26/ William

1.2K 92 19
                                    

Je n'y crois pas. J'étais à peine arrivé à l'aéroport ce matin que je recevais un texto pour me dire qu'on me déportait sur un autre vol dans l'après-midi. J'ai fait enregistrer mes bagages, programmé une alarme sur mon téléphone pour me rendre assez tôt aux douanes avant de rejoindre ma porte d'embarquement. Il me reste encore quatre bonnes heures à attendre avant que l'avion ne décolle et je m'ennuie fermement. Mon café est déjà froid et ne me donne plus envie du tout. Tout comme le cookie négligemment posé dans sa petite coupelle sur la table d'un des cafés de l'aéroport.

Arthur m'a envoyé plusieurs SMS auxquels je n'ai pas pris le temps de répondre. En fait, je ne sais surtout pas quoi répondre.

Lorsqu'il m'a prévenu que Solange était au courant de mon possible retour sur Paris, j'ai surveillé mon téléphone, attendant un message, quelque chose. Je me suis dit que, sachant cela, il prendrait contact.

J'aurais pu le faire aussi, mais je ne sais pas, j'espérais qu'il le ferait.

Et encore là, rien.

J'ai juste prévenu Arthur que je repartais sur New York aujourd'hui et que j'étais déplacé sur un autre vol. Et depuis, il ne cesse de me demander si je vais refuser le poste et rester aux États-Unis.

Je ne suis toujours pas décidé et, pourtant, je sais qu'une fois sur le sol américain, je ne signerai pas. Je me connais assez bien pour ça.

Je porte le café froid à mes lèvres et fronce le nez. Je ne pourrai pas le boire en l'état. Je me lève pour aller en commander un autre. Je ne les compte plus depuis ce matin.

Je n'ai pas parlé de cette offre à ma famille. Mes parents auraient été déçus que je la refuse. Les revoir m'a fait beaucoup de bien et j'ai adoré rencontrer ma nièce. Mon frère a une petite fille adorable. Par contre, je suis sûr qu'elle va lui en faire voir de toutes les couleurs.

Je récupère mon café et savoure la chaleur du gobelet entre mes doigts. Je retourne m'installer sur ma chaise et bois tranquillement tout en grignotant mon biscuit trop sucré.

Mon téléphone vibre encore. Arthur. Je ne regarde pas. Je me contente de répondre à mes mails de travail et potasser quelques projets que j'ai reçus hier. Même si je refuse le poste, je sais que mon boss voudra mon avis sur la question. Alors autant prendre de l'avance. Et puis ce n'est pas comme si j'avais autre chose à faire à ce moment précis. J'aurais pu quitter l'aéroport et retourner sur Paris, mais rien que l'idée de me retrouver coincé en revenant et rater ce vol m'a fait rester.

Pourtant, mes pensées ne sont pas du tout à tout ça. Je repense à Solange. À notre nuit. Notre discussion qui ne verra jamais le jour.

Je ne sais même pas s'il a rompu avec Thibault. Peut-être qu'il s'est remis avec ? Non. Il ne lui aurait jamais pardonné d'avoir parlé ainsi de Thelia.

Je soupire, je dois passer à autre chose.

En rentrant, je tournerai définitivement la page.

Mon téléphone se met à vibrer et sonner pour me prévenir qu'il est l'heure d'y aller. Si je veux avoir le temps de tout faire correctement sans stresser, il faut que j'y aille maintenant.

Je me lève, laisse mon cookie à moitié mangé et, mon gobelet à la main, je suis le mouvement des gens devant moi. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir traîné ici. Il y a du monde. On sent que les vacances sont terminées. Je ne suis pas le seul expat à retourner de l'autre côté de l'océan.

Sans un regard en arrière, je m'insère dans la queue qui se forme.

Mon téléphone vibre encore et je manque de renverser mon café pour voir qui m'appelle.

Je suis surpris, c'est un numéro inconnu.

Je ne réponds pas.

J'avance encore un peu. Cette fois, c'est un texto. Encore ce numéro inconnu. Je l'ouvre et je reste surpris. C'est la photo que Solange a pris de nous deux.

On me pousse pour que j'avance.

Mon téléphone vibre encore. Le même numéro. Un nouveau message.

Je suis là.

Je me retourne. Personne. On me bouscule en râlant, alors je décide de quitter la file. Je regarde partout et mon regard se pose sur lui. Il est là. Il a l'air essoufflé. Je m'avance, alors qu'il ne bouge pas. Lorsque nous sommes enfin l'un en face de l'autre, je peux voir qu'il a dû se dépêcher pour arriver.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Belle entrée en matière, William, magnifique.

Une lueur de tristesse s'allume dans les yeux de Solange. Je l'ai blessé.

— Excuse-moi. Je ne voulais pas dire ça.

— Si. Et tu as raison.

Il reprend son souffle et je lui propose mon café. Stupide parce qu'il est chaud et qu'on ne se désaltère pas avec du café. Il en boit tout de même une gorgée.

— Je ne pouvais pas te laisser partir comme ça.

Je penche la tête sur le côté.

— Je t'ai laissé partir une fois. Sans explication.

Mon téléphone vibre et sonne à nouveau. J'ai oublié d'arrêter l'alarme dans la queue. Je me tourne pour voir que la file a déjà bien avancé.

— Je ne te retiendrai pas longtemps.

— J'ai le temps.

On se regarde, maladroits et embêtés par cette proximité dont on ne sait pas quoi faire réellement.

— J'ai quitté Thibault.

— C'est bien.

Quelle conversation de fou. Je me sens au meilleur de ma forme en répartie.

— Oui.

Lui aussi a l'air d'être à l'aise.

Mon téléphone sonne et vibre toujours dans ma main.

— Je vais devoir y aller.

Solange me sourit tristement.

— On se revoit au mariage.

— Oui.

— Tu as mon numéro pour l'organisation ?

Je lui montre mon téléphone et il hoche la tête.

— Bon, j'y vais alors.

Je me tourne pour rejoindre le portique. Ça ne rime à rien notre conversation. On a l'air de deux statues coulées dans des blocs de ciment. Je m'avance vers la file lorsqu'une main se pose sur mon bras.

— Accepte !

Je le regarde sans comprendre de quoi il parle. Il me tire à lui et ses lèvres se posent sur les miennes. Je reste quelques secondes interdit avant de répondre à sa langue timide, mais gourmande. Notre baiser a l'air de durer une éternité, alors que ce n'est que quelques secondes.

— Accepte de revenir !

Le téléphone sonne toujours, me pressant de rejoindre la file.

— Charge tes mails avant le décollage.

Il me tourne le dos et s'en va en direction de la sortie. Je n'ai pas le temps de le rattraper ni de faire autre chose que de me dépêcher de m'insérer dans le labyrinthe que forme la file d'attente et de rejoindre ensuite ma zone d'embarquement. Je ne tiens pas à rater mon vol. Même si j'aurais aimé passer plus de temps avec Solange. Ses dernières paroles passent en boucle dans mon esprit. De quoi parle-t-il ? Une fois moins pressé et plus serein, je m'installe sur un siège en attendant qu'on puisse embarquer. Je charge alors mes mails et commence à lire celui qui s'intitule : je suis désolé.

Au fur et à mesure que les lignes défilent sous mes yeux, je sens mon cœur se serrer. Solange a tout mis. Son cœur, ses tripes, ses espoirs...

Une fois à la fin, je referme le mail sans l'effacer et regarde la photo que Solange m'a envoyée. Je souris et lui réponds.

J'accepte la seconde chance.  

Une fin d'année entre amisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant