Différente - T1

Premier Chapitre 1/2 - Réécrit

En poussant la porte du café à quelques rues de chez moi, j'ai un moment d'hésitation. Je ne viens que rarement dans des lieux aussi fréquentés, par simple habitude d'éviter la foule et l'entassement. Dans un espace clos avec beaucoup de monde comme ici, ou le bus, contrôler mon don de télépathie m'est bien moins supportable qu'à l'accoutumée, et me file une désagréable migraine. Je suis une télépathe aguerrie, et lire dans les pensées est simple pour moi. C'est au contraire m'empêcher de le faire qui est un peu plus compliqué dans de telles conditions. J'arrive parfaitement à le contrôler dans la rue, ou au lycée, où, malgré l'espace parfois restreint dans les salles, je me sens plus à l'aise, mais actuellement, je sens déjà le mal de crâne se profiler.

Après une courte inspiration, je pénètre dans le petit café aux allures conviviales, et j'enlève les écouteurs de mes oreilles en m'avançant vers le comptoir, avant de saluer le serveur derrière ce dernier.

— Un thé glacé, s'il vous plaît, soufflé-je avec un sourire cordial.

Il hoche la tête en tirant sur sa casquette bleu marine, et je soupire en levant les yeux autour de moi pour observer la pièce en patientant. Tout est dans les tons bruns, avec de grandes fenêtres laissant passer les rayons chauds d'un soleil de fin d'été, sous les notes d'une musique calme qui donne une ambiance très chaleureuse. Mon regard s'attarde sur les personnes, autour de moi, attablées ou affalées dans des fauteuils, et je me laisse parfois indiscrètement divaguer dans leurs pensées, soulageant mon mal de tête au passage. Il n'y a presque que des jeunes, dynamiques et appréciant les vacances avec enthousiasme. Et moi, je suis là, comme une intruse, pantoise et un peu désespérée.

Je m'apprête à soupirer quand soudain, dans un coin du café, devant une baie vitrée lumineuse, mes yeux se posent sur un couple que je n'ai jamais vu de ma vie. Une fille et un garçon qui semblent avoir mon âge, tous deux dotés d'une beauté et d'un charme presque inhumains, et dont les silhouettes se détachent des autres comme s'ils étaient seuls dans la pièce. Le garçon est un magnifique brun au teint légèrement halé, et dont les yeux noirs semblent étinceler avec le soleil. Il passe la main dans ses cheveux, laissant tomber quelques boucles sur son front et lance une remarque à sa probable petite amie, la fille en face en lui, tout aussi sublime. Elle rit aux éclats et ses cheveux ondulés de la couleur du miel caressent doucement ses épaules délicates. La prestance qu'ils dégageant tous deux est aussi impressionnante que fascinante, et je ne peux décrocher mon regard d'eux. Et le garçon – que dis-je, le mannequin – doit le sentir puisqu'il arrime ses yeux aux miens une seconde plus tard, et je suis paralysée. Il fronce les sourcils alors que je déglutis, et plisse les paupières en faisant signe à sa copine, qui se tourne à son tour vers moi avec une expression médusée. Lorsque qu'elle dévoile ses yeux noisette, je suis encore plus déstabilisée par les reflets orangés que je peux y percevoir de là où je suis. Aucun ne dit un mot, et je tente de me dérober à leur regard, en vain. Je suis absolument obnubilée par ces deux personnes semblant sortir d'un autre monde. Beaucoup trop déboussolée, je me décide à explorer leurs pensées pour mieux comprendre. Mais le trouble ne fait qu'accroître, et je sens mon cœur s'emballer quand je ne me heurte à... rien. Je n'y arrive pas. Je ne peux pas lire leurs pensées. Ni avec lui, ni avec elle. Et c'est la première fois de ma vie que ça m'arrive. Pour me convaincre que je n'ai pas juste un coup de mou, je tente l'expérience avec la table d'à côté, et y arrive sans effort. Je fronce les sourcils, et je vois que les deux inconnus ont la même incompréhension peinte sur le visage. Je suis complètement désemparée, et j'ai le pressentiment que tout ça n'est pas insignifiant. Quelque chose vient de se passer, et je ne sais absolument pas comment réagir.

— Mademoiselle  ? entends-je vaguement d'abord. Mademoiselle  ?

Je sursaute et tourne enfin le dos aux deux inconnus avec un frisson. Le serveur d'il y a un instant me considère d'un air gêné, en me tendant mon gobelet de thé glacé.