Chapitre 10

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2019

Océa reste figée pendant plusieurs minutes, l'écriture de son père sous les yeux, comprenant qu'elle vient de découvrir un immense secret. Mais bien-sûr elle comprend également qu'elle s'est totalement méprise sur la destinataire de ces lettres. Il est impossible qu'il s'agisse d'Anna, sachant qu'Yvan est mort avant sa naissance. Mais alors qui est cette personne avec qui son père entretenait une relation secrète?! Et pourquoi ces lettres sont désormais en la possession d'Anna? Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir: Océa doit lire leur contenu. Et au plus vite!

En voulant sortir de sa chambre précipitamment elle rentre dans Noé avec violence et se retrouve projetée en arrière.

- Désolé! Tu vas bien?

Il tend un bras vers elle, légèrement inquiet de lui avoir fait mal.

- Oui oui ça va...

Elle ne lui laisse pas le temps de parler de nouveau et le dépasse pour accéder à la chambre d'Anna. Elle plaque son oreille contre la porte en bois.

- Qu'est-ce que tu fais?

Elle lui fait signe de se taire et continue d'écouter. Au bout de plusieurs secondes elle décolle sa joue.

- Elle n'est pas là.

- Bien-sûr qu'elle n'est pas là! Elle est en bas avec tout le monde. J'allais les rejoindre.

- Parfait alors!

Elle tourne la poignée et entre, Noé sur ses talons.

- Bon tu vas te décider à me dire ce que tu es en train de faire ?

Elle l'ignore et se met à fouiller dans les pulls.

- Océa! Mais arrête! Qu'est-ce que tu cherches?

Il regarde discrètement dans le couloir pour voir si personne ne vient, comprenant bien que ce qu'est en train de faire Océa n'a rien de convenable.

- Je cherche un paquet de lettres... Ah! Le voilà!

Elle l'attrape, remet correctement les pulls et retourne dans le couloir. Noé ferme la porte d'Anna derrière eux et la suit dans sa chambre. Elle s'assoit sur son lit et étale les lettres sur le drap. Il doit y en à avoir une bonne vingtaine.

- On peut savoir ce qui te prend de voler la correspondance d'une adolescente ? Tu m'expliques?! C'est quoi ça?...

Océa le toise de la tête aux pieds, méfiante. Elle fronce les sourcils:

- Je peux te faire confiance?

- Tu sais très bien que oui. Et puis de toute façon j'en sais déjà trop maintenant pour que tu te refuses à tout me dire...

La jeune femme soupire. Savoir est une chose, poser des mots dessus en est une autre.

- Je crois... je crois que mon père entretenait une relation, avec une autre femme que ma mère.

Les yeux de Noé s'écarquillent.

- Quoi? Comment peux-tu le savoir?

- Je suis tombée par hasard sur ces lettres tout à l'heure en cherchant des vêtements à me mettre. Et j'en ai reconnu l'écriture... je suis sûre que c'est celle de mon père.

Un silence gênant s'installe. Noé ne sait pas quoi dire, il n'a jamais connu Yvan puisque ce dernier est mort bien avant qu'il ne rencontre Rose. Océa, quant à elle, fixe désespérément les enveloppes, ne sachant pas si elle doit les ouvrir ou non. Finalement la curiosité l'emporte: elle en saisit une au hasard et l'ouvre précipitamment. Elle déplie le papier jauni par le temps et après une seconde pousse un long soupir de soulagement. Noé tape du pied, impatient de savoir si la supposition d'Océa s'avère définitivement vraie.

- Alors?

- Je... je me suis trompée. La date indique le 14 septembre 1998. Mon père est mort en 94.

- Bon... Tu vois. Ton père ne trompait pas ta mère. Je crois que tu te fais un peu trop de films. La mort d'Olympe te rend... parano...

Elle lui lance un regard glacial:

- Va te faire foutre mec. Je ne t'ai jamais demandé de venir fourrer ton nez dans mes affaires.

Il lève les mains en l'air en signe de paix. Océa reporte son attention sur le contenu de la lettre, commençant la lecture de ses lignes manuscrites. Mais au fur et à mesure que ses yeux avancent, Noé voit le visage de la jeune femme devenir livide et se décomposer peu à peu.

-Océa?

Elle prononce alors dans un souffle presque inaudible:

-Oh mon dieu...

-Quoi? Qui y a-t-il?

Les mains d'Océa tremblent, elle lache le papier qui tombe délicatement sur le parquet. Noé s'approche d'elle et la soutient physiquement avant qu'elle ne s'effondre maladroitement et manque de se cogner le crâne contre la tête de lit. Il regarde ses yeux luisants de larmes et d'incompréhension.

-Oh... mon... dieu...

Elle ne peut plus articuler. Sa gorge est serrée et elle a l'impression d'étouffer. Elle s'écarte de lui et se maintient à la tête de lit, essayant de respirer et de reprendre le contrôle de son corps. Noé ramasse la lettre et s'adonne alors à la lecture de son contenu avec une anxiété perçante.

-Oh putain de merde...



1998

L'homme regarde par la fenêtre. Les arbres verts de l'été se sont colorés dans les teintes de l'automne. Le vent souffle légèrement, faisant voltiger des feuilles oranges, jaunes et rouges, avant qu'elles n'atterrissent sur le sol poussiéreux avec grâce, comme si elles jouaient un ballet d'une magnificence imperceptible. Le soleil se perdant derrière l'horizon, lance ses derniers rayons vers les branchages. Un halo majestueux encercle les arbres, leur donnant un côté divin et sacré.

Mais la beauté de ce spectacle n'efface en rien la tristesse qui emprisonne le cœur de l'homme.

Il a tant hésité... mais il est temps à présent il le sait. Il s'installe derrière son bureau, prend le plus beau papier à lettre qu'il possède et ouvre son stylo plume porte-bonheur qu'il tient de son père. Il regarde la feuille vierge, hésite encore un instant, et finit par poser la plume sur la fibre de papier.

« Dimanche 14 Septembre 1998

Ma chère Érica,

Je sais que je prends tous les risques en rédigeant cette lettre. Le risque que l'on me retrouve, que l'on découvre notre secret, que tous nos efforts soient anéantis. Mais, mon amour, je n'arrive plus à tenir. Je ne peux plus vivre loin de toi ni de notre fille. Je veux vous protéger de Lucile et de sa colère. Elle a beau être ta sœur et toujours ma femme, nous savons tous les deux de quoi elle est capable.

Venez me rejoindre. Toi et notre enfant.

Les secrets et les mensonges ont failli nous détruire et c'est ce qui arrivera si tu ne fuis pas loin de cette famille.

Viens à moi mon amour, je t'en conjure. Toi et Olympe.

Je t'aime,

Yvan. »

Olympe et l'attente des corbeaux Où les histoires vivent. Découvrez maintenant