- Suspendues ?! Et ça veut dire quoi exactement ?
- C'est aussi mauvais que ça en a l'air, confirma Rebecca avec un hochement de tête.
- Pour résumer, répondit Charlie, on a dû redonner nos badges d'accès et on a été forcées de prendre toutes nos vacances maintenant. Et je ne crois pas que le Señor Morales voit d'un bon œil qu'on rôde prêt de l'Institut. Je ne serais pas surprise qu'il ait interdit à nos autres collègues de nous adresser la parole tant que nous serons en "vacances".
- C'était ça ou il appelait les flics pour détérioration de patrimoine, continua Rebecca.
- Oui, on ne s'en sort pas si mal au final, conclut Charlie.
- Mais vous avez quand même pu avoir les résultats de la datation ?
- Tu rêves, s'exclama Rebecca. Même s'il les avait eus, le Señor ne nous les aurait pas donnés. T'as pas vu comme il était remonté !
- Ils devraient tomber dans la journée, annonça Charlie. Je crois qu'il va falloir faire du gringue à un employé pour qu'il nous les donne.
Se retournant amusée vers sa collègue :
- Il me semble que le stagiaire avait un petit faible pour toi, Rebecca, non ?
- Alors là, tu peux te gratter ! Et en plus c'est toi qu'il reluque à longueur de journée. C'est toi qui t'y colles !
- Hum, bon on verra. On tirera à pile ou face.
- Je te laisse ma face. Ne me remercie pas.
Charlie, déjà la tête ailleurs, repéra un bus qui arrivait.
- On va au Picacho ?
En guise de réponse, Camille et Rebecca se précipitèrent pour acheter trois Licuados à emporter, une boisson aux fruits avec du lait et de la glace pillée, tandis qu'ils criaient à Charlie qui se dirigeait déjà vers l'arrêt :
- Retiens le bus !
Comme si cette dernière n'était pas habituée à ces petits moments de panique qu'ils pratiquaient à chaque fois qu'ils devaient se dépêcher, presque comme un jeu.
Une fois tous à l'intérieur du bus, Licuados en main, Charlie proposa de résumer ce qu'ils savaient déjà de leur découverte afin de mieux préparer la suite. Elle ne comptait pas laisser une simple suspension les éloigner de la mystérieuse trouvaille.
- Donc, si c'est viking comme les gravures à sa surface le font penser, ça voudrait dire que les expéditions scandinaves au Moyen-Âge ne se sont pas arrêtées en Amérique du Nord, mais qu'ils sont descendus jusqu'ici, et peut-être même plus loin vu leur talent pour la navigation.
- C'est pas impossible, répondit Camille. Ils sont bien allé jusqu'au Moyen-Orient pour commercer, non ?
- Ouais, répliqua Rebecca. Sauf que c'est quand même moins loin de la Scandinavie que le Honduras. Ils s'étaient bien installés un moment au Groenland, mais on n'a pas mention d'une si grande expédition depuis là-bas. Un truc si gros, les Sagas devraient en parler.
- À moins que ça ne soient qu'un petit groupe qui se soit perdu et ait fini par arriver ici, tempéra Charlie. C'est comme ça que les vikings ont découvert les Amériques après tout.
- Ça n'explique toujours pas pourquoi ils auraient mis un gros vase dans une grotte sous l'eau, fit remarquer Rebecca.
Le bus arriva au pied du Picacho. Ils descendirent devant la montagne qui se dressait verte au-dessus de Tegucigalpa, exhibant fièrement son nom : Le Pic. Les trois amis s'engouffrèrent joyeusement dans le paseo qui traversait le parc du Picacho et grimpait à son sommet d'où l'on avait la meilleure vue de toute la ville. Ils marchèrent tranquillement entre les palmiers, les arbres fleuris et les murets de pierre jaune en direction de la statue qui trônait en haut du chemin. Sirotant difficilement leur boisson entre deux souffles, la pente n'étant pas si douce qu'elle paraissait, ils se laissèrent accompagner des sifflements des oiseaux qui discutaient entre eux.
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Le chant du colibri
PertualanganCharlie Tiwaia et sa collègue Rebecca sont archéologues au Honduras. Elles vont suivre leur ami Camille alors que celui-ci, ethnologue, croit avoir retrouvé les traces d'un événement historique important dont le souvenir ne persiste aujourd'hui plus...