30.Passé enchaîné

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C'était une vingtaine d'années avant la Troisième Guerre mondiale. Sophia Brown et Chris Jones, deux ados de seize ans, étaient tombés amoureux, et de cet amour avait résulté une grossesse. Bien sûr, malgré l'évolution du monde, ils étaient trop jeunes pour assumer cette grossesse. Pourtant, ce n'était pas l'âge, le problème majeur, parce que plusieurs personnes beaucoup plus jeunes qu'eux étaient déjà devenues parents. C'était la pauvreté, le problème. Dans une civilisation qui écrasait le peuple sous le poids des taxes et où les dettes s'accumulaient, ce n'était pas facile de vivre et encore moins avec cette incroyable évolution du monde qui rendait tout plus cher. Ils n'avaient pas songé à l'avortement, cela était naturellement banni de leur dictionnaire. 

Pourtant, les relations sexuelles prématurées et sans protection ne l'avaient pas été. Ils décidèrent alors de se débrouiller et de se battre — entre accumulation de jobs et réduction conséquente de leur coût de vie — jusqu'au terme de la grossesse, par amour pour leurs enfants. Car oui, ils surent qu'il s'agissait de jumeaux. À ce moment, ils prirent peur face à la lourdeur de la responsabilité qui allait leur incomber. Ils firent alors un choix douloureux, séparer les jumeaux à la naissance, séparer Paul et Peter. Heureusement pour eux, Peter avait été le coup de cœur d'une famille mexicaine vivant aux États-Unis et elle l'avait adopté, leur proposant même de l'aide pour supporter Paul, tout au moins au début de sa vie. C'est ainsi que Paul Jones devint fils unique aux yeux de tous et que Peter Jones devint Paolo Suarez.

Étonnamment, Sophia et Chris avaient découvert après une année qu'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre, mais se retrouvèrent coincés à jouer le rôle de parents. Résultat, Paul n'avait pas pu bénéficier de l'amour qu'il avait tant recherché durant son enfance. Contrairement à ce dernier, la famille d'accueil de Paolo Suarez — qui désirait un enfant depuis des années, mais n'avait pas pu être aidée par les nombreuses techniques de procréation — donna à leur fils adoptif autant d'amour qu'elle le pouvait. Paul grandit ainsi dans une misère infinie accentuée par un manque d'amour parental alors que son frère avait une vie que tous auraient enviée. Pourtant, Paolo Suarez avait toujours été connu pour sa méchanceté et son ingratitude. Ni l'argent ni l'amour ne l'avaient changé. Paul, quant à lui, avait hérité de la bonté de ses parents et s'était donné à fond pour réussir. Un exemple palpable que l'environnement de vie ne conditionnait pas toujours les personnalités...

Toutefois, le destin voulut que ces frères se retrouvent un jour. Ils avaient postulé pour entrer dans l'armée spéciale, mais une seule place était disponible pour le poste qu'ils convoitaient. Paul Jones l'avait obtenu. En bon mauvais perdant, Paolo s'était amusé à faire une enquête sur celui qui lui avait ravi le poste. Il avait donc découvert que Paul était son frère jumeau. Pourtant, il le haïssait sans le connaître. Pourquoi ? Parce qu'il était celui que leurs parents avaient choisi. Il n'avait pas songé à la chance qu'il avait peut-être eue en se retrouvant dans une famille comme celle des Suarez. Tout ce qu'il souhaitait, c'était se venger.

Il avait observé Paul Jones pendant des années et même pendant la guerre, nourrissant cette envie de le détruire. Il s'était donc infiltré dans l'armée secrète, avait été présent à chaque instant et même en Afrique. Un jour, une nelcalienne qui, en fait, pour eux, était une extraterrestre, et qui était très jeune, s'était rendue dans leur base pour leur parler du plan qu'elle avait fomenté. C'était en pleine journée, alors que les humains discutaient d'une nouvelle stratégie pour gagner la guerre. Paolo, bien caché, les écoutait. C'est à cet instant que la créature brisa toute la façade murale et s'introduisit dans la pièce. Tous se mirent en position de contre-attaque alors qu'elle dégageait une aura très puissante. Ils lui tiraient dessus, mais elle restait debout devant eux, leurs balles retombant à ses pieds. Elle fit mine de bâiller pour montrer son ennui.

La planète aux yeux vertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant