On croise tous dans nos vies des étoiles sombres. Des astres en perdition qu'on devine assez vite entachés de souffrances, englués dans des soucis de sorte qu'on voit bien qu'ils se noient ou bien vont se noyer.
Mais qui refusent de l'admettre.
Qui s'obstinent chaque jour sur l'éternelle orbite des routines sans avenir, cumul de journées mortes.
Certains fuient ces menaces de trous noirs à venir de peur d'être engloutis quand l'astre s'écroulera. D'autres, bien au contraire, voient dans l'acharnement de ces météorites à nier quand ils chutent qu'ils ne font que tomber la raison fascinante de leur tendre la main, le motif implacable de les secourir.
Et tandis que l'un sombre en feignant l'indolence, l'autre éclaire, forcené, les douleurs qu'il décèle. Et tous deux se confrontent en vain et douloureux, le sauveur persistant en bourreau acharné, le sauvé qui se ment en victime qu'on harcèle.
Il n'est pas évident, non, d'aider une personne qui ne le souhaite pas.
Mais comment se peut-il que quelqu'un qui se noie refuse d'être sauvé ? Il n'est pas suicidaire, non, il est juste orgueilleux.
Une dissonance cognitive intervient lorsqu'on fait un choix et que les résultats escomptés sont déçus par la réalité. Il faut alors faire face à l'échec, à la honte, et tout recommencer en assumant ses torts. Voilà bien cher payé une décision mauvaise. C'est pourquoi, bien souvent, pour réduire ce tourment dans lequel nous étouffe cette amère dissonance, on feint devant l'échec y trouver contentement, avoir finalement choisi ce qu'on subit. Et c'est ainsi bientôt que, un choix après l'autre, on se gaine d'échecs arborés en trophées, qu'on se perd en chemin dans une fuite en avant.
C'est ainsi que vont naître ces sombres météores.
Dès lors pour les sauver, il faut donc à la fois renverser leur ego en les jetant sous l'avalanche des mensonges qu'ils ont peu à peu entassés pour se draper d'une dignité factice mais protectrice, et dans le même temps les forcer brusquement à faire face aux démons, aux échecs, aux gâchis et aux larmes qu'ils nourrissaient en secret dans leur sein. Le sauveur est d'abord un salaud.
Puis il ne suffit pas d'abattre ces défenses aux allures de sépulcre : il faut désensevelir le malheureux noyé, le porter et le réconforter, lui apprendre patiemment à s'aimer, à aimer, à guérir, à construire, à choisir, à vouloir, à rêver.
Non.
Sauver contre son gré qui nage vers le fond est aussi perilleux pour le sauveur que pour le sauvé.
Il faut parfois attendre, bienveillant et patient, l'instant - il vient toujours ! - ou le masque trompeur de l'autopersuasion glisse un peu sur les larmes du dedans pour sécher de son doigt la goutte de vérité qui sera le miroir qu'on tendra au noyé. Alors enfin le perdu pourra choisir la main qui le redressera.
Ou bien de s'engloutir.
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Le fil d'Ariane
RandomParce que, quand on tourne en rond dans sa tête, on ne va plus nulle part... Voici mon petit cabinet virtuel pour vous aider à reconnaître votre Minotaure et trouver la sortie de votre labyrinthe intérieur : explications sur le fonctionnement psychi...