Les jours passèrent, et petit à petit, les visites de Lysandre se faisaient de plus en plus rares. Mélody pensait qu'il avait compris, où alors qu'il s'était lassé et avait trouvé une autre jeune femme à courtiser. Même si une partie d'elle-même était soulagée de ce calme retrouvé, l'autre partie regrettait que l'intérêt du jeune homme ne porte plus sur elle. Elle se sentait désirée, dans un certain sens, et c'était plutôt agréable. De plus, le fils du gouverneur lui semblait de plus en plus avenant, courtois, presque sympathique. Mais peut-être n'était-ce là qu'une illusion, car elle avait un petit béguin pour lui.
Le garage était vide, ce matin-là. Léana dormait encore tranquillement et Simon était parti tôt, à l'autre bout du dôme, pour faire la révision de machines agricoles qui ne pouvaient pas être transportées jusqu'à l'atelier. Il n'y avait aucune machine à réparer dans le hangar. Mélody s'installa donc dans le bureau pour faire un peu de paperasse avant que des clients ne lui apportent du travail.
Alors qu'elle rangeait des factures, un homme passa les portes de l'atelier. Sa démarche approximative et sa tenue sombre lui donnaient un air inquiétant, mais Mélody ne s'en formalisa pas. Elle avait parfois affaire à des clients étranges. La jeune fille alla à sa rencontre et se plaça de l'autre côté du comptoir. Au fur et à mesure que l'homme s'approchait, elle s'aperçut qu'il n'était vêtu que de noir et portait une cagoule. Elle s'efforça de rester calme, même si elle n'était pas dupe sur ses intentions.
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ? dit-elle aussi calmement que possible.
L'homme s'agita, il ne voulait pas être là, mais il devait obéir aux ordres de son maître, aussi étranges soient-ils. Il sortit de sa poche un revolver qu'il pointa sur la jeune fille, menaçant.
- Donne-moi toute ta caisse ! dit-il en haussant la voix, même si elle n'était toujours pas assurée. Et vite !
La scène était surréaliste pour Mélody. Jamais elle n'aurait cru se faire braquer comme ça, d'autant plus dans un garage ! Les comptes étaient tellement sécurisés que de moins en moins de personnes réglaient leurs achats en liquide, encore moins dans un garage où les frais pouvaient vite grimper ! Les clients payaient généralement par chèque ou virement bancaire, la caisse était donc quasiment vide.
- Je suis désolée, Monsieur, mais nous ne gardons aucune espèce ici.
- Tais-toi, et dépêche-toi ! Trouve quelque chose, ton propre argent, ou je...
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un jeune homme entra en trombe dans le garage. Il jaugea le malfaiteur et, dans un élan théâtral, l'interpella.
- Comment osez-vous menacer cette jeune fille, vil personnage ! fit-il en déclamant son texte appris par cœur.
Il s'approcha du malfrat puis lui assena un coup de canne bien placé avant de le mettre à terre avec une souple prise de judo.
Mélody se détendit, elle venait de comprendre ce qui se passait devant ses yeux. Son valeureux sauveur n'était autre que Lysandre Eudon, et le malfaiteur un de ses vigiles qu'elle avait croisés lors du bal masqué. Leur petite mascarade l'amusait beaucoup, alors elle se contenta de contempler le spectacle en se retenant de rire.
Le pauvre vigile prit ses jambes à son cou dès que son maître se désintéressa de lui. Lysandre le regarda s'enfuir, avant de revenir à sa belle mécanicienne.
- Vous n'avez rien ? s'inquiéta-t-il, alors qu'il savait pertinemment que le colosse ne lui avait touché pas même un cheveu.
- Tout va bien, répondit-elle. Et bien, heureusement que vous étiez-là ! continua-t-elle en surjouant comme son interlocuteur, amusée.
- Je passais par là, et je l'ai entendu vous menacer, alors j'ai accouru, tout simplement ! C'est le devoir de n'importe quel gentleman !
- Quel courage ! se moqua-t-elle en retenant son rire, mais Lysandre ne semblait pas remarquer son rictus.
- Puisque je suis ici, poursuivit-il sur le ton de la conversation, j'aimerais vous inviter à dîner. La dernière fois, vous aviez trop de travail, peut-être que vous y voyez plus clair à présent.
Mélody n'en revint pas. Il était coriace, le bougre. Mais cette fois-ci, elle avait envie d'accepter. La petite mascarade qu'il avait jouée pour elle, bien que grotesque, l'avait fait beaucoup rire.
- Très bien. Samedi, alors ?
Ce fut au tour de Lysandre d'être surpris. Elle venait d'accepter ! Enfin ! Il essaya de conserver sa joie au fond de lui, même si son sourire devait trahir à quel point il jubilait.
- C'est parfait, je passe vous prendre alors. À samedi !
- Au revoir, M. Eudon.
- Je vous en prie, appelez-moi Lysandre !
Elle regarda le fils du gouverneur s'éloigner, ne réalisant toujours pas ce qu'elle venait d'accepter. Et puis, après tout, ce n'était qu'un dîner, rien de plus. Que pourrait-il bien se passer ?
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Cœur Mécanique [Terminé]
RomantizmSous le dôme 348, toutes les demoiselles désirent devenir des Ladies et épouser des Messieurs riches et importants, comme Lysandre, le fils du gouverneur. Enfin, presque toutes. Mélody n'est pas de haute naissance et se moque bien des étiquettes, pr...