26. Mue

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- Quoi ? De quoi tu parles ? sursauta Charlie.

- C'est quoi tout ce bordel ? On est où ? demanda Rebecca, fixant Camille.

Les pierres étaient humides et claires à ce niveau-là de la forêt. Il s'y mouvait un mince filet d'air froid.

- Je crois... qu'on est dans la Ciudad Blanca, répondit-il.

- La Cité Blanche..., répéta Charlie. Elle n'existe pas, Camille. C'est juste une légende qui pourrait désigner n'importe laquelle des anciennes villes de la jungle.

- Je sais.

Il regarda autour de lui avec ce qui aurait pu ressembler à une expression d'attente.

- Et qu'est-ce que tu sais d'autre ? demanda Rebecca.

Il hésita encore.

- C'est la cité qu'ils ont trouvée il n'y a pas longtemps. Celle qui a fait la une du National Geographic.

Charlie échangea un bref regard avec Rebecca.

- Pourquoi tu dis que tu nous as menti, Camille ? demanda-t-elle.

- Parce qu'il s'agit bien de la Cité Blanche, et que ça n'aurait pas dû être le cas.

- Je ne comprends pas.

- Les vases... Ils n'ont jamais existé.

Les câbles qui alimentaient les spots de lumière formaient des nœuds sur le sol et entouraient le groupe en cercles concentriques comme un gigantesque gribouillis sur de la pierre blanche. Au milieu, trois pouls ne pulsaient pas. Le sang était figé, glacial.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda Charlie, découvrant dans le comportement de son ami quelque chose d'inquiétant que ses simples déclarations ne suffisaient pas à expliquer.

Il ne répondit rien.

- Ils sont ailleurs, c'est tout, ajouta-t-elle tout de même.

- Tu ne comprends pas.

Charlie recula d'un pas.

- Bien sûr qu'on ne comprend pas ! s'énerva Rebecca. Tu vas nous expliquer ou merde ?

- Je les ai inventés. Les vases, les vikings, tout ça ! Je les ai inventés.

Rebecca tourna la tête vers Charlie qui s'était assise et fixait le vide.

- Tu... Mais pourquoi ? demanda-t-elle en reportant son regard sur Camille.

- Parce que vous ne m'auriez pas suivi.

Il observa le trou duquel ils avaient surgi et ajouta :

- Le chant est vrai, lui. Je n'avais juste pas compris ce qu'il disait vraiment.

- Mais..., répéta Rebecca. Qu'est-ce qu'il y avait à comprendre ? Explique-toi, putain !

- C'est moi qui ai gravé le chant sur un vieux vase viking et qui l'ai mis dans cette grotte. Rebecca, depuis le temps que tu cherchais à reconstituer un son du passé... Et toi, Charlie, je savais que si c'était viking, tu ne résisterais pas. C'est tout ce que j'ai trouvé pour que vous me suiviez ici, et honnêtement, je ne comprends pas comment vous ne l'avez pas vu.

Les longs câbles sur le sol semblaient onduler lentement dans la boue et la mousse. Ils luisaient dans l'humidité de la terre.

- J'y croyais moi-même..., continua-t-il, qu'il s'agissait des vikings. Ce peuple blanc évoqué dans le chant. Mais je me suis trompé. Il parlait des habitants de la Cité Blanche. De cet endroit. Et croyez-moi, j'ai essayé de vous le dire. Mais ça a fini par sembler impossible.

Le chant du colibriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant