sur le quai tout un tas de babioles
s'étalent, et les voyageurs somnolent
debouts près de leurs valises :
observons tous ces gens de train
non-terriens, anciens ou contemporains
et entamons notre analyse.
un sceptre tient en équilibre sur une cuisse
recouverte de motifs en forme de lys,
et pliée d'une stature souple et altière ;
l'homme n'a ni bagages, ni sujets, ni tête,
et non content de se faire voler la vedette
il fuit les regards de la foule populaire.
plus loin un cynique personnage rit
entouré des chiens qu'il nourrit,
roulé en boule dans une jarre :
un roi antique lui gêne la vue du rail,
et à même la terre il le raille,
entonnant des qu'est ce qu'on se marre !
une file de rats attend sagement son tour,
les passagers se plaignent d'un troubadour
mais le flûtiste ne s'arrête jamais ;
comme en écho, un autre avec sa lyre
charme le cœur des impatients avec plaisir
et un petit sourire satisfait.
un homme gigantesque se plaint du retard
accoudé à un distingué fumeur de pétards
et leur harmonie est frappante ;
l'un écrit en paix et l'autre fume,
et la vapeur du train comme une écume
arrive et se mêle au panache de plantes.
là, les gens de train s'éveillent soudain,
et aux portes coulissantes les citadins
s'entremêlent et fond des nœuds ;
il y a toges, tuniques, drapés, peau nue,
fraises, dentelle, velours, statues,
chemises, bicornes, armures et hailloneux.
ainsi leur long trajet commence,
et les passagers dans leur impatience
collent leur joue sur le paysage qui défile ;
un moine attend son tour aux échecs
en face d'un très attentif métèque,
mais sa défense est fragile.
entassés dans un petit compartiment
s'attroupe tout un régiment,
une fumée inconnue s'en échappe :
on entend une radio qui grésille,
un tas de cartes qui s'éparpille
et des squelettes qui dérapent.
toute cette foule sans nom
entame le voyage le plus long
la vapeur du train leur coule aux dents ;
secousse par secousse jusqu'au terminus
la fumée s'infiltre en eux comme un virus
dans le train aux mille accidents.
