CHAPITRE 4 : MONDE

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2600 après-JC,

Lorelëy avait les yeux rivés sur une seule et unique chose : un miroir. Comme aimantée, elle s'était précipitée vers les toilettes du bâtiment, cherchant à se confronter à cet objet interdit. Quelque chose d'inexplicable l'attirait, une pulsion viscérale, une soif de vérité qu'elle ne comprenait pas encore. Devant le miroir, elle sentit l'adrénaline envahir son corps, ses mains tremblant légèrement alors qu'elle s'approchait, lentement, comme si elle craignait de découvrir ce qu'elle allait y voir.

Elle se pencha, son visage à quelques centimètres de la surface réfléchissante, et pour la première fois, elle se vit réellement. Ce n'était pas l'image qu'elle avait imaginée, si tant est qu'elle ait jamais pu s'en faire une. Un visage rond, marqué par le temps et la souffrance. Ses cheveux, abîmés et fourchus, tombaient en mèches désordonnées. La mèche blanche qui couvrait partiellement son front masquait un œil d'un jaune perçant, l'autre étant d'une teinte plus commune, mais tout aussi intense.

Elle s'attarda sur sa peau, d'une pâleur presque irréelle, semblable à celle d'une statue de marbre laissée à l'abandon pendant des siècles. Chaque pore, chaque ligne trahissait une existence de privation. Deux siècles de malnutrition, d'abandon, de maltraitance, tout cela se lisait dans son apparence. Sous ses yeux, deux cernes noires dessinaient des croissants de lune, témoins silencieux de ses innombrables nuits sans sommeil, de ses cauchemars incessants.

Mina, ou plutôt Lorelëy, restait immobile devant le miroir, ses yeux fixés sur l'image qui lui renvoyait un reflet si inattendu et troublant. Le miroir était devenu plus qu'un simple objet ; il était le révélateur de tout ce qu'elle avait perdu, mais aussi un symbole du chemin qui s'étendait devant elle.

Les traces noires sous ses yeux semblaient presque vivantes, comme des ombres de souvenirs douloureux qui se reflétaient dans ses pupilles fatiguées. Les contours de son visage, à la fois enfantins et marqués par la souffrance, lui parlaient d'une vie passée dans la pénombre de la détention et de l'oubli. Elle s'efforça de comprendre ce qu'elle voyait : la pâleur de sa peau, les cheveux désordonnés, et cette mèche blanche mystérieuse qui dévalait en cascade, camouflant son autre œil, accentuaient l'étrangeté de sa découverte.

Les minutes passaient, et la jeune femme se trouvait tiraillée entre la terreur de son état actuel et la curiosité dévorante de ses origines. L'adrénaline de l'instant faisait éclipser la réalité, chaque instant devant le miroir semblait suspendu dans le temps. C'était comme si le miroir lui offrait un aperçu de sa propre âme, une vérité que ses souvenirs défaillants ne pouvaient pas encore capturer complètement.

Soudain, un léger bruit la fit sursauter. La porte des toilettes s'ouvrit doucement, et une silhouette se dessina dans l'embrasure. Layla entra, ses yeux immédiatement attirés par la tension palpable dans l'air. Elle s'arrêta un instant, observant Lorelëy avec une inquiétude non dissimulée.

La main puissante de Layla vint la surprendre, après quelques secondes de contemplation. Elle l'a conseilla :"Tu ne devrais pas t'en approcher de trop près. Il n'y a pas que ton reflet dans ces vitres.", son ton était dur, presque provoquant. 

La blonde s'avança toujours plus mais ce qu'elle vit la fit reculer de plus belle. Son reflet, certes, mais plus elle s'approchait, plus du sang venait recouvrir son reflet. Layla prit ses distances pour essayer de capter la prochaine réaction de Lorelëy. Des cheveux humides, un corps froid comme ensevelit sous la neige, les lèvres bleues. La peau bleuis par le froid, son regard était vide, et dans ses paumes se trouvait quelque chose, trois lumières. Layla derrière, fut aussi intéressée par ce qui était en train de se passer.

La protagoniste vint poser une main sur le miroir, son reflet l'imita, les trois bijoux tombèrent aux pieds de sa réplique. Trois bagues, le joyau rouge. Lorsque leurs paumes se touchèrent, un choc entra en la jeune femme. Elle retira sa main à toute vitesse, s'attendant à ce que le miroir redevienne comme avant. Pourtant le reflet était resté statique, comme si rien ne s'était passé. Alors cette chose entrouvrit la bouche pour dire quelque chose d'à peine audible aux oreilles de Lorelëy : "Va vers le cœur, sur le chemin, ton alter-égo s'y trouvera." Les yeux de la jeune femme s'ouvrirent pour montrer sa stupeur. Elle n'eut plus rien dit jusqu'à la disparition du reflet. Lorelëy tomba lourdement sur le sol, comme volée de toute énergie.

LORELËYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant