail manuel.

M. Smith la guida à travers le dédale de couloir et de salles dans lesquelles Mélody se souvenait avoir déambulé. Même sans les décorations et les agencements de la réception, toutes les pièces étaient richement décorées d'œuvres d'art en tout genre et de toutes les époques, certaines vestiges de temps oubliés. Curieuse, la jeune fille aurait aimé s'y attarder et en apprendre plus à leur sujet, mais l'objet de sa venue était tout autre. Elle se contenta donc de suivre M.Smith jusqu'à la salle où elle devrait travailler. Après tout, elle était là pour ça.

La pièce ressemblait à une petite salle de contrôle. Au centre trônait un immense réceptacle de forme ronde. Il était doté d'une sorte de canapé circulaire sur lequel était installée une série de six robots humanoïdes dont la moitié était de forme féminine et l'autre masculine. Un novice aurait pu les prendre pour de réels êtres humains, mais Mélody connaissait les quelques détails qui permettaient de les différencier. Deux câbles sortaient de leurs nuques et encore deux autres de leurs bassins, les reliant à l'élément central. Toutes les machines étaient inertes, les yeux fermés, immobiles comme des statues.

Mélody déposa ses affaires, composées de ses outils et de l'ordinateur portable du garage – qui, tout comme les téléphones portables, valait une fortune – sur une table dans un coin de la pièce avant de s'approcher de l'élément central pour examiner les robots.

- Bien, commença-t-elle, avez-vous une idée du problème avec ces machines ? demanda-t-elle au majordome.

Ce dernier se tenait toujours très droit et lui répondit de sa voix précise.

- Ces robots constituent la majeure partie du personnel de cette maison, lui dit-il. Ils fonctionnaient parfaitement bien la semaine dernière, mais deux jours après la réception, lorsque j'ai voulu les remettre en marche, aucun n'a daigné se relever. J'effectue depuis le travail de sept personnes avec seulement deux aides robotisés, je dois vous avouer que c'est un peu compliqué.

- Je vois, dit-elle plus pour elle-même

Mélody saisit la main d'un des androïdes féminins, sur laquelle figuraient le nom et la référence du robot. Lui aussi venait de la société Cloud Technology, la même entreprise qui avait vendu le robot qu'elle réparait la veille. Elle put lire sur le dos de la main mécanique "Gloria, RNG 642", "RNG" voulant dire "Robot Nouvelle Génération".

- Mais ce sont des modèles RNG, s'exclama-t-elle. Ils sont sortis il y a à peine six mois!

- Monsieur Eudon a pu se les procurer en avant-première, intervint le majordome, lorsque nous avons changé les anciens robots domestiques. Nous les avons depuis un peu moins d'un an, et jamais jusqu'alors nous n'avions rencontré le moindre problème.

- Pourquoi n'avez-vous pas contacté un technicien de chez Cloud Technology ? Ces machines sont certainement encore sous garantie.

- Monsieur Eudon a insisté pour que vous vous chargiez vous-même de la réparation, répondit M. Smith.

- Mais si je les démonte, vous perdrez tous les bénéfices de la garantie. Êtes-vous vraiment sûr ?

- Monsieur Eudon a vraiment insisté.

Prise de cours, Mélody ne put qu'obtempérer et se mit au travail. Elle commença d'abord par allumer l'écran de contrôle principal pour accéder au menu du système avant d'essayer de mettre en marche les androïdes, ce qui se solda comme prévu par un échec. La jeune mécanicienne n'avait pas de grandes connaissances en informatique, mais sa volonté tenace devrait arriver à mettre un terme à cette panne.

- Avez-vous besoin de quelque chose ? Lui demanda le majordome. Où même seulement un rafraîchissement, un café ou un thé ?

- Non merci, mais c'est très aimable à vous, répondit-elle en lui souriant avant de remettre le nez dans le tableau de contrôle.

- Très bien, alors je vous laisse, termina M. Smith. Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à me solliciter, il y a un bouton près de la porte qui vous permettra de me contacter.

Il s'inclina pour la saluer avant de disparaître dans l'encadrement de la porte, laissant cette dernière ouverte. Mélody se remit au travail et, trop absorbée par son ouvrage, elle ne remarqua pas que la pièce comportait une autre porte dissimulée derrière un épais rideau rouge. Et derrière ce rideau rouge, quelqu'un l'épiait depuis son arrivée dans la pièce, analysant chacun de ses faits et gestes.

Cœur Mécanique [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant