2 - L'ENTERREMENT

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 En descendant au rez-de-chaussée, ma mère avait fini par s'endormir dans le canapé. Je pris une couverture dans le placard de l'entrée et la dépliai sur elle, quand on frappa à la porte.

Sur le perron, j'aperçus ma tante, Emma. Elle était bouleversée.

— Je viens juste d'apprendre pour Victor. Oh, ma chérie !

Elle s'avança vers moi et m'attrapa avec ses immenses bras pour me serrer tendrement contre elle. Cette proximité permit de laisser sortir ma douleur, comme rassurée d'être enfin entourée d'un membre de ma famille autre que ma mère, pour lequel je n'avais plus besoin de faire semblant d'être forte.

Tante Emma était la sœur aînée de ma mère. C'était une femme très grande et longiligne. Autrefois, elle avait été top-modèle. À présent, du haut de ses quarante-sept ans, elle s'occupait de recruter les mannequins et de leur apprendre les ficelles du métier.

— Je suis venue dès que j'ai su. La gendarmerie m'a prévenue. Où est ta mère ? m'interrogea-t-elle en s'écartant légèrement, ses deux mains posées sur mes épaules.

— Elle s'est endormie sur le canapé.

— Oh ! Je ne vais pas la déranger, alors.

Tante Emma caressa mon bras, se retourna et fit entrer deux grosses valises.

— Je suis désolée, j'étais dans un taxi quand j'ai reçu l'appel. Je rentre de Paris et sortais tout juste de l'aéroport de Maupertus. Du coup, je suis venue directement.

— Tu as bien fait.

— Je pense que je vais rester ici quelques jours, pour aider ta mère à s'occuper de l'enterrement, si cela ne pose pas de problème.

— Bien sûr que non, ça me fera plaisir de passer un peu de temps avec toi. Merci.

Elle possédait un petit appartement dans le centre-ville de Cherbourg, où elle y vivait lorsqu'elle revenait de temps en temps dans la région pour y séjourner le week-end.

— Et toi, comment te sens-tu ? finit-elle par me demander.

— Je ne sais pas trop, je ne réalise pas. J'ai peur d'aller me coucher après avoir vu papa dans cet état.

— Oh, ma pauvre chérie !

Je me blottis une fois de plus dans ses bras et elle m'embrassa sur le front.

— Je suis là, maintenant, me réconforta-t-elle. Raconte-moi un peu ce qui s'est passé. Le gendarme n'a pas voulu me dire grand-chose au téléphone.

Bien que n'ayant pas la tête à ça, je lui expliquai rapidement ce que j'avais vécu. Elle semblait dépitée et ne parvenait pas à reprendre ses esprits.

Ma mère se réveilla et se leva du canapé. Elle avançait vers nous d'un pas lent, comme une somnambule. Aucune réaction ne se dessina sur son visage lorsqu'elle aperçut ma tante. Elle était toujours sous le choc et ne parlait pas. Ma tante fut stupéfaite en voyant sa robe maculée de sang.

— Mon Dieu, Térésa ! s'écria-t-elle en la rejoignant. Viens avec moi, nous allons monter à la salle de bain, dit-elle en passant son bras autour de la taille de sa sœur.

Ma mère, épuisée, se laissa diriger par ma tante, comme le ferait une marionnette. Elles grimpèrent doucement les escaliers tant bien que mal.

J'empoignai les valises et les portai à l'étage dans la chambre d'ami. Mon sang ne fit qu'un tour quand mes yeux se posèrent sur une photo sur la commode représentant mes parents. C'était moi qui l'avais prise à nos dernières vacances d'été. Mon père souriait en regardant ma mère qui éclatait de rire. Ils étaient tellement heureux ! Je me sentis de nouveau mal à l'aise et dus m'asseoir un instant sur le lit. Je serrai le cadre contre moi un moment, puis le replaçai sur le meuble, les larmes coulant sur mon visage.

AU-DELÀ DE LA LUNE - 1 : Songes (l'intégrale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant