CHAPITRE 39 - La princesse

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Cela faisait deux jours et demi que le loup parcourait la forêt à la recherche de la princesse. Il appréciait le calme qui régnait. Il fallait dire que depuis son retour en Hyrule, les événements s'étaient bousculés et il n'avait plus trop l'habitude de côtoyer des êtres vivants.
Depuis son départ du Domaine Zora, il chassait de temps en temps pour se nourrir ou boire à un ruisseau. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'il se redressa, ses oreilles tournées légèrement à l'écoute des différents bruits. Il huma l'air un moment : l'odeur de la princesse était à présent plus forte. Devant lui, derrière d'épais buissons, un ricanement se fit entendre.
- Vous voyez, Princesse, une révérence réussie s'effectue ainsi.
Le jeune homme s'inclina vers l'avant, maintenant d'une main sa robe et agitant l'autre devant lui.
- Quand est-ce que tu arrêteras de faire l'imbécile ! s'exclama la jeune femme.
Le canidé traversa le ruisseau et s'avança doucement entre les buissons jusqu'à voir les 2 jeunes gens. Il se mit à plat ventre, le museau posé au sol entre ses deux pattes avant, les oreilles rabattues vers l'arrière. Il renifla une nouvelle fois. Un enivrant parfum vint lui chatouiller les narines. La jeune fille avait une douce odeur florale. Cette fragrance lui rappela la princesse au côté duquel il s'était battue jadis, mais aussi le petit jardin de la sorcière Aëline. Il se perdit dans ses pensées et se vit au temps où il était encore humain à promettre au roi de protéger sa fille au péril de sa vie.
Un cri le fit revenir à la réalité. La princesse se battait du mieux qu'elle pouvait contre un sbire de Ganondorf, à l'aide d'un bâton. Les cris venaient de derrière elle : le jeune homme qui l'accompagnait se cachait tant bien que mal dans le dos de sa compagne, poussant des cris d’orfraie. La créature aux allures de cochon géant se battait à coup de pierres ramassées sur le chemin. Celui-ci prit un rocher devant lui. Il le souleva au-dessus de sa tête. C'est à ce moment que le loup sortit des buissons pour s'interposer. La créature, surprise, lâcha le rocher qui tomba sur sa tête et l'assomma. Voyant qu'il n'avait plus rien à craindre, le jeune homme se redressa et se dirigea vers la bestiole inconsciente.
- Ils sont vraiment stupide ces bokoblins, dit-il d’un ton amusé.
Un spasme fit bouger la main du sbire de Ganondorf, effrayant le jeune homme qui courut une nouvelle fois se réfugier derrière la princesse.
- Et bien, ce n'est pas demain que tu sauveras Hyrule, rigola la jeune fille.
Le loup s'assit et les observa un moment.
- Ohhhh, mais tu es mignon comme tout ! s'exclama soudain la princesse.
Era bomba le torse en replaçant ses cheveux sous son bob rose.
- Oui, je sais, c'est naturel chez moi, dit-il avec son plus beau sourire.
- Pas toi... Lui !
Elle lui indiqua le loup assis devant eux.
- Si je serais toi...
- Pas « si je serais », mais « si j'étais toi ».
- Si j ÉTAIS toi, Princesse, je me méfierai.
- Et bien, monsieur, vous ne l'êtes pas, bien que vous portiez ma robe à merveille.
La princesse se dirigea vers le loup qui ne bougeait pas.
- Je te remercie de nous avoir protégé du bokoblin.
Le loup pencha la tête sur le côté, puis se leva pour fourrer sa tête dans l'une des mains de la princesse qui le gratta gentiment derrière l'oreille avant de le caresser. Elle remarqua autour de son cou une étoffe nouée. Elle lui enleva délicatement et découvrit l’emblème d'Hyrule.
- Cette écharpe, je la reconnais !
- Ah bon ? l’interrogea Era.
- Oui, elle est à moi. Je l'avais laissée dans ma chambre.
- Et comment ce loup s'est retrouvé avec ton écharpe, qui est magnifique en passant, autour de son cou ?
- Je pense que ma mère a dû envoyer le loup pour me protéger.
- Te protéger ! Mais je suis là, MOI ! s'offusqua le jeune homme.
- Et bien maintenant, vous serez deux !
Era croisa les bras sur la poitrine d’un air boudeur tout en observant le loup. Un infime instant, il se dit que l’animal lui était vaguement familier, mais finalement, il écarta cette pensée. Il ne voyait pas comment il aurait pu voir un loup de près avant aujourd’hui.
- Comment peux-tu être sûre qu’il ne va pas nous sauter dessus pour nous boulotter ? finit-il par dire.
Zelda eut un léger rire amusé tout en continuant de caresser le loup qui semblait apprécier le contact.
- Que veux-tu qu’il mange sur toi ? Tu es plus maigre que mon bâton.
Elle sourit au loup et lui murmura :
- Je te le déconseille, je ne suis pas sure qu’il soit comestible de toute façon.
- Oh ! Très drôle, Princesse ! Je suis mort de rire !
La jeune fille se releva pour attraper le visage d’Era entre ses mains.
- Tu sais que tu es mignon quand tu boudes ?
- Vraiment ? Plus mignon que lui ?
Elle se contenta de lui sourire et le relâcha pour retourner près du loup.
- Je ne sais pas ce que t’a dit Maman, mais il est hors de question que je rentre à la maison. J’ai quelqu’un à retrouver.
Le loup hocha la tête. Il ne pouvait lui expliquer qu’il savait déjà tout cela et que ce n’était pas Aëline qui l’avait envoyé. C’était parfois frustrant de ne pas pouvoir communiquer.
- Je cherche mon frère, tu comprends, continua la jeune fille. Era m’emmène à Toal, il dit qu’il y a là-bas quelqu’un qui pourrait m’aider.
Le loup bondit aussitôt sur ses pattes, faisant sursauter Era qui releva ses jupes comme si cela pouvait le protéger. C’était inespéré que Zelda prenne d’elle-même la direction de Toal ! Si Link et Sheik réussissaient rapidement leur mission au domaine Zora, il pouvait guider la princesse pour qu’elle croise leur route. 
- J’ai vraiment l’impression qu’il me comprend, dit-elle, songeuse.
En réponse, le loup approcha la tête de sa main pour approuver.
- Très bien. Remettez-nous en route, alors.
- Direction Toal ! s’enthousiasma Era en attrapant la main de la princesse pour l’entrainer sur le chemin.
Le jeune homme n’était pas sûr de retrouver exactement le chemin du village caché au cœur de la forêt. Les seules fois où il y était allé, c’était sur le dos de son fidèle Cochonou. Mais pour le moment, ce n’était pas important. Quand il aurait besoin de lui, il sifflerait le célestrier. A cet instant, il profitait de sa belle robe, de sa belle princesse et du soleil éclatant pour cette jolie promenade.

***

- Sidon n’aurait pas été de trop…
Accroupi derrière un rocher, Sheik observait le camp ennemi, repérant la position de chaque sentinelle. La nuit était tombée depuis deux heures et la majorité des monstres dormaient comme des souches. C’était heureux vu l’ampleur des troupes. Des Bokoblins, des Moblins, quelques Lézalfos… Une véritable armée en plein déplacement.
- C’est une chance que j’ai insisté pour rester avec toi.
Link lui adressa un sourire amical tout en pensant qu’en effet, l’aide du Zora aurait été la bienvenue.
Le petit groupe avait cheminé ensemble jusqu’aux abords du village de la Jeune Fille Bleue, puis s’était séparé. Sheik, inquiet pour Zelda, avait souhaité continuer seul vers le sud, espérant retrouver le loup et la jeune fille au plus vite. Les trois autres avaient refusé en bloc de l’abandonner et de prendre la direction de Toal sans lui. Pour sa part, il ne voulait pas mettre Lars, Link et l’aquanine plus en danger qu’ils ne l’étaient déjà. La discussion avait été longue et âpre. Sheik avait même fini par hausser le ton et Sidon avait failli se fâcher. Finalement, Lars et Link avaient proposé un compromis : les Zoras continueraient vers Firone et l’Hylien accompagnerait Sheik.
Ils avaient alors chevauché vers le sud pendant presque deux jours, guidés par Navi. La petite fée, très discrète jusqu’ici au point qu’elle s’était crue oubliée, semblait savoir dans quelle direction se trouvait le loup. La piste les avait menés à proximité de ce campement ennemi autour duquel flottait les bannières de Ganondorf.
- Attention !
Sheik obligea Link à se baisser encore plus derrière le bosquet où ils avançaient à quatre pattes. Un Moblin reniflait l’air à deux mètres à peine de leur cachette. Heureusement, ils s’étaient mis dans le vent et la créature ne pouvait percevoir leur odeur. Quand elle s’éloigna pour reprendre sa ronde, ils reprirent leur progression.
- Il est bien là, murmura Sheik en désignant un enclos au milieu des ennemis endormis.
- Tu es sûr que c’est lui ?
- Je n’ai jamais vu qu’un seul oiseau comme lui.
Sheik observa les alentours avec inquiétude. Comme il l’avait vu en observant le campement de loin, le célestrier vermeil était fermement attaché avec une chaîne pour éviter qu’il ne s’envole. Son gros bec était également entravé par une corde. 
- Tu vois ton ami ?
- Non…
- Peut-être qu’il n’est pas là, tenta de le rassurer Link.
- Era ne se sépare jamais de Cochonou. Il doit être prisonnier quelque part.
Sheik refusa de penser qu’il puisse être déjà mort. Era n’était peut-être pas toujours très malin, était très souvent agaçant et avait de dérangeantes manies avec lui, mais il ne lui souhaitait tout de même pas de mourir.
Les deux jeunes hommes tentèrent de se faufiler plus avant dans le campement pour approcher Cochonou. Au vu de sa relation avec Era, Sheik pensait que le célestrier pourrait peut-être les aider à le retrouver.

Au même moment, de l’autre côté du campement…
- Era !
Zelda attrapa le jeune homme par le col de sa robe pour le tirer en arrière brusquement alors qu’une sentinelle approchait. Era perdit l’équilibre et tomba lourdement elle dans un froufrou de jupons.
- Princesse ! Ce n’est pas le moment pour essayer de m’entrainer derrière un buisson !
- Tais-toi donc !
Elle plaqua sa main sur sa bouche, guettant la sentinelle qui passait son chemin. C’était un miracle qu’elle ne les ai pas repérés avec le barouf qu’ils venaient de faire. Dès que tout danger fut écarté, elle repoussa son compagnon qui pesait plus lourd qu’elle l’aurait cru.
- Tu as failli nous faire repérer !
Era fit une moue qu’un chaton pris en faute n’aurait pas renié. Elle soupira et regarda ailleurs.
- Par où doit-on aller ? demanda-t-elle surtout pour elle-même.
- Au milieu du campement, bien évidemment.
- En plein milieu ?
- Dans toutes les histoires, le trésor est toujours en plein centre de l’armée ennemie ! répliqua Era avec une logique implacable.
Zelda le regarda, effarée par son raisonnement.
- On n’est pas dans une histoire, tu le sais ?
- Bien sûr qu’on est dans une histoire ! Tu es la princesse, et moi, ton preux chevalier !
- En robe…
- Et alors ? Tu me préférerais sans ? Il fallait le dire tout de suite !
Aussitôt, il commença à retrousser ses jupes pour tenter de se déshabiller. Paniquée, Zelda l’arrêta dans la seconde.
- Arrête de faire l’andouille ! Et reste habillé !
- A tes ordres, ma princesse.
Era lui offrit un sourire désarmant et, sans crier gare, déposa un baiser sur son front avant de se relever.
- Allons-y. Je suis sûr que c’est par là ! fit-il en désignant la gauche.
Zelda haussa les épaules et se releva à son tour. Elle allait lui emboiter le pas quand quelque chose lui fit tourner la tête vers la droite. C’était une sensation très étrange qu’elle n’arrivait pas à identifier. Comme un appel ou une résonnance.
- Non, c’est par là, finit-elle par décider, attrapant Era par le bras.
- Tu es sûre ?
Zelda ne répondit pas et entraina son compagnon à sa suite. Tout son être était tendu dans cette direction. Quelqu’un l’y attendait, elle en était certaine.

- Quelque chose ne va pas ?
Sheik releva la tête à la question de Link. Un instant, il avait cru sentir quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Comment savait-il qu’il s’agissait d’une personne, il l’ignorait, mais c’était ce que lui soufflait son instinct.
- Non, je crois que…
- Yiiiiiiiiaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!!!
Devant leurs yeux écarquillés, une silhouette humaine passa au beau milieu des monstres en hurlant, agitant une torche allumée dans tous les sens.
- Heu… c’était quoi, ça ? demanda Link.
- J’ai seulement vu une robe rose. Enfin, je crois… répondit Sheik, autant sous le choc que son ami.
Evidemment, les hurlements réveillèrent le campement. Les monstres bondirent sur leurs pieds, attrapant les armes à leur portée par réflexe, cherchant eux aussi à comprendre ce qui se passait.
L’étrange individu avait continué sa course avec sa torche et en poussant toujours des cris. Il était difficile de savoir s’il tentait d’enflammer les caisses ou les tentes de fortune. Sheik et Link le virent revenir en trombe. Cette fois, il n’avait plus de torche à la main.
- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Au secouuuuuuuuuuuuuuuuurs !
Il leur passa devant en continuant de hurler, sa robe en flammes, et poursuivi par de nombreux monstres.
- Est-ce que c’est… commença Link.
- Era, oui, approuva Sheik.
Les deux amis échangèrent un regard, tirèrent leurs armes de leur fourreau et bondirent hors de leur cachette. Le combat s’engagea aussitôt. Profitant de l’effet de surprise, Link et Sheik arrivèrent à se frayer un chemin vers Era dont la robe continuait à brûler, mettant son postérieur en grand danger.
- Cochonouuuu ! J’arrive !!! hurla-t-il au célestrier qui s’agitait en le reconnaissant.
Le jeune homme lui passa devant en courant, toujours poursuivi par une horde de monstres. Soudain, Era vit son salut. Il accéléra l’allure autant pour se presser que parce que cela commençait sérieusement à chauffer pour lui et il sauta joyeusement dans une barrique d’eau, éteignant le fâcheux incendie qu’il avait lui-même déclenché.
- Aaaah, sauvé ! soupira-t-il d’aise.
- Attention !
Les deux voix avaient résonné en écho, l’une, masculine, derrière lui, et l’autre, féminine, devant lui. Il n’eut pas l’occasion de faire autre chose que de plonger tout entier dans la barrique qu’une volée de flèches siffla à ses oreilles pour atteindre deux bokoblins prêts à le scalper et qu’un lézalfos rencontra un sabre sheikah de façon plutôt douloureuse. Era émergea aussitôt la tête de l’eau, tenant son bob d’une main.
- Qu’est ce que tu n’as pas compris dans « faire une diversion en incendiant leur campement » ? cria Zelda, en colère après son compagnon.
- Era ! Bougre d’imbécile !
Le jeune homme sourit largement en reconnaissant la voix de Sheik. Il bondit hors du tonneau, trempé comme une soupe, la robe lui collant au corps de façon assez disgracieuse.
- Sheik ! Mon lapin !
L’intéressé fit une moue dégoutée à ce sobriquet.
- Appelle moi encore une fois comme ça, et je te laisse aux Moblins ! Tu sais qu’ils sont carnivores ? rétorqua-t-il en le menaçant de la pointe de son sabre.
- Ce que tu es beau quand tu es en colère !
- Era !
Il se tourna vers la princesse qui continuait à faire voler ses flèches. Le loup n’était pas loin, enfonçant ses crocs dans les monstres qui avançaient trop près.
- Mais tu es la plus belle, ma princesse, bien évidemment. Il ne faut pas être jalouse. Je peux me partager, ça ne me pose aucun problème.
Sheik et Zelda poussèrent dans un bel ensemble un soupir des plus agacés et leurs regards se croisèrent. Tous deux surent immédiatement que c’était la présence de l’autre qu’ils avaient ressentie un peu plus tôt. Bien que leur situation soit de plus en plus préoccupante vu que l’étau se resserrait autour d’eux à mesure que tout le campement rappliquait dans leur direction, Zelda esquissa un sourire et ouvrit la bouche pour parler. Mais Sheik se détourna d’elle dans la même seconde. Ce n’était pas le moment.
Pour sa part, Link se battait farouchement. Un instant, il eut l’impression que le temps avait ralenti alors qu’il tranchait et transperçait l’ennemi à plusieurs reprises. Instinctivement, guidé à la fois par l’enseignement de son défunt oncle et par le courage dont il était le porteur, il affrontait le moindre adversaire à sa portée sans se poser de question. Malheureusement, il était seul contre une armée et bientôt, il dut reculer jusqu’à rejoindre les autres, encerclés par l’armée de monstres. Même le loup avait du faire de même en grondant.
- J’aurai du libérer Cochonou, il nous aurait sortis de là en une poignée de secondes, fit Era en se réfugiant derrière Sheik et Zelda.
Les monstres avançaient vers eux, prêts à les réduire en bouillie. Il n’y avait guère d’échappatoire et à moins d’un miracle, ils allaient tous mourir ici.
Alors qu’ils s’apprêtaient pour les uns à défendre chèrement leurs existences et pour l’autre à supplier à genoux qu’on le laisse en vie, les monstres s’agitèrent brusquement et le ciel s’assombrit soudain. La lune disparaissait peu à peu derrière un disque noir, comme lors d’une éclipse. Le loup se mit à hurler comme il ne l’avait jamais fait et Link sentit la marque de la Triforce du Courage apparaitre sur sa main. Il leva les yeux vers l’astre nocturne, une sueur glacée coulant le long de son échine et une boule d’angoisse dans la gorge. Il ne s’aperçut pas qu’il en était de même pour Sheik et Zelda. Seul Era semblait épargné par le phénomène qui agitait les monstres.
- Maintenant, princesse ! fit-il en attrapant la main de la jeune fille, la sortant de sa torpeur.
Il fit de même avec la main de Sheik pour les entrainer au travers des monstres qui ne savaient plus ce qu’ils devaient faire : continuer le combat ou vénérer cette noirceur qui envahissait la nuit d’Hyrule ?
- Lâche moi, Era ! protesta Sheik au bout de quelques pas. Link !
Navi tournait autour du jeune homme qui avait suivi le mouvement. La marque brillait fortement dans l’obscurité, mais il décida de ne pas s’en occuper maintenant. Pourtant, son regard fut attiré par une lueur similaire à la main de Zelda. Tout en courant, il jeta un œil à Sheik, mais le Sheikah portait des gants et avait pris soin de ne pas montrer sa main à Era et à celle qui était donc sa sœur jumelle.
Ils coururent à perdre haleine, évitant la plupart des monstres ou les écartant d’un coup d’épée ou de sabre s’ils faisaient mine de vouloir les arrêter, et ils repassèrent devant le pauvre Cochonou qui ne cessait de ruer pour tenter de s’échapper. Era lâcha aussitôt ses amis pour se précipiter vers le célestrier et le délivrer. Ce fut le loup qui trancha d’un coup de crocs les liens de l’oiseau. Sans se poser de questions, Era attrapa la princesse pour la faire monter sur le dos de Cochonou, puis monta à son tour. L’oiseau battit de ses puissantes ailes pour décoller.
- Era ! Et les autres !
- On arrive ! Allez-vous mettre à l’abri ! ordonna Sheik.
Il ne leur laissa pas l’occasion de protester qu’il repartit en direction des limites du campement, suivi par Link et le loup. Sans Era et Zelda, ils allaient beaucoup plus vite et, bientôt, ils réussirent à se sortir d’affaire. Ils ne cessèrent de courir que lorsqu’ils furent sûrs et certains qu’aucun monstre ne les poursuivait. Dans le ciel, la lune était redevenue normale et les marques à leurs mains avaient disparu.
- Les déesses sont avec nous, fit Link en reprenant son souffle.
- Je vais l’étrangler. Il a failli nous faire tous tuer !
- Dis plutôt que grâce à moi, nous nous sommes retrouvés, mon lapin.
Cochonou atterrit à côté d’eux et Era bondit au sol avant d’aider Zelda à descendre. Link ne pouvait quitter la jeune fille des yeux. C’était elle, enfin ! Celle qui avait le pouvoir de l’aider à défaire Ganondorf, à reforger l’épée de Légende. Avec ses cheveux défaits par l’action, ses joues rougies par l’effort, il sentit son cœur louper un battement. Il n’avait jamais vu de fille aussi fascinante.
- Qui es-tu ? demanda-t-elle soudain à Sheik. Est-ce que c’est ta présence que j’ai sentie tout à l’heure ?
Sheik la regarda dans les yeux. Enfin, il était devant sa sœur. Elle était là. Sa jumelle. Sa moitié.
- Non, tu dois avoir senti sa présence à lui, fit-il en poussant Link devant elle, à la grande surprise de ce dernier. Il est l’Elu des Déesses. Votre pouvoir vous lie.
- C’est vrai, ça ? fit la jeune fille, peu convaincue.
Link resta bouche bée, ne comprenant pas la réaction de son ami.
- Et bien… Heu… C’est-à-dire… Oui, je crois ? Enfin, oui, je suis l’Elu.
Zelda le regarda longuement, perplexe. Ses yeux glissèrent sur Sheik qui s’était éloigné un peu pour caresser le loup, ravi de revoir son compagnon à poils.
- Il ne faut pas trainer par ici, fit-il sans regarder les autres. Ils pourraient se décider à reprendre la poursuite.
- C’est quand même drôlement une coïncidence, intervint Era. Figures-toi que j’emmenais justement Zelda à Toal.
Sheik regarda Era, se demandant si les déesses n’avaient pas décidé d’intervenir pour le réunir avec sa sœur. Qu’elles aient pu choisir un énergumène comme lui pour le faire dépassait l’entendement.
- ça tombe bien, nous la cherchions pour l’y emmener, fit-il finalement.
- Ah ? Et pourquoi donc ? demanda la jeune fille.
- Link a besoin de toi pour contrer Ganondorf, répondit-il seulement. En route.
Sans attendre, Sheik reprit la marche.
- Il est toujours comme ça ? demanda-t-elle en trouvant que le jeune homme avait vraiment un sale caractère.
- Avec moi, toujours, répondit Era. Mais c’est une crème, en vrai, je le sais.
Link leur emboita le pas alors que Cochounou filait se dégourdir les ailes. Il observa Sheik qui marchait à une dizaine de mètres devant eux, le loup à ses côtés. Pourquoi n’avait-il pas dit à Zelda qui il était ? Pourquoi s’était-il ainsi renfermé ? Il espérait que ce n’était que passager et que d’ici leur arrivée à Toal, Sheik finirait par révéler qui il était à la jeune fille.

Épopée d'Hyrule: TOME 1 , Les élus  [ EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant