Chapitre 19

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2019

-          Comment avez-vous fait pour que personne de la famille ne soit au courant? Déplacer un corps seule ne devait pas être une tache simple, même si Erica était particulièrement mince...

Lucile soupire et ferme les yeux une seconde en appuyant deux doigts sur sa tempe droite qui commence à la faire souffrir.

-          Je n'étais pas seule.

Une étincelle passe dans le regard d'Océa. Qui donc était dans la confidence? Qui savait que Lucile était un monstre et n'a rien dit?

-          Armand m'a aidée.

Armand Danewood, cousin de Lucile et père de Rose. Qu'avait-il à voir là-dedans?

-          Comment avez-vous réussi à le convaincre de faire passer ça pour un suicide au lieu d'appeler la police.

-          Je n'ai pas eu à le convaincre de quoi que ce soit. Vois-tu, certaines personnes ont bien plus le sens de la famille que toi.

La pique arrive droit dans le cœur d'Océa comme prévu même si la jeune femme ne laisse rien paraître.

-          Je suis allée le chercher pour qu'il m'aide, ce qu'il a fait, j'ai toujours su que je pouvais lui faire confiance. Nous avons emmené Erica dans sa chambre et avons mis en scène son suicide puis j'ai appelé la police.

-          ...Et les avez payés pour qu'ils oublient ce coup à la tête...

-          Je n'en suis pas fière... mais oui. L'argent peut acheter n'importe quel homme. L'enterrement fut rapide et silencieux. Erica a été enterrée avec ses secrets. Du moins... je le croyais.

-          Malheureusement pour vous, elle avait déjà confié toutes les autres lettres à Pauline qui avant de mourir des suites de son cancer les donna à son tour à sa fille: Anna.

-          Oui. Les lettres...

Lucile a le regard perdu et vide de toute émotion. Océa se demande si elle regrette d'avoir tué sa propre sœur, ou si elle regrette plutôt de ne pas avoir davantage pris ses précautions au sujet de ces lettres qui ont fini par la trahir, et la trahiront encore lorsqu'Océa les présentera comme preuve pendant le procès.

-          Mais il y avait encore un problème n'est-ce pas mère: il y avait Olympe.

A l'entente de ce nom, Lucile devient nerveuse sur sa chaise. Elle se met à triturer l'ongle de son index.

-          Vous ne dites rien?

-          Que veux-tu que je te dise hein? Que je détestais cette gamine? Que j'aurais voulu qu'elle tombe dans les escaliers ou se noie dans son bain pour que je sois enfin débarrassée de toute trace d'Yvan et d'Erica?! Et bien je te le dis: c'est vrai. Je haïssais au plus profond de ma chair cette enfant. Et le plus horrible c'est que je savais bien pourtant que ce n'était pas sa faute à elle. Elle croyait même que j'étais sa mère. Et puis il y avait toi. Je voyais bien à quel point tu l'aimais. Elle restait ta sœur. A moitié, mais ta sœur quand même.

-          Et cela ne vous a pas empêché de la tuer.

-          Je ne l'ai pas tuée!

Océa ne supporte plus ses mensonges. Elle veut la vérité! Pour une fois, elle veut entendre la vérité de la bouche de sa mère!

-          Où était-elle?! Où était-elle durant toutes ces années?! Dites le moi! Pourquoi ne l'avez-vous pas directement tuée plutôt que de la kidnapper et de mettre fin à ses jours vingt-et-un an plus tard?!

-          Je ne l'ai pas kidnappée!

-          Ah oui?! Et qui est-ce alors?! Les anges?!

Lucile se met à rire. Un rire nerveux qui fait frémir Océa. Lorsque la femme finit par se calmer elle penche légèrement la tête sur le côté et regarde sa fille avec un petit air suffisant:

-          Pour quelqu'un qui pense tout savoir j'avoue que je te pensais plus maligne.

Océa ne comprend pas où elle veut en venir. Elle la laisse poursuivre.

-          C'est Yvan enfin. C'est ton père qui t'a arrachée ta sœur! Pas moi!

-          Qu... quoi?!

-          Lorsqu'il a appris la mort de celle que soi-disant il aimait il n'a bien-sûr pas cru au suicide. Il savait de quoi j'étais capable, mais qu'elle preuve avait-il? Il a enlevé Olympe et ensemble ont disparu. Je n'ai pas particulièrement essayé de la retrouver comme tu as pu le constater j'imagine, parce que je trouvais tout simplement que le fait qu'ils soient tous les deux loin de moi et de ma famille était une solution envisageable. Toujours en vie c'est vrai... mais ailleurs, c'était le principal. Alors j'ai tout fait pour que tout le monde cesse rapidement d'avoir de l'espoir. J'ai feint la tristesse de la perte de mon enfant, la reconstruction d'une mère et personne n'a douté une seconde, personne n'a résisté... Enfin si. Il y avait bien quelqu'un.

-          Qui ?

-          Toi Océa. Tu ne voulais pas oublier ta sœur. Tu te sentais responsable de sa disparition. Tu aurais tout fait pour la retrouver. Tu n'avais que huit ans. J'ai pensé qu'avec le temps tu finirais par cesser d'espérer. Cesser tout simplement de te rappeler son existence. Mais je m'étais trompée: tu n'as jamais oublié.

-          Non mère. En effet, je n'ai jamais oublié.

Lucile regarde sa fille au plus profond de ses pupilles, analysant les émotions sur le visage qu'elle a enfanté.

-          Tu vois l'ironie, c'est que ton père que tu as toujours vu comme quelqu'un de bien t'a arraché la seule personne à qui tu tenais vraiment. Que tu aimais plus que tout.

-          C'était pour la protéger de vous. Vous l'avez dit vous-même.

-          Je l'ai dit, mais il se trompait. Je n'aurais jamais fait de mal à cette enfant, malgré toute la haine qu'elle me faisait éprouver.

-          Qu'est-ce qui vous en aurait empêché?

Olympe et l'attente des corbeaux Où les histoires vivent. Découvrez maintenant