8 - L'IMPASSE

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 Je me retrouvais dans une pièce sombre. Des morceaux de papier adhésif opaque étaient appliqués sur de petites fenêtres rectangulaires, installées relativement haut sur les murs, empêchant les rayons du soleil de passer à travers. Un homme, vêtu d'une longue tunique noire, était assis dans un fauteuil face à un bon feu de cheminée, fumant sa pipe. Des photos étaient disposées un peu partout sur les murs, les meubles et sur la cheminée. L'une d'entre elles indiquait que c'était un homme âgé d'une quarantaine d'années. Il était photographié près d'un gâteau d'anniversaire. Un quatre et un zéro s'inscrivaient sur une feuille en pâte d'amandes, placée au centre du gâteau. Seulement, la photo semblait dater, elle était en noir et blanc. Je regardai l'homme dans le fauteuil. Il paraissait bien conservé pour son âge. Mais, sur la cheminée, un autre portrait de lui m'interpella. Ce portrait était en sépia, le montrant devant la gare maritime de Cherbourg, que je reconnus aussitôt. Dans le bas du cadre, on pouvait y lire :

Gare maritime de Cherbourg,

inaugurée le 30 juillet 1933

par Monsieur Lebrun,

Président de la République

Mais quelque chose clochait. Comment pouvait-il se retrouver sur la photo, alors qu'elle était datée de 1933 ? Je fis un bref calcul dans ma tête. L'homme serait âgé au minimum de soixante-quinze ans. Et sur cette photo, il avait facilement ses quarante ans. Non, ce n'était pas possible. Il aurait aujourd'hui... cent quinze ans ! Peut-être était-ce son grand-père ? Pourtant, il me semblait que c'était bien lui sur la photo. Ou alors, cette personne lui ressemblait énormément. Je le regardai plus attentivement. Son visage ne laissait paraître aucune ride. Son teint était d'une pâleur de craie remarquable, contrastant incroyablement avec ses cheveux noir corbeau, très courts. Visiblement, cette personne ne devait pas supporter le soleil pour avoir une peau aussi blanche. Peut-être était-ce pour cela que les vitres étaient recouvertes d'un film opaque ? Ce ne fut rien de tout cela cependant qui retint mon attention.

Curieusement, ses iris étaient d'un pourpre foncé. Les flammes dans la cheminée leur firent changer de couleur. Ses pupilles étaient à présent dorées.

Une porte située au fond du bureau s'ouvrit. Un charmant jeune homme entra. Il était drapé d'un long manteau noir. Il avança rapidement vers le centre de la pièce et posa un genou à terre et baissa la tête.

Le fauteuil pivota vers le jeune homme.

— Eh bien, mon jeune ami ! As-tu trouvé ce que je recherche ? l'interrogea l'homme.

— Oui, Maître, répondit le jeune homme en relevant la tête.

— Eh bien, dis-moi ! s'impatienta le quadragénaire.

— Nous avons localisé la dernière Élue dans le nord de la France, Maître. Non loin de Cherbourg, pour être plus précis, l'informa le jeune homme.

— Parfait ! s'exclama le maître en se levant du fauteuil.

Il se dirigea vers la cheminée et fixa les flammes.

— Envoie cinq de tes hommes pour garder un œil sur elle, ordonna-t-il en faisant volte-face vers le jeune homme.

Ses yeux avaient à nouveau changé de couleur. Ils redevinrent rouges.

— Bien, Maître.

Le jeune homme fit un signe de tête et se releva, puis se déplaça vers la porte.

— Attends une minute, Lazare.

Il tourna de nouveau vers son maître.

— Maître ?

AU-DELÀ DE LA LUNE - 1 : Songes (l'intégrale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant