Qui n'a jamais souri devant le ridicule de l'hystérie provoquée par une souris, une poupée, une abeille, une araignée ? Oui, les tourments des autres nous excitent le sadisme mais, plus que tout, ils rehaussent notre prestige quand on y est insensible. La peur éprouvée par les autres, quand nous ne la partageons pas, nous grandit.
Mais le phobique ? Lui, dans ce monde d'apparence de bravoure qui n'est en réalité qu'indifférence narcissique, il apparaît comme un être chétif, fragile et ridicule. Et son estime de soi en est régulièrement piétinée, sa vie un enfer.
Un exemple de ce que j'ai traversé vaudra mille discours :
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Un après-midi, au sortir de l'école, alors que je me vidais tranquillement la tête devant le poste de télévision, ma mère rentra. Mécaniquement, je tournai mon regard vers elle. Soudain, je hurlai et me levai d'un bond : autour de son cou s'enroulait une écharpe quelque peu originale, aux couleurs de l'automne, bordeaux et marron. C'était un cordon laineux auquel venaient se greffer d'innombrables autres petits brins de laine plus courts semblables à une multitude de pattes velues d'araignée. Hystérique, pleurant, je vis ma mère s'approcher de moi, surprise et inquiète. Je criai, la suppliant d'ôter de ma vue cette chose horrible qui me terrorisait tant. Croyant tout d'abord que je n'étais pas sérieux, puis désireuse de me rassurer, ma mère tendit vers moi le vêtement pour que je le touche et me rende compte de son caractère inoffensif. Impuissant devant la peur qui me nouait l'estomac, je pris du recul. À mes cris, à mes pleurs, à mon attitude, ma mère comprit enfin que je ne plaisantais absolument pas.
Quand elle eut finalement caché l'objet de ma panique, j'eus tout de même beaucoup de difficultés pour me calmer. Raide, les mâchoires et les poings crispés, je dus faire les cent pas durant plusieurs minutes avant d'être capable de me rasseoir sur le canapé. Enfin, je pus me mettre en position assise, tendu. Je restai ainsi pendant encore près d'un quart d'heure, tétanisé et tremblant.
Cela ne fait que quelques mois que cet insolite événement s'est produit et je ne parviens toujours pas à comprendre ce qui m'a poussé à être stupidement terrifié par une simple écharpe, bien qu'elle ait ressemblé quelque peu à un arachnide. Mais les faits sont là, et je ne peux que constater. Il m'aura presque fallu un mois avant de pouvoir toucher de mes mains le vêtement tant craint. Ce qui fut pour moi l'apogée de mon arachnophobie semble vouloir demeurer inexplicable.
De cette histoire aux apparences ridicules j'ai pourtant retiré un enseignement : avant d'être personnellement confronté à l'hystérie dans laquelle peut nous plonger une phobie, jamais je n'aurais songé un seul instant que ce genre de scène puisse être autrement que risible. Cette affaire m'a de loin et jusqu'à maintenant fait éprouver la plus pénible angoisse de toute ma petite existence. N'est pas le plus inquiétant le fait d'avoir peur de quelque chose ; le pire est de sentir la perte absolue du contrôle de nos émotions comme celui de notre corps : c'est de se retrouver privé de la totalité de ses moyens face à une chose aux apparences insignifiantes qui nous plonge dans les affres angoissants de l'effroi.
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Ce texte, rédigé durant mon adolescence, quelques années après les faits, parle de lui-même. Deux fois par la suite, deux camarades auront essayé ma phobie dans un accès de curiosité amusée. Le premier en me montrant une petite araignée en plastique dans le creux de sa main par surprise, ce qui m'a fait bondir par-dessus une barrière de chantier en poussant un cri bien peu digne de la masse que je suis et qui rendait improbable un tel exploit sportif, le second, en plein cours, en lançant sur ma table, par derrière, une mygale en plastique, ce qui m'a fait bondir en hurlant et en renversant les meubles et les affaires qui se trouvaient dessus.
Intense et ridicule.
Je retire de tout ça une empathie pour les phobiques et une tolérance pour ceux qui ne les comprennent pas.
Dans mon roman Puzzled, qui tourne beaucoup autour des phobies, je développe ce qu'est pour moi une phobie : l'expression d'une angoisse psychique qui se fixe sur un objet symbolique. Or, cette angoisse provient d'un traumatisme qu'il s'agit de retrouver pour le désamorcer (notamment via une psychanalyse) et donne lieu à des symptômes qu'il s'agit de combattre pour retrouver dignité et qualité de vie (notamment par l'usage de techniques de psychothérapie comportementale).
Pour la petite histoire, ma phobie des araignées s'est apaisée quand je suis devenu végétarien, dans un vaste et profond mouvement de prise de conscience que toutes les espèces ont droit de vie et participent d'une symbiose : notre écosystème. En désapprenant ainsi mes conditionnements primaires issus d'une famille de bouchers-charcutiers citadins grands consommateurs de produits neurotoxiques insecticides, pièges, papiers tue-mouche et autres tapettes, j'ai compris et appris le respect de la vie sous toutes ses formes ; en me décentrant, j'ai ôté aux araignées leur dimension cauchemardesque pour les rendre à leur état de nature.
Je n'irais pas aujourd'hui jusqu'à les toucher, tant ma répugnance pour elles est ancrée, mais je peux désormais les regarder, rester près d'elles et, quand il le faut, utiliser des accessoires pour les sortir de la maison.
Anecdotique à qui n'est pas phobique, mais révolutionnaire pour les phobiques.
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Le fil d'Ariane
AcakParce que, quand on tourne en rond dans sa tête, on ne va plus nulle part... Voici mon petit cabinet virtuel pour vous aider à reconnaître votre Minotaure et trouver la sortie de votre labyrinthe intérieur : explications sur le fonctionnement psychi...