De Mars à Vénus - Homme / Femme : mode d'emploi

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I. Un quiproquo.

Parce qu'on a longtemps confondu les causes et les conséquences, on croit encore aujourd'hui que les hommes et les femmes sont différents parce qu'ils font différemment. Ainsi, les différences physiques ne seraient que l'enveloppe explicitatrice de différences psychologiques et comportementales essentielles à l'identité, innées, indubitables et implacables.

Or, c'est à la fois l'inverse et tout autre chose.

De nombreuses théories modernes, s'appuyant sur des observations des neurosciences, archéologiques, sociologiques, psychologiques ou empiriques, sont venues depuis des décennies battre en brèche l'idée d'un principe féminin et d'un principe masculin naturellement présents dans le sexe physiologique.

Certes, le corps masculin produit de la testostérone, hormone notamment de l'agressivité et de l'audace, et dispose d'un penis, sexe extérieur qui se tend pour la conquête et la dissémination fugitive ; certes le corps féminin produit des œstrogènes et de la progestérone, hormones notamment de la grossesse, et dispose d'un vagin, sexe intérieur fait pour accueillir et recevoir une semence à la fois puis un embryon unique puis un nourrisson pour près de quatre ans (grossesse puis allaitement) ; mais ces différences physiologiques sont davantage un prétexte à déresponsabiliser les hommes lorsqu'ils succombent à l'attrait du plaisir sexuel et surcondamner les femmes lorsqu'elles doivent endosser les conséquences sociales ou parentales d'une galipette un peu forcée plutôt qu'un déterminisme psychologique et comportemental.

En effet, la nature étant bien faite, la femme n'est pas destinée à s'occuper seule de la naissance sous peine d'y perdre sa vie et celle de son enfant (les semaines entourant l'accouchement et l'accouchement en lui-même mettant à mal l'autonomie et la sécurité de la parturiente) ; de même, l'homme ne se sent épanoui que sous le regard d'autrui, inséré dans une relation où il est à la fois valorisé et utile, tout comme la femme. En découle de fait un fonctionnement symbiotique du couple, quels que soient les sexes des partenaires, qui forment un binôme fonctionnel et complémentaire pour affronter les stress de la vie et mettre en oeuvre plus efficacement des stratégies pour atteindre les objectifs qu'ils estiment désirables.

II. La guerre des sexes : un conflit organisé.

Ainsi, l'homme ne vient pas de Mars, dieu de la guerre et de l'autorité, ni la femme de Vénus, déesse de l'amour et des voluptés : on les y accompagne et incarcère de force.

Cette différenciation sexuelle des caractères comportementaux et psychologiques est le fruit non pas des corps physiques mais du corps social. En effet, constamment, de la naissance à la mort, et même dans l'anticipation de la grossesse comme dans l'évocation des défunts, la parole et le regard sociaux, activement ou passivement, perpétuent des stéréotypes traditionnels ancestraux qui, pour critiqués rationnellement, sont néanmoins continuellement nourris et reproduits : les vêtements, les jouets, les attendus comportementaux, les manières de s'adresser aux filles et aux garçons sont sexués en permanence, conditionnant par la répétition des rôles sociaux et des types psychologiques qui impactent en profondeur la construction de l'individu, ses interactions, son image de soi et les ambitions et attitudes qui en découlent.

Si les habitus de classe, comme les formalisait le sociologue Pierre Bourdieu, sont aussi des conditionnements, ils sont variables d'une classe à l'autre et cette variété permet plus facilement leur remise en question. Pour ces habitus de sexe, qui innervent de façon plutôt homogène toutes les sociétés humaines à travers les âges, elles prennent l'aspect naturel de lois immuables et, de fait, agissent plus en profondeur dans l'inconscient et il devient difficile de les tenir à distance.

Pourtant, avec la pression du droit et la disparition des cautions physiques et religieuses à l'asservissement de la femme par l'homme, la tension devient critique entre le discours et les actes. Des mouvements comme le recent #balancetonporc, #metoo ou la vive polémique franco-française sur l'écriture inclusive sont des indicateurs de cette fracture révélée qui nous interroge et nous adjure de la réduire d'urgence.

Le fil d'ArianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant