Amour et solitude : l'être humain, cette personne réfléchie

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L'amour est au centre des préoccupations humaines : être aimé de et aimer ses parents, ses enfants, ses amis, ses collègues, son partenaire, des inconnus sont une source inépuisable de souffrances et de petits bonheurs comme de créativité ou de réflexion.

Pourquoi ? Parce que l'humain est un être double.

Personnes conscientes, nous avons une vie intérieure primordiale qui doit être nourrie d'expériences physiques et psychiques. Êtres sociaux, nous avons également besoin d'interactions pour nous construire et nous épanouir.

On peut résumer la mécanique individuelle à une tension entre deux pôles irrésistibles : un désir d'indépendance et une dépendance nécessaire.

I. Un désir d'indépendance.

Pourquoi désire-t-on l'indépendance ? Pour se sentir libre de suivre les caprices de nos instincts et projets sans se sentir esclave des besoins et volontés d'autrui.

Libres, nous pouvons aller au bout de nous-mêmes, sans regrets. Tout expérimenter pour se donner le sentiment de n'avoir pas vécu en vain.

Mais seuls.

Et, seuls, personne avec qui partager et, forcément aussi, l'égoïsme de cette liberté toute-puissante cause des dommages collatéraux parmi les autres que nous croisons et broyons sur notre passage, accumulant les remords.

Au cours de l'existence, des crises d'indépendance ont été identifiées à l'entrée de l'enfance (crise d'opposition vers 2 ans), à la sortie de l'enfance (crise d'adolescence) et à l'entrée dans la vieillesse (crise de la quarantaine).

Chacun vit ces crises comme des libérations traumatiques d'une vie devenue étouffante à cause d'autrui ou de règles ressentis comme subis et insupportables ou illégitimes.

A condition de souffrir réellement de freins à son épanouissement personnel.

En effet, si ces transitions sont universelles, cela ne prend pourtant pas toujours les dimensions d'une crise. Il faut que le système dont on veut se libérer s'impose de manière autoritaire et illégitime : la toute-puissance parentale, le moule sociétal ou l'approche de la mort.

II. Une dépendance nécessaire.

Ainsi, partager la vie d'autrui, prendre en compte l'autre, se soumettre à lui, c'est s'épargner les remords et se sentir grandi d'avoir satisfait aux autres.

Nous dépassant pour répondre aux exigences d'autrui.

Mais réduits à un objet sans accomplissement personnel, plein des regrets d'une vie gâchée pour nous.

La soumission, pour peu que notre estime personnelle soit trop faible pour qu'on accorde de l'importance à nos désirs et émotions, est une posture de confort que beaucoup peuvent tenir toute une vie. De nombreuses expériences scientifiques ont d'ailleurs montré que le dominé est moins stressé que le dominant, délivré du poids des responsabilités liées au risque d'échec lorsqu'on est aux commandes.

III. La vie : un équilibre sur le fil.

Par conséquent, vivre, c'est trouver l'équilibre entre indépendance épanouissante et dépendance nécessaire.

Et c'est cet équilibre qui est complexe à tenir car la vie est un mouvement incessant et l'être humain un bouillonnement constant de désirs et craintes en perpétuelle évolution.

Le temps, donc, dans le couple (amical mais surtout amoureux), passe souvent comme un ennemi du lien.

Or, ce n'est pas lui l'adversaire. Personne ni rien n'est l'ennemi du couple sinon les hasards de la vie et l'égocentrisme des partenaires.

Première chose à garder en tête : on ne naît pas en couple car on le devient. Ça s'apprend, ça échoue, ça réussit, ça tient plus ou moins bien.

En découle la deuxième chose à se rentrer dans le crâne : on n'est pas couple car on fait couple. C'est, en permanence, l'envie d'avancer dans un cadre commun vers un but commun. D'être tendu vers le partenaire, ouvert et bienveillant, pour construire avec lui une relation et les conditions d'épanouissement de celle-ci.

En découle par conséquent la troisième et dernière chose à considérer : un couple tient autant au désir qu'à une certaine forme de volonté de nourrir ce désir. Je ne parle pas que du désir physique mais plus globalement du désir de faire corps, coeur et esprit à deux. Pas une fusion mais un partenariat amical et amoureux. Quand l'un des partenaires a cessé de le vouloir son couple meurt. Et il faut aussi savoir y faire face pour ne pas sombrer avec la fin de cette entité virtuelle qui disparaît.

IV. L'être humain, cette personne réfléchie.

On a beau vouloir l'indépendance, nous sommes tous dépendants.

Pour nous sentir vivants et valeureux, nous avons besoin d'exister pour quelqu'un et que cette personne nous renvoie de nous un reflet valorisant, une image qui nous rende fiers de nous.

Souvent, ce que les autres pensent de nous ne nous est pas vraiment accessible : ce sont leurs actes et paroles que nous décodons comme des marques d'estime ou de mépris.

Or, cette image que nous avons de nous-mêmes, que nous croyons donner et devoir afficher, est conditionnée par notre éducation : attentes, craintes, tabous, idéaux, hontes...

C'est ici souvent que réside le point de rupture. Tant que notre réalité colle à ce que l'on croit devoir être, ça marche. Dès qu'on constate un écart, c'est là que la crise existentielle fait son nid : hiérarchie sociale, réussite matérielle, célébrité, couple, parentalité, forme physique, voyages, beauté, culture... C'est par dizaines que ces diktats nous oppriment et, notamment lors de la crise de la quarantaine, nous font face à la vieillesse et la mort ressentir une impression d'échec et un désir urgent de compenser par des expériences nouvelles et extrêmes. C'est un peu la même mécanique qui est à l'oeuvre à l'adolesence, le plus gros de la crispation provenant du traumatisme qui confronte l'enfant privé de son insouciance juvénile à la société brutale dans laquelle il est sommé de prendre sa place en abandonnant ses rêves.

Par conséquent, pour s'épanouir, il faut avoir conscience de ces mécanismes à l'oeuvre pour se comprendre, communiquer et favoriser des relations épanouissantes et, surtout, se libérer des croyances et conditionnements qui nous étouffent.

Conclusion

Même en considérant la possibilité mystique d'une existence après la mort, la vie physique y est souvent absente puisque le corps est mort.

On peut donc à la manière de Blaise Pascal faire un pari : dans l'éventualité où on n'aurait que cette vie-là, il faut vivre de manière à ne pas arriver face à la mort en ayant des regrets ou des remords. S'il s'avère qu'on n'en a pas fini après la mort, on aura eu une vie riche et satisfaisante pour nous occuper l'esprit ; s'il se trouve que la mort est un rideau final jeté comme un linceul sur notre personne, on n'aura pas vécu en vain.

Une vie bien remplie est donc une existence dans laquelle on a exploré toutes les facettes de notre humanité : jouissance matérielle du corps et des objets, accomplissement spirituel par la culture, les arts, les relations et la citoyenneté. En ayant osé faire ce qui nous attire et résisté à ou appris de nos erreurs.

Le fil d'ArianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant