Rêve 12 - Des liens et des entraves

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L'être humain est essentiellement social mais les liens que nous nouons avec les autres nous renforcent de leur soutien et nous attachent à leurs pas. Ils sont nécessaires mais sujets aux pathologies de l'attachement le plus souvent conséquentes à un dérèglement de l'estime de soi suite à des traumatismes de l'enfance. Jalousie, exclusivité, rejet de l'engagement, dépendance, etc. : les effets en sont variés mais, chaque fois, le monde en paraît hostile alors que c'est en nous qu'est implantée la mauvaise habitude relationnelle. Comprendre où se trouve la pierre dans notre jardin, c'est pouvoir planter ensuite sereinement des plantes donnant de plus beaux fruits !

J'étais sur un genre de bateau (bizarrement, c'était le Titanic mais il n'y ressemblait pas trop) avec mes sœurs. Bon, il y avait des gens qui bougeaient, etc... Bref : les gens vivaient normalement.
==> Un bateau est un havre au milieu de l'eau, un monde symbolique au milieu du néant. Mais c'est aussi un moyen de transport. Après, on ne peut pas non plus exclure une overdose de Titanic. Admettons donc que ton bateau soit symbolique : c'est avec tes soeurs que tu embarques et personne d'autre. C'est elles ton univers. Personne d'autre. Un problème de dissociation difficile ? Vous êtes trop fusionnelles ? Le fait d'être sur un moyen de transport exprime une transition, probablement vers l'âge adulte et l'extrascolaire. C'est une mutation qui t'angoisse ?

Quelques instants plus tard, on se retrouve dans l'eau (après que le titanic a coulé ? Je ne sais pas mais j'en avais l'impression.). Avec mes soeurs et pleins d'autres gens. Je ne les regarde pas mais je sais qu'ils font comme nous : ils nagent. Dans ma tête, j'entends une voix de femme, comme une présentatrice ou une femme qui faisait un reportage sur nous (les gens dans l'eau) ; je savais que les autres l'entendaient mais c'était dans ma tête. Elle parlait de deux choses en rapport avec les gens : la musique et elle faisait des sous-entendus par rapport au suicide. Je ne me souviens plus de ses mots exacts mais, en gros, elle racontait que la musique était importante pour les gens, qu'elle les aidait à tenir dans la vie.
==> Ici, le drame intervient sans heurts. Tu t'économises. Ici, même s'il y a danger de mort, cela ne vient pas du risque de noyade, d'hypothermie ou d'être bouffé par les requins. L'enjeu est ailleurs. La voix journalistique peut être une rémanence des JT et autres reportages qui ne manquent pas de naufragés mais, ici, c'est bien de suicide dont il est question. Or, la trame narrative semble contredire ton impression forte et ton souvenir. Tu es donc en bataille contre ton inconscient, l'un de vous deux cherchant à changer, l'autre à demeurer. Il s'agit donc bien de renaître par les eaux en un nouvel être après avoir tué l'ancien. L'enfant dépendante de ses soeurs et bercée par la musique ?
La musique semble occuper une place prépondérante dans ta vie. Or, comme tout art, la musique fait système et permet de s'evader hors de soi et de son univers : quand on consomme la musique aussi addictivement au point de penser mourir quand on s'arrête, c'est que ça cache quelque chose ou soi-même. Une pesanteur intérieure ? Familiale ? Sur l'avenir ? Bref : de quoi la musique te sauve-t-elle en remplaçant ton identité par un rêve d'ailleurs et d'autresoi ?

À côté de ça, mes sœurs et moi on continuait toujours à nager. Mais, comme je ne sais pas nager, je m'accrochais au dos de ma sœur la plus âgée (celle dont je suis la plus proche).
==> Groupe indissoluble, votre sororité paraît une et indivisible, organique, chaque élément incomplet sans les autres et voué à la mort. Paraît.

Sur son dos était accrochée une espèce de bateau miniature (une espèce de maquette du Titanic où on était les minutes d'avant). Et, en bas de celui-ci, il y avait une prise pour brancher des écouteurs. Tout ça est apparu d'un coup ; je n'ai rien "installé" ; c'est apparu tout seul.
==> Ici, tu condenses la symbolique de la soeur-monde qui devient même ta mère avec ce cordon ombilical que constituent les écouteurs via cette prise.

Et j'ai commencé à entendre de la musique : c'était une musique des années 80 ; ma sœur les adore et moi aussi. La femme continuait de parler, et peu à peu, elle expliquait que si on arrêtait d'écouter de la musique, on mourrait.
==> Quel traumatisme que les années 80, dernière parenthèse d'insouciance dans le naufrage du monde ! On y est tous restés plantés. C'est la confirmation que tu cherches bien à te distinguer de ton passé. Ou à t'y replonger.

Je me souviens juste à peu près du début d'une de ses phrases à ce moment là. Elle disait : "Ceux qui le feront..." (En parlant de débrancher les écouteurs et donc mourir) et, dans la fin de la phrase, elle explique les raisons, je crois : je ne sais plus trop.
==> L'utilisation du pluriel fait masse, effet de groupe. Or, la foule rassure l'individu en confortant ses choix. Tu y cherches l'approbation et la force de légitimer ton choix de partir.

Là, je crois que mes sœurs se sont mises à parler entre elle. Moi, j'approchais doucement ma main vers la prise des écouteurs et j'essayais de les retirer sans que ma sœur ne le remarque. Et puis je les ai retirés. Ensuite, je crois que j'ai enlevé le bateau de son dos. Et, là, mes sœurs s'éloignaient très lentement mais elles n'avaient rien remarqué. C'était comme ci le temps avait ralenti légèrement. J'hésitais à lâcher les écouteurs. Les lâcher voulait dire mourir et, au départ, je les avait retirés volontairement, je pense. Mais, ensuite, je n'osais pas les lâcher et les voir sombrer.
==> On arrive ici au passage à l'acte. Tu te dissocies et constates l'absence de réaction de tes soeurs et de conséquences, même si tu cherches à minimiser la portée de ton acte : oui tu coupes le cordon mais tu le gardes à la main pour rebrancher. Et tu as la sagesse d'emmener ta part de force, qui ne manque pas à la sœur à qui tu l 'as prise. Tu es prête, même si ça fait peur.

Je me souviens avoir réfléchi et m'être dit que je ne pouvais pas car j'aime énormément ma sœur et que je ne voulais pas ne plus jamais la revoir. Alors, après, je l'ai appelée. Elle s'est retournée et a vu que j'avais débranché les écouteurs et enlevé le bateau (qui tenait sur son dos grâce à un mécanisme) mais elle a cru à un accident. Elle n'a pas pensé que je l'avais fait volontairement.
==> Tu renonces donc à ton choix de partir. Tu as testé, joué avec l'idée de risquer la mort en rompant la cellule sorale, mais tu reviens. Tu viens de tester le fameux "je pars mais pour mieux revenir" ! Votre relation est sauvegardée et la dignité des apparences préservée. Toi seule sais désormais que tu peux faire cavalier seul.

Ensuite elle m'a un peu disputée car elle me disait "il ne faut pas retirer le bateau de mon dos : j'ai un trou dans le dos spécialement pour l'accrocher et enlever/remettre le bateau me fait mal.". Ensuite, je crois qu'elle l'a remis et je me suis réveillée.
==> Retour à la réconfortante case départ de la soumission béate à l'autorité. Irresponsabilité bénie.

Le fil d'ArianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant