Chapitre 12

2.3K 348 7
                                    

2019

Océa reste muette suite au récit de sa mère. Un long silence passe jusqu'au moment où elle réussit enfin à entrouvrir la bouche et retrouver l'usage de sa langue.

-          Papa n'est pas mort du cancer...

-          Non.

-          Et c'est pourtant ce que vous m'avez fait croire...

-          A quoi cela t'aurait t'il servit de savoir qu'il nous a abandonnées?

-          Mais... j'avais le droit de savoir! Il est encore en vie?

-          Je n'en ai aucune idée. Et sincèrement je m'en contre fiche de le savoir. Il est parti, pour moi c'est comme s'il était mort.

Océa reste silencieuse. Elle se demande si sa mère est au courant qu'Érica était la maîtresse d'Yvan et donc qu'Olympe est tout de même la fille de son père. Elles sont demi-sœurs... Ce qui explique sûrement pourquoi cette enfant a toujours été aussi gentille, même petite: ce n'était pas la progéniture de Lucile.

Elle n'a véritablement pas l'air de le savoir. Jamais elle n'aurait accepté d'élever Olympe sinon. Elle hésite alors un instant à le lui dire, parce qu'elle sait que de savoir que son mari se tapait sa propre sœur la détruirait au plus profond d'elle-même. Mais finalement elle se ravise. Océa a beau détester Lucile, la vengeance ne fait pas partie de son caractère, loin de là. Cette femme est glaciale mais elle n'en reste pas moins sa mère.

Océa se lève de sa chaise et sans un mot de plus quitte la chambre. En ouvrant la porte elle se retrouve nez à nez avec Daniel. Ce dernier a le visage livide et décomposé, comme s'il avait vu un fantôme. Elle comprend immédiatement qu'il était là depuis le début à écouter leur conversation.

-          Ne fais pas cette tête tonton. Il fallait bien que tu finisses par découvrir le véritable visage de ma mère et de ta sœur... Voilà c'est fait. Je te présente la vraie Lucile Danewood!

Elle fait un grand geste théâtrale en direction de sa mère et sur ces mots elle part du couloir, la tête haute. Elle descend les escaliers avec assurance et va jusqu'à la porte d'entrée. Mais avant qu'elle ne puisse l'ouvrir pour sortir, une main se pose sur la sienne. Les doigts froids, maigres et pâles d'Anna sont légèrement serrés sur les siens.

-          Océa... tu vas bien?

Cette dernière attrape plus brusquement qu'elle ne l'aurait souhaité sa cousine par le bras, ouvre la porte et sort sur le perron, à l'abris des oreilles trop curieuses.

-          Comment as-tu eu ces lettres?

Les yeux de la jeune fille s'écarquillent et elle ne peut cacher la surprise dans ses pupilles.

-          Qu...quoi? Quelles lettres?

-          Tu sais très bien de quoi je parle! Alors réponds-moi!

Elle reste muette alors Océa l'attrape par les épaules et la secoue, comme pour la réveiller.

-          Tu ne vis pas dans un conte bordel Anna! Réveille-toi! Tu ne te rends donc pas compte de l'horreur de cette famille ?! Tu veux devenir comme eux? C'est ça?

Sa lèvre inférieure se met à trembler et elle réprime un sanglot.

-          Ca me fait mal de citer ma mère, mais pour une fois je suis d'accord avec elle: pleurer ne t'aidera en rien en cet instant. Donc retiens tes larmes et réponds moi! Tu peux me faire confiance Anna...

Elle avale sa salive avec difficulté et finit par hocher la tête, le regard baissé:

-          D'a...d'accord.

Océa la lache et attends patiemment qu'elle lui révèle ce qu'elle sait.

-          C'est maman qui m'a donné la lettre. Avant de mourir.

-          Pauline? Mais... pourquoi l'avait-elle?

-          C'est tante Érica qui lui avait donné.

-          Pourquoi aurait-elle fait ça?

-          Maman n'a jamais eu de sang Danewood dans ses veines. Elle a épousé papa et a pris son nom mais elle n'a jamais été comme eux. Tante Érica lui faisait confiance. Elle savait qu'elle pouvait compter sur elle.

Océa est complètement perdue. Elle essaye en vain de comprendre. Anna poursuit d'un ton soudainement plein d'assurance:

-          Je n'avais que onze ans quand maman est morte, mais je me souviens comme si c'était hier de ce qu'elle m'a dit. Elle voulait que je garde ces lettres en sûreté, de ne jamais les montrer à personne, que c'était très important, un lourd secret qui, s'il venait à être ouvert au grand jour, pourrait détruire cette famille.

-          Oui c'est vrai... J'imagine que tu as lu et compris ce que cela signifiait.

-          Tu ne peux pas savoir le nombres de fois que j'ai lu et relu ces lignes. Depuis six ans je connais le contenu de ces lettres par cœur, à la virgule prêt. Olympe n'est pas la fille de tante Lucile n'est ce pas ?...

Elle ferme les yeux et hoche la tête, laissant un long soupir s'échapper entre ses lèvres.

-          Est ce que tu sais quand Érica a remis la lettre à ta mère?

-          Non, mais j'imagine peu de temps avant son suicide. Avant de mettre fin à ses jours elle aurait donné les lettres à maman pour les garder en sûreté.

-          Oui... ça paraît probable.

Océa s'assoit sur les marches du perron, le regard en direction de l'horizon. Anna l'imite et se place à côté d'elle.

-          Océa...

-          Oui?

-          Tu sais... je suis contente que tu sois revenue.

Sa voix est douce et sincère. Océa sent son cœur se fendre, elle regrette d'avoir été aussi brutale avec cette adolescente si fragile. Elle passe son bras autour de ses épaules et la serre contre elle.

Elles restent ainsi plusieurs minutes, les yeux perdus vers l'horizon.

Anna finit par dire dans un soupire:

-          Pourquoi est-ce qu'elle s'est suicidée à ton avis tante Érica?

Océa hausse les épaules:

-          J'imagine que de ne pas pouvoir vivre avec l'homme qu'elle aimait et voir sa propre fille être élevée par sa sœur n'a pas dû être facile pour elle.

-          Ca devait être horrible...

-          Oui... ça devait.

Soudain une pensée traverse l'esprit d'Océa. Une pensée atroce, mais qui s'impose malgré elle et la jeune femme ne réussit pas à l'ignorer.

Et si sa mère avait découvert la vérité? Et si Érica ne s'était pas suicidée? Et si... et si Lucile Danewood était une meurtrière?...

Olympe et l'attente des corbeaux Où les histoires vivent. Découvrez maintenant