Chapitre 1

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Liz était venue me récupérer dans sa voiture, qui, soit dit en passant, était tout simplement bonne pour la casse. Nous nous sommes arrêtées devant un vieil immeuble qui tentait de s'imposer entre le bureau de tabac et la boulangerie qui l'écrasaient.

Elle ne m'avait même pas dit ce qu'on venait faire ici, elle avait juste enlevé le contact du grille-pain sur roues et avait claqué sa portière. Hésitante, je l'avais suivie jusque dans le hall d'entrée qui sentait un mélange de javel et d'œuf pourri. « Je n'en ai pas pour longtemps, il faut que j'aille voir quelqu'un, attends-moi là, ok ? » m'avait-elle finalement expliqué.

« Fais vite » avais-je grimacé. « Je tiendrai pas longtemps avec cette odeur ». Elle avait rit avant d'appuyer sur le bouton de l'ascenseur pour me laisser là, seule, figée comme une idiote.

Finalement, je me suis installée sur les premières marches de l'escalier, face aux boîtes aux lettres. Je commençais à m'ennuyer, et même si je m'étais habituée à l'odeur nauséabonde, j'avais hâte de m'en aller.

Je paniquai intérieurement lorsque je réalisai qu'un homme aux longues boucles brunes était entré dans le hall. Il était bizarrement entouré de gardes du corps.

Il me faisait dos et semblait chercher un nom sur les boîtes aux lettres, ce qui me fit vite penser qu'il ne vivait pas ici. Il n'avait, de plus, rien d'un facteur. « Je peux vous aider ? » avais-je finalement proposé.

Il sursauta, comme s'il était étranger aux voix humaines. Il s'était enfin tourné, prêt à me répondre, jusqu'à ce qu'il croise mon regard. C'est seulement quand ses yeux me fixèrent qu'il arrêtait de bouger. Je dois dire qu'il ferait une bonne statue humaine.

Puis, il plissa les yeux en me dévisageant sans dire mot. Je pouvais enfin analyser sa tenue vestimentaire qui était des plus simples, son visage métissé, ou encore, ses grands yeux bruns profonds. De plus, il avait bizarrement des gardes du corps à ses côtés. « Vous avez besoin d'aide ? » avais-je répété.

« Je... Je cherche la boîte aux lettres de Tyler Clarke » avait-il bafouillé. « J'ai... une lettre pour lui » Poursuivit-il, timidement. Il avait hésité sur sa dernière phrase, mais même si ma vilaine curiosité se demandait ce qu'il se trouvait à l'intérieur de cette enveloppe blanche, ma fierté me soufflait, au contraire, de ne pas y prêter attention.

Je me levai pour me diriger vers les trois gardes du corps, puis, je parcourai les noms inscrits sur les casiers pour trouver cette fameuse personne. « C'est ici » avais-je montré du doigt.

Il me remercia tout en glissant la lettre dans la fente alors que je retournais m'asseoir sur les escaliers, attendant mon amie qui prenait un peu trop son temps.

Cet inconnu continua à me fixer. Je détestais quand les gens faisaient ça, j'étais mal à l'aise, alors, j'évitais ses yeux du mieux que je le pouvais. Seulement, ignorer une personne qui ne détournait pas son regard de moi était plus facile à dire qu'à faire.

« Est-ce qu'on se connaît ? ». Son silence et sa pseudo-contemplation m'agaçaient grandement.

Il semblait surpris et recula d'un pas, arquant un sourcil. Je paraissais l'avoir offensé. Je soufflai pour garder mon calme et tentai de m'expliquer sans m'énerver, bras croisés. « Si je vous... »

Ses yeux s'écarquillèrent de plus belle, comme s'il lisait dans mes pensées. « ... Oh... Hum... Non, je ne vous ai jamais vue auparavant... » me coupa t-il.

Il baissa la tête, faisant retomber ses bouclettes sur son front, puis il sortit à toute vitesse sans faire preuve de politesse. Un « Bonne journée » était peut-être de trop pour sa politesse limitée.

Tout de même, je l'espionnai à sa sortie, pour savoir s'il habitait dans le coin. Il entra dans une limousine, protégé et entouré par ses nombreux gardes. Il devait certainement être important, je ne sais pas.

C'est quelques minutes après que j'entendis les portes de l'ascenseur s'ouvrir pour laisser passer Liz. « On peut y'aller ! » s'était-elle exclamée. « Pas trop tôt » avais-je rétorqué, impassible.

Je la suivis jusque dans la voiture où nous nous attachâmes. Je devais sûrement avoir encore l'air en colère puisqu'elle me fit la remarque. « Y'a quelque chose qui ne va pas ? »

Une chose que je détestais par-dessus tout : Les personnes qui demandaient si tout allait bien quand il était évident que tout allait mal.

« Non, rien... » avais-je bougonné. J'étais obstinée à ne rien lui dire, alors, elle m'avait regardée d'un air incrédule, sans pour autant insister. Et tant mieux, je n'avais pas envie de me fâcher contre elle. Ainsi, j'avais simplement changé de sujet en l'interrogeant à mon tour. « Quelle est la personne que t'es allée voir ? »

Ma question avait don de la faire sourire, rêveuse. « Tyler ».

Ce prénom ne me laissa pas indifférente... Tyler... ? Tyler... Tyler... Tyler ! Ça y est, ça me revenait... « Tyler Clarke ?! »

Elle avait froncé les sourcils et avait tourné sa tête vers moi pendant quelques secondes avant de fixer à nouveau la route. « Comment ça s'fait que tu le connaisses ? » s'était-elle étonnée.

J'esquissai un sourire, fière de m'être rappelée d'un détail pourtant insignifiant. « Quelqu'un cherchait sa boîte aux lettres, il a mentionné son nom et je l'ai retenu »

Elle fit les gros yeux en laissant paraître un léger sourire en coin. « Comment était-il ? » s'empressa t-elle de me questionner, me coupant presque la parole.

« Qui ça ? » Je savais très bien la réponse, mais j'avais voulu jouer l'innocente. J'aimais la faire patienter, ou la faire tourner en bourrique.

« Ce type qui cherchait sa boîte aux lettres, voyons ! » Elle semblait sérieuse, voir légèrement angoissée, ce n'était certainement pas le moment de faire une plaisanterie quelconque.

« Hum... Cheveux longs... bouclés... noirs... Oh ! Il avait étrangement des gardes du corps... Encore un gars qui se croit important... » avais-je plaisanté, tout en paraissant sérieuse.

« Nez ? » S'enquit-elle. Je ne pus m'empêcher de rire à sa question qui me paraissait plutôt absurde.

« Refait » dis-je d'un ton évident. Elle soupira de soulagement et rit nerveusement avant de tourner le volant pour garer son véhicule rouillé.

Lorsqu'elle détacha sa ceinture, je l'imitai et sortis à mon tour de son engin qui roulait tellement lentement qu'il était en fin de compte plus rapide de marcher. « Tu le connais ? » l'interrogeai-je.

Elle hocha la tête avant de citer un prénom qui m'était inconnu.

« Michael. Michael Jackson. »

Forgotten [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant