4 - LE CONSEIL DE CLASSE

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 L'été se profilait à l'horizon, alors que nous n'étions qu'au début du mois de juin. Ma mère commençait à reprendre des forces et des couleurs. Elle avait enfin réussi à sortir de sa chambre. Au fur et à mesure, elle retrouvait l'appétit. Parfois, je décelais un tout petit sourire à mon intention. Il était temps que je lui fasse part de mon intention de redoubler et de lui parler des examens. Elle était assise dans la cuisine devant son assiette qu'elle regardait avec dégoût. Je tirai la chaise en face d'elle et m'installai.

— Maman, nous arrivons à la fin de l'année scolaire et mon conseil de classe est aujourd'hui. J'ai pris la décision de refaire mon année. Je voudrais me donner une chance de la réussir l'an prochain.

— Tu es sûre de toi, me dit-elle à voix basse.

— Oui, comme je ne vais pas passer mon examen de français, je pense que c'est la meilleure solution. Avec l'argent de la maison, nous trouverons bien un petit appartement en centre-ville. À moins, repris-je doucement, en voyant son visage déconfit, que tu préfères que nous déménagions loin d'ici ? Dans ce cas, je devrais changer de lycée.

Les larmes emplirent ses yeux.

— Maman, je ne dis pas ça pour te faire du mal, mais tante Emma a sans doute raison. Nous devrions peut-être nous reconstruire ailleurs, faire de nouvelles rencontres. Moi aussi, ça me fera de la peine de quitter mes amis. Mais si ça peut t'aider à passer le cap, alors, pourquoi pas ? Papa voudrait que tu continues à vivre et que tu t'épanouisses comme il aimait tant te voir auparavant.

Elle me regarda. Je lui sentis une certaine compréhension.

— Tu as raison, c'est sans doute la meilleure solution. De toute façon, nous n'avons pas le choix en ce qui concerne la maison. Seulement, je ne suis pas prête à partir loin d'ici. Je préférerais que nous trouvions quelque chose dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres. Je suis d'accord de m'éloigner de la ville, mais je ne supporterai pas de quitter la région.

— D'accord, dis-je pour la rassurer, en lui pressant la main. Alors, où veux-tu que nous nous installions ? continuai-je. Du côté de Cherbourg, de Saint-Pierre-Église ou plutôt vers Carentan ? La rentrée de septembre va venir vite et je dois faire un dossier d'admission pour mon nouveau lycée.

— Oh, je n'ai pas de préférence. Nous pouvons chercher une maison dans les villes voisines et voir s'il y en a une qui nous plaît, peu importe l'endroit ! me dit-elle en affichant un vrai sourire.

Une très grande émotion me parvint. Ça faisait des semaines que j'attendais de voir ce si beau sourire sur son visage.

— Si je peux donner mon avis, je préférerais quelque chose du côté de Cherbourg. J'aimerais mieux être près de la mer.

— Alors, allons-y pour Cherbourg. Je te l'ai dit, ça m'est égal.

— Tu es sûre ? Parce que si nous ne trouvons pas de ce côté-là, nous pourrions toujours élargir notre périmètre de recherche. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, tu sais. Moi, dans quelques années, je quitterai la maison, mais toi, tu y resteras peut-être toute ta vie. Alors, tu dois être certaine que cette ville te convienne.

— Ne t'inquiète pas pour ça, j'aime bien Cherbourg. D'ailleurs, j'y ai vécu près de trois ans quand j'étais petite.

— C'est vrai ? Tu ne m'en avais jamais parlé.

— Oh, c'est parce qu'il n'y a pas grand-chose à raconter. Je m'y plaisais, je m'étais fait beaucoup d'amies. Jusqu'au jour où l'une d'entre elles a disparu avec ses parents. Les gendarmes l'ont trouvée au bout de deux jours, blessée et errante dans les bois. Elle était la seule survivante. Ses parents ont été retrouvés morts. Elle était tellement choquée que ses propos étaient incohérents. Nous n'avons jamais su ce qui s'était vraiment passé dans ces bois. Du coup, son frère et elle ont été placés en famille d'accueil.

AU-DELÀ DE LA LUNE - 1 : Songes (l'intégrale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant