CHAPITRE 10 : La traversée du Désert

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Lovio, qui était dans un champ infini de boisseau de riz, distinguait au loin une jeune Gerudo qu'il reconnut aussitôt, c’était Frambra. Il courut pour la rejoindre mais il avait l'impression qu'à chaque pas, Frambra s'éloignait avec un hylien à qui elle donnait une étreinte vigoureuse. Il criait, courait toujours plus vite, mais rien à faire. Il se réveilla en sursaut, sortant légèrement la tête en sueur de la petite tente qu'il avait installé avec Frambra, et fut rassuré de voir que Link n'était pas avec Frambra. Celle-ci l'interpella :
« - Hey, jeune voï, qu’as-tu à te réveiller au beau milieu de la nuit ? Tu es tout pâle, ce n’est pas bon. Va prendre de l’eau dans les caisses à côté. »
Sans parler, Lovio hocha la tête et partit d’un pas vigoureux vers l’endroit que lui indiquait la Gerudo ; il y but quelques gorgées. Il ne savait pas exactement ce que signifiait son rêve et était encore légèrement sous le choc. Il referma la caisse et repartit vers la tente. Au moment d’y entrer, il bifurqua et alla vers le petit feu de camp où était installée Frambra. Elle lui jeta un regard interrogateur et compris qu’il n’avait plus très sommeil. Elle le laissa s’installer près du feu. Lovio contemplait le feu d’un regard hagard. La Gerudo comprit, à ses gestes et son manque de parole inhabituel qu’il avait fait un cauchemar. Elle lui laissa le temps de reprendre ses esprits. Au bout d’un certain temps, elle lui demanda :
« - Jeune voï, tout va bien ?
-Mmh...oui, oui ça va très bien.
- Ça n’a pas l’air d’aller pourtant.
- C’est un simple cauchemar, ne t’inquiète pas.
- Très bien. Dis-moi, est ce que tu vois le rocher là-bas ?
- Quel...ah oui je vois. Qu’y a-t-il ?
- C’est un endroit où réside un Moldarquor, et nous sommes assez près. », soupira Frambra, « Espérons que nous ne nous perdrons pas dans le désert demain, et que nous n’irons pas dans cette direction par erreur. »
La nuit se termina tranquillement.
Frambra et Lovio avaient été contraints de faire un grand détour pour éviter le territoire du terrible Moldarquor. Pendant qu'ils marchaient, la Gerudo avait posé tout un tas de questions à son compagnon au sujet de ses bombes artisanales. Le jeune homme avait alors été plus que ravi de lui expliquer de A à Z comment il en avait eu l'idée et combien d'expériences ratées il avait dû affronter avant d'arriver à leur élaboration. Le récit de Lovio avait beaucoup fait rire Frambra, l'Hylien n'hésitant jamais à en rajouter des tonnes pour lui décrire avec précision les résultats de ses ratages, comme la fois où il avait réduit à néant la cuisine de sa mère et où celle-ci l'avait poursuivie armée de son balai pour lui donner une leçon, ou encore quand il avait roussie une cocotte qui passait malencontreusement à côté de son nouvel atelier, ou même la fois où il avait failli devenir chauve à cause du souffle d'une explosion un peu trop forte. Discuter ainsi avait eu le mérite de faire oublier à Lovio la marche ardue dans le désert. En fin de matinée, ils se posèrent dans une petite oasis, le temps de boire un peu et de déguster du melon gla-gla qui poussait en abondance autour de la petite mare d'eau fraîche. Lovio en profita pour se plonger dans l'eau. Il revint tout trempé et s'ébroua à côté de la Gerudo avec un petit air malin. Ses cheveux violet sombre lui tombaient dans les yeux.
« - Tu devrais te baigner, ça fait du bien.
- Et toi, tu devrais te mettre à l'ombre. Si tu restes au soleil pour sécher, tu vas rôtir petit Voï », répliqua-t-elle en souriant néanmoins.
Lovio s'inclina pour la saluer et écouta son conseil. Frambra lui tendit un peu de melon. Elle se demandait si c'était une bonne idée que d'emmener le jeune Hylien avec elle aussi loin dans le désert. Il était frêle, n'avait pas du tout la carrure ni l'âme d'un guerrier. Ses bombes pouvaient se montrer utiles, mais il ne savait pas manier le cimeterre et elle se gardait bien de lui apprendre : il était capable de se couper un doigt avec rien qu'en s'en emparant ! Elle craignait de l'avoir entrainé vers sa mort. Affronter le désert était déjà difficile, alors qu'est-ce que ça serait une fois arrivés au Colosse du Désert ? Frambra se leva pour aller laver son visage dans l'eau de l'oasis. Elle avait pourtant juré ne plus retourner là-bas et pourtant. Elle regarda le bracelet à son poignet et soupira en pensant à Dragmire. Comment les choses avaient-elles pu dégénérer à ce point ? Lui en voulait-il toujours qu'il était parti sans lui en parler ?
« - Frambra ? Ça va ? » La jeune femme hocha la tête et se releva. Lovio était juste à côté d'elle. Il était tellement plus petit ! Dragmire était le seul homme qu'elle pouvait regarder dans les yeux sans avoir à se baisser.
« - Remettons nous en route, nous ne sommes plus très loin. »
Il parut à Lovio que cela faisait des heures maintenant qu’ils avançaient péniblement dans le sable. Le visage enturbanné dans des étoffes Gerudo, le sable lui volait dans les yeux, l’obligeant à cligner des paupières régulièrement pour continuer à discerner l’horizon. Ils venaient d’entrer dans la partie la plus dangereuse du désert.
« - La tempête s’est levée, mais nous n’avons pas d’autre choix que de maintenir notre cap, sinon nous allons nous perdre ! », lui cria Frambra, « Suis mes pas, et surtout ne t’éloigne pas de moi ! » Lovio acquiesça, avançant d’un pas lourd. Soudain, il lui parut que sa chaussure resta collée au sol. Il secoua légèrement sa jambe, puis se mis à tirer carrément. Rien. Pire encore, son pied s’enfonçait lentement sous son poids, aspiré par les profondeurs de la terre.
« - Heu... Frambra ! Frambra ! J’ai comme un problème ! » Frambra ne l’entendait pas, continuant à affronter le vent et le sable, « Frambra ! FRAMBRA ! » Il se mit à paniquer. Lovio tirait sur sa jambe de toutes ses forces, mais à chaque mouvement, elle s’enfonçait encore plus dans les formes mouvantes qui aspiraient son corps goulûment. Puis, ce fut au tour de son autre pied, qu’il voyait disparaître au fur et à mesure dans le sable. Impossible de se mouvoir, ses deux jambes étaient immobilisées. A la recherche de la moindre accroche, Lovio cherchait désespérément avec ses mains la moindre touffe d’herbe à laquelle se retenir afin de ne pas sombrer. Soudain, une idée le frappa : l’épée de Link ! Il la saisit dans son dos d’un geste rapide, puis, de toutes ses forces la planta fermement dans le sol le plus loin possible des formes mouvantes dans lesquelles il se trouvait. Il se hissait de toutes ses forces grâce à l’épée lorsqu’une main vint rigoureusement l’attraper par le col en le tirant de ce mauvais pas. Il était sauvé.
« - Je t’avais dit de ne pas t’éloigner de moi, nous sommes encerclés de sables mouvants ! » Les yeux de Frambra étaient mêlés de colère et d’inquiétude.
« - Merci mais ...Kopf kopf ! », toussa-t-il entre deux inhalations forcées de sable, « J’aurais très bien pu m’en sortir seul ! » Il commençait à détester ce satané désert.
« - Mais bien sûr ! Hâtons-nous, le Colosse du désert est proche. »
Lovio se secoua de son mieux pour se débarrasser du sable, mais c'était peine perdue. Même après s'être rincé la bouche, il sentait les grains de sable crisser entre ses dents ! Ils marchèrent encore un bon moment avant d'arriver au sommet d'une nouvelle dune.
« - Là. Le Colosse du Désert », fit Frambra en tendant le bras. Lovio plissa les yeux et mit sa main en visière pour suivre la direction qu'elle montrait. Au loin, bien trop loin encore au goût de l'Hylien, se trouvait une masse rocheuse impressionnante. Il lui semblait qu'elle était sculptée, mais il n'arrivait pas bien à deviner comment. Frambra semblait soucieuse.
« - Ne me dis pas qu'il y a encore des Moldarmachins sur notre route ? », soupira Lovio.
« - Non, même eux ne viennent pas jusqu'ici. » Lovio crut qu'elle plaisantait, mais il vit rapidement que ce n'était pas le cas. Il déglutit, mal à l'aise. « Nous arrivons sur le territoire des Twinrovas. Il va falloir être très prudents.
- Elles sont si terribles ?
- Ce sont des sorcières et elles ont plusieurs siècles d'existence. Même pour des Gerudos, elles ont largement dépassé la date limite de consommation », dit Frambra dans une tentative d'humour pleine de sarcasme.
« - Tu les as déjà rencontrées ?
- Une fois, oui », répondit la jeune femme en touchant machinalement son bracelet, « Je n'en ai pas un bon souvenir. Avec un peu de chance, elles ont accompagné ce porc de Ganondorf jusqu'au château d'Hyrule et on pourra se faufiler dans le temple sans trop de problème. »
Mais Frambra n'y croyait qu'à moitié. Même si elles étaient parties, elles n'avaient certainement pas laissé le lieu sans surveillance ou protection.
« - Pourquoi veux-tu aller jusqu'au temple, Lovio ? »
C'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom, ce qu'il ne manqua pas de remarquer avec une pointe de satisfaction. Son prénom lui semblait particulièrement sympathique lorsque c'était elle qui le disait.
« - Et toi ? Tu disais vouloir t'éloigner des tiennes et te voilà ici.
- Il y a quelque chose que je dois récupérer là-dedans. Quelque chose qui pourrait tout changer. »
Elle faisait la brave, mais en vérité, elle tremblait à l'idée de remettre les pieds dans le temple. La dernière fois, elle avait chèrement payé son audace et son monde avait été totalement bouleversé. Elle avait souffert des jours interminables dans les geôles des sorcières jumelles, elle avait croisé le Mal incarné et elle avait cru ses plus vils mensonges. Elle avait réussi à fuir, mais à quel prix ? Aujourd'hui, elle savait qu'elle avait été trompée en plus du reste, mais si elle réussissait à s'emparer de la pierre de l'Esprit, elle pourrait affaiblir les Twinrovas, rétablir la vérité et sauver son peuple. Lovio l'avait observée, remarquant qu'elle ne cessait de toucher à son bracelet. Il sentait que ce qu'elle ne disait pas était important, mais il préféra ne pas l'interroger plus avant pour ne pas la braquer. Il posa sa main sur le bras de la jeune femme qui se tourna vers lui, surprise par son geste.
« - C'est en rapport avec Dragmire... enfin, Ganondorf ? », Elle hocha la tête, ne retirant pas son bras, « Tout va bien se passer. Je suis là pour te protéger », fit-il en bombant le torse et en désignant sa sacoche pleine de bombes.
« - Dit le petit voï qui a failli mourir dans les sables mouvants. » Frambra sourit en disant cela, ce qui rendit Lovio encore plus fier. En réalité, il n'était pas aussi sûr de lui, mais il ne lui serait pas venu à l'idée de montrer le contraire à la jeune femme. Il priait néanmoins pour trouver un temple vide. Il n'était vraiment pas un guerrier et il savait qu'il risquait de s'enfuir en courant à la moindre chauve-souris. Alors s'il y avait pire là-dedans, il mourrait certainement d'une crise cardiaque et cela ferait mauvais effet devant Frambra.

Épopée d'Hyrule: TOME 1 , Les élus  [ EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant