Chapitre 16 - Répétition

2.2K 230 6
                                    


- Quoi ? Ils me demandent encore chez eux ?

Mélody n'en croyait pas ses oreilles.

- Oui, tu les as impressionnés la dernière fois que tu y es allée. J'aurais aimé t'accompagner, car leur système domotique doit être gigantesque et extrêmement intéressant, mais je dois rapporter des engins agricoles à leurs propriétaires.

Simon venait d'annoncer à sa fille que la famille Eudon avait de nouveau fait appel aux services du garage Pane pour tous les systèmes de gestion de la maison.

- Mais j'ai d'autres choses à faire ! mentit-elle pour tenter de se soustraire à cette intervention. Et je ne peux pas m'occuper d'un tel système toute seule ! Je n'ai pas encore les connaissances nécessaires, surtout que je n'étudie pas encore ce genre de chose

- S'il te plaît, Mélo, ce contrat représente une somme colossale ! Et de plus, le gouverneur Eudon pourrait même t'écrire une lettre de recommandation pour l'Académie Mélusianne, si tu lui montres que tu es à la hauteur !

Mélody aurait voulu résister, mais elle ne pouvait rien refuser à son père. De plus, le dernier argument qu'il venait d'invoquer l'intéressait au plus haut point. Le concours d'entrée pour l'école d'ingénieur approchait à grands pas. Ses précédents échecs la rendaient encore plus déterminée, mais elle devait bien avouer qu'un petit coup de pouce ne serait pas de refus.

La jeune fille n'avait pas raconté à son père son altercation avec le fils du gouverneur, sinon il ne l'aurait certainement pas poussé à se rendre une nouvelle fois chez lui. Il se serait bien trop inquiété et l'aurait surprotégée, alors elle avait décidé de garder cela pour elle. Et puis il y avait Léana. Si jamais sa sœur apprenait qu'elle avait eu malgré elle un entretien particulier avec le jeune éphèbe, elle ne l'aurait jamais pardonné. Autant oublier toute cette histoire et aller de l'avant, comme d'habitude, sans perdre de vu ses objectifs.

L'idée même de revoir le jeune homme la rendait mal à l'aise. Elle ne savait trop quoi penser de lui. Depuis leur dernière entrevue, il lui arrivait très souvent de penser à lui. D'imaginer, vainement pensait-elle, qu'il était quelqu'un de bien derrière cette carapace de fils à papa beaucoup trop mise en avant. Il lui arrivait d'espérer qu'ils pourraient un jour s'entendre, apprendre à mieux se connaître. Malgré ses a priori, elle voulait le revoir et s'en sentait horriblement coupable.

C'est ce moment que Léana choisit pour traverser le hangar, vêtue de sa tenue de serveuse. Sa chemise blanche boutonnée jusqu'au col était recouverte d'une cravate noire assortie à sa jupe crayon. Des ballerines confortables lui permettaient de se mouvoir aisément dans tout le restaurant et ses cheveux tirés en arrière lui donnaient un air strict et élégant. Léana aperçut son père et sa sœur installés au petit bureau du coin de l'atelier, son regard se durcit en se posant sur Mélody.

- Alors, tu es contente ? Tu retournes chez lui, n'est-ce pas ?

Le ton n'avait jamais été aussi agressif. Mélody se retourna pour faire face à sa sœur, qui reprit.

- Ne te fais pas d'illusion, tu n'as aucune chance avec lui ! cracha Léana. Qui voudrait de toi, de toute façon ? Avec tes airs de garçon manqué et tes manières de camionneur !

- Je te le répète, Léana, Lysandre ne m'intéresse pas ! C'est un jeune homme pédant, pourri gâté et arrogant. Je n'ai rien à faire avec un type comme lui, et toi non plus d'ailleurs !

Mélody se retenait encore d'exploser. Cette situation ridicule entre elle et sa sœur lui portait de plus en plus sur les nerfs.

- Parce que tu l'appelles par son prénom, maintenant ? Et comment peux-tu savoir ce qui est bon pour moi ? Tu devrais laisser papa y aller, il est bien plus qualifié que toi ! Tu vas te ridiculiser, ma pauvre !

- J'aurais bien aimé, figures toi, mais papa est pris ailleurs. Alors je vais y aller, faire mon travail, puis rentrer.

Mélody se calma, un silence s'installa avant qu'elle reprenne d'une voix douce :

- Léana, cette petite guéguerre est ridicule ! Nous ne nous sommes jamais fâchées pour un garçon, alors pourquoi maintenant ? Si j'ai fait ça, c'est pour te protéger. Je ne veux que ton bonheur.

- Occupe-toi de tes affaires ! Tu n'es pas maman !

Et Léana disparut derrière les grandes portes du hangar, laissant Mélody comme ça, le cœur meurtri, une larme perlant au coin de sa joue.


Cœur Mécanique [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant