Chapitre 11 - Tergiversation

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- Une mécanicienne ?! Mais tu n'y penses même pas !

Abygaïl ne pouvait pas croire ce qu'elle venait d'entendre. Elle était attablée avec son époux et son fils dans la grande salle à manger de la demeure Eudon. Une ribambelle de robots cuivrés à forme humaine se suivaient afin de servir le repas à leur propriétaire, le tout orchestré au millimètre près. Pendant qu'ils mangeaient, Lysandre lui avait raconté le déroulement de sa soirée de la veille ainsi que la journée qu'il venait de vivre. La nouvelle que son fils venait de lui annoncer la consternait.

- Je sais, mère, je dois vous avouer que moi-même je ne me l'explique pas. Mais cette jeune femme est tellement... différente.

Mélody l'intriguait. Il ne savait pas s'il l'aimait ou s'il la détestait, mais toujours est-il qu'elle ne le laissait pas indifférent, chose plutôt rare. Lysandre voulait être certain de ses sentiments à son égard avant de l'exclure totalement de sa vie.

- Et tu dis qu'elle t'a mal reçu, c'est bien ça ? demanda Bayron.

Le gouverneur s'amusait de la situation de son fils. Beaucoup trop couvé et gâté par sa mère, le jeune homme ne se voyait jamais rien refuser, et sa rencontre avec la mécanicienne le décontenançait comme jamais. Finalement, le gouverneur se dit qu'il aimait bien cette jeune fille.

- Oui, elle manque cruellement de politesse et de professionnalisme. Sa jeune sœur est beaucoup plus commerçante, elle doit rattraper les mauvais pas de son aînée.

- La serveuse, c'est ça ? demanda sa mère. Et elle, elle ne te plaît pas ? Quitte à avoir une roturière en tant que belle fille, autant qu'elle soit un minimum polie !

Le ton était dur, car Abygaïl n'était pas du même avis que son fils et son mari. Pour elle, Lysandre devait épouser une femme de son rang. Elle avait même essayé d'arranger des rencontres ainsi que des fiançailles avec les jeunes filles les mieux nées du pays, tout comme l'avaient fait ses parents avec elle. Mais elle n'avait pu tenir tête longtemps à son unique enfant, qui voulait choisir lui-même son épouse, et à la bonhomie de son époux qui soutenait totalement son fils.

- Elle est charmante, mais elle ressemble à toutes les autres filles que j'ai connues... Non, je ne sais pas. Il faut que je réfléchisse à tout ça.

Comme un bal bien orchestré, le repas touchait justement à sa fin. Pendant que les androïdes s'empressaient de débarrasser le couvert, Lysandre prit congé de ses parents pour retourner à ses appartements. La nuit qui s'annonçait promettait d'être mouvementée, tant les pensées du jeune homme s'embrouillaient en tous sens. Il espérait pourtant que la nuit lui porterait conseil.

***

- Tu as encore tout gâché !

Encore une fois, Léana s'énervait contre sa sœur, lors du repas du soir. Simon, dans le rôle de l'éternel arbitre de ces deux dragons, essayait de comprendre la situation avant d'intervenir.

- Gâcher quoi ? Tu as entendu comment il nous a parlé ?

- Tu l'as provoqué !

- J'ai été très polie avec lui, répondit Mélody en tentant de garder son calme, alors que sa sœur avait déjà les yeux humides.

- Il ne reviendra jamais, c'est sûr ! C'était l'homme de ma vie, Mélody ! Tu ne comprends vraiment rien !

- Je comprends surtout que tu dis ça à propos de chaque jeune homme que tu rencontres, et qu'à chaque fois tu reviens en pleurant en disant que les hommes sont tous des salauds !

Simon reconstituait petit à petit les pièces du puzzle.

- Léana, je pense que ta sœur a tout de même raison ! Tu devrais laisser filer. C'est difficile à dire, mais le fils du gouverneur ne s'embarrasserait certainement pas d'une belle famille si modeste, avait-il tenté d'expliquer en essayant de ménager sa fille.

Cela eut l'effet inverse. Léana éclata en sanglots et quitta la table, laissant son assiette quasiment pleine.

- Vous ne comprenez vraiment rien ! Je vous déteste !

Et elle disparut au fond du couloir, claquant bruyamment la porte de sa chambre.

- Je déteste quand elle fait ça, confia Mélody à son père. On dirait une gamine de douze ans.

- On ne peut pourtant pas la changer, je le crains, ajouta Simon. J'aimerais tellement que votre mère soit encore avec nous. Elle savait tellement mieux gérer ce genre d'histoire.

- C'est sûr, fit-elle, pensive. Mais elle n'est plus là, et nous avons grandi. Il nous faut nous comporter comme des grandes personnes, Léana et moi.

- Vous serez toujours mes petites filles, termina Simon en regardant sa fille avec des yeux affectueux.

Mélody sourit timidement, car même si elle aimait profondément son père, elle n'avait jamais su comment réagir aux marques d'affection, quelles qu'elles soient. Elle déposa pourtant un baiser sur la joue de son père avant de ranger la table du dîner et de prendre elle aussi le chemin de sa chambre. Mélody espérait de tout son cœur que la nuit calmerait les esprits. Voir sa sœur dans cet état l'attristait profondément même si elle avait toujours appris à garder ses émotions pour elle.

Le lendemain serait un autre jour.

Cœur Mécanique [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant