CHAPITRE 6 : Deux directions opposées

113 13 1
                                    

Link et Dragmire marchaient depuis déjà cinq bonnes heures. Les deux jeunes hommes avaient continué de progresser dans le silence le plus lourd qui soit, aucun des deux n'étant vraiment doué pour faire la conversation. Link repensait sans cesse à Lovio, espérant qu'il n'était pas blessé, au vieux roi et surtout, à son rêve. Quant à Dragmire, il se contentait de jeter de temps en temps un regard vers le ciel ou en arrière, en direction du château, comme s'il réfléchissait encore aux évènements tragiques qui y avaient eu lieu. Ils grimpèrent une colline, suivant toujours les panneaux indicateurs. Cocorico n'était plus très loin. Ils s'arrêtèrent au sommet. C'était la première fois qu'ils étaient assez hauts pour apercevoir le château. D'énormes nuages noirs zébrés d'éclairs rouges et pourpres avaient obscurci le ciel au-dessus des tours et à bien y regarder, les murailles normalement d'un blanc éclatant commençaient à devenir noires elles aussi. Quelque chose volait en cercles. Une chose énorme, au corps sinueux. Le dragon. Mais d'ici, impossible de voir si son cavalier était toujours dessus.


« - En route !», fit Dragmire en donnant une tape sur l'épaule de Link pour le faire avancer. Le Gerudo fronça les sourcils.


« - Tu n'avais pas une épée, toi ? » Il l'obligea à se retourner d'un coup sec, ce qui coupa la respiration de l'Hylien, surpris par le manque de délicatesse. Dragmire examina le fourreau vide et se frappa le front de la main. Comment Link avait-il pu ne pas se rendre compte qu'il n'avait plus son épée ? Une arme pesait lourd, ce n'était pas comme s'il avait simplement égaré sa bourse !


« - On t'en trouvera une autre », soupira-t-il, blasé.



La chaleur était écrasante dans le canyon. La valse des rapaces virevoltant au-dessus de la tête de Lovio lui donnait la nausée, tout comme la sécheresse et le manque d'eau. De temps à autres, des virevoltants passaient devant lui, le narguant avec légèreté. Lovio avançait, péniblement, l'épée de Link dans le dos.


« - Quel crétin je suis, à tous les coups je me suis perdu ! Ça fait au moins trois fois que je passe devant ce vieux feu de camp abandonné ! Où est cette satanée route pour Cocorico ? J'en ai marre ! Je n'en peux plus ! Je suis tout seul dans ce fichu désert, j'ai perdu Link et Dragmire, et pour couronner le tout j'ai tellement soif que je pourrais boire de la gelée Chuchu ! Hé ! Mais qu'est-ce que... qu'est-ce que c'est là-bas ? » Il mit sa main au-dessus de ses yeux, pour mieux voir. Au loin semblaient apparaître des palmiers, perdus dans le miroitement de la chaleur.


« - Une oasis ! Wouhou ! Ah, ma bonne étoile me sourit enfin ! » Encouragé par sa vision, Lovio fut porté par un regain d'énergie, et fonça à toute vitesse vers l'inespéré. En effet, au bout de quelques mètres parcourus, il put apercevoir les détails de ce qui paraissaient être les toits de quelques maisons Gerudo isolées. La fumée d'un feu de camp s'élevant lentement dans les airs, l'encourageait à penser qu'il y avait là peut être de quoi marchander avec quelques vieilles Gerudos qui arrondissaient leurs comptes en vendant quelques vivres aux voyageurs de passage.


« - Sav'otta ! » hésita Lovio dans un Gerudo approximatif à la guerrière postée à l'entrée des lieux.


« - Sav'otta. Que veux-tu, jeune Voï ?


- Je cherche un endroit pour la nuit et quelques vivres ! Je peux rester dans votre oasis le temps de récupérer des forces ?


- Hmm, les Voï de ton genre sont acceptés ici, mais ne va pas plus loin, la cité Gerudo est interdite à des demies-portions comme toi ! » D'un hochement de tête approbateur, Lovio s'éloigna vite fait bien fait. Il n'aimait pas trop ces guerrières géantes.


Lovio n'avait qu'une petite poignée de rubis sur lui et il dut se résoudre à décider entre un lit sommaire sous une tente ou un peu de nourriture. Son estomac remporta la bataille et, après avoir marchandé un peu avec une vieille Gerudo à la peau burinée par le soleil, il put se régaler d'une brochette de viande rôtie un peu épicée et d'un melon désaltérant. Il s'installa ensuite contre le mur du seul bâtiment, les briques de terre cuite ayant absorbé la chaleur de la journée, l'empêchant certainement de mourir de froid pendant la nuit. Il se pelotonna en boule, une main sous la tête et l'autre tenant fermement l'épée de Link. Cela ne faisait que quelques minutes qu'il essayait de s'endormir qu'une couverture lui atterrit dessus sans crier gare. Il se redressa d'un bond et ôta la couverture de sa tête. Devant lui se tenait une Gerudo à la longue chevelure rousse retenue en queue de cheval. Sans un mot, elle s'assit à côté de lui. Elle le dominait d'une bonne tête, voire deux. Elle se mit à triturer le large bracelet qu'elle portait au poignet sans regarder Lovio.


« - Heu... Merci », dit le jeune homme, un peu méfiant.


« - Les nuits sont froides pour un petit Voï comme toi. » Lovio l'observa un peu mieux, ne comprenant pas ce qu'elle lui voulait. A moins qu'elle ne se cherche un mari !


« - Qu'est-ce que tu viens faire ici ? », demanda-t-elle, « Tu n'as pas l'air d'être un marchand.


- Heu... Je visite. » La Gerudo le regarda enfin. Son regard le détailla des pieds à la tête.


« - Tu n'as pas vraiment l'air d'être équipé comme un touriste. Tu as plutôt l'air perdu. » Lovio inventa une histoire comme quoi il faisait un pèlerinage et devait se rendre au temple de l'esprit dans le désert Gerudo, mais il était très confus et se contredisait souvent. En effet, il était très troublé par les courbes voluptueuses de la jeune femme que la lumière de la lune laissait apercevoir. La Gerudo l'avait remarqué et elle savait aussi qu'il mentait, cependant elle ne lui en voulait pas, elle attendrait le lendemain afin qu'il lui raconte vraiment son histoire. Elle s'allongea à côté de lui et le prit dans ses bras, Lovio en fût tout émoustillé ! Cependant il ne trouva pas le sommeil : il pensait à son ami Link et à Dragmire, cet homme qu'il ne connaissait pas.


Les premiers rayons du soleil tirèrent Lovio du sommeil. Il était seul, la jeune Gerudo n'était plus là. Il la chercha du regard, mais elle ne semblait pas flâner dans l'oasis qui se réveillait. Lovio termina le melon en guise de petit-déjeuner et prit son courage à deux mains : il ne pouvait se reposer plus longtemps, il avait une mission à accomplir. Ensuite, il serait temps de retrouver Link à Cocorico. Mais pour le moment, il se dit que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de se renseigner discrètement sur Dragmire tout en essayant de savoir si le peuple du désert avait entendu parler des chevaliers fantômes qui avaient attaqué le château d'Hyrule. Le jeune homme se mit donc en tête d'interroger tout l'oasis sans se douter que, cachée sur le toit du magasin, la Gerudo qui l'avait réchauffé cette nuit l'observait de loin. Elle sourit légèrement en le voyant se faire rembarrer par la vieille qui tenait l'étal de fruits. Lovio l'amusait tout autant qu'il l'intriguait. Peut-être pourrait-elle se servir de lui pour pénétrer dans la forteresse Gerudo qui lui était désormais interdite ?


Épopée d'Hyrule: TOME 1 , Les élus  [ EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant