Chapitre 18

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2019

-          Je ne pensais pas que tu viendrais me voir.

-          Je ne le pensais pas non plus.

-          Alors que fais-tu là?

Les deux femmes se regardent intensément et si férocement que personne ne pourrait penser qu'il s'agit d'une mère et d'une fille en les voyant ainsi. Chacune souhaite tout le malheur du monde pour l'autre, du moins c'est ce que pense Océa. Elle imagine, à tort, que toute la haine qu'elle éprouve envers sa génitrice est réciproque. En effet, Lucile regrette d'avoir mis au monde cette enfant qui est en train de la trahir, de poignarder dans le dos sa propre famille. Mais il n'empêche qu'elle n'en reste pas moins son unique fille, et que son instinct maternel a toujours été férocement encré en elle.

-          Je veux vous l'entendre dire.

-          M'entendre dire quoi?

-          Que vous les avez tuées.

La vitre qui les sépare pourrait presque se briser tant la tension dans la pièce est palpable.

-          Je ne les ai pas t...

Océa la coupe, les poings serrés:

-          Bien-sûr que si! Et vous le savez aussi bien que moi!

Lucile marque une pause et la déception prenant le dessus sur la colère, elle finit par lâcher dans un soupire de désespoir:

-          Comment peux-tu me faire ça Océa?...

-          Vous faire ça?! VOUS FAIRE ÇA?!

Le gardien se trouvant à proximité de la porte sur sa droite lui faire signe de baisser le volume si elle ne veut pas que la séance s'abrège. La jeune femme ferme les yeux une seconde pour se reprendre et continue:

-          Et vous alors? Comment avez-vous pu me mentir comme vous l'avez fait?! Toute mon existence est un mensonge! Mon père est peut-être toujours en vie à l'heure qui l'est!

-          Et bien tu devrais tâcher de le retrouver alors. Ton père si exemplaire te sera peut-être d'un réconfort dans cet situation. Enfin pour cela faudrait-il encore qu'il se souvienne de toi. Car au cas où tu l'aurais oublié il t'a abandonnée lorsque tu avais cinq ans et, à ce que je sache, n'a pas pris la peine d'essayer de te recontacter par la suite, je me trompe ?...

-          Ne parlez pas de choses que vous ignorez! Il est parti car il avait peur de vous!

-          Peur de moi?!

Lucile explose d'un rire nerveux mais Océa ne se laisse pas destabiliser.

-          Il savait que lorsque vous apprendriez qu'il couchait avec votre propre sœur et qu'elle était tombée enceinte, votre colère anéantirait tout... Et il avait raison... S'il n'était pas parti vous l'auriez aussi surement assassiné non?

Lucile reste muette, les yeux plissés, à écouter les paroles de sa fille.

-          Je me demande comment cela s'est passé. Comment l'avez-vous compris, que le père de cette enfant était votre mari? Par hasard? Vous avez surpris une conversation? Ou bien vous vous êtes juste rendue compte que vous l'aviez toujours su au fond de vous. Parce que vraiment... qui pourrait aimer une femme comme vous en comparaison d'Erica? Je me souviens d'elle vous savez. Si belle, si douce, si gentille. L'exacte opposé de vous. Vous ne l'avez pas supporté hein? Vous n'avez pas pu contenir ce que vous ressentiez, pas cette fois. C'était plus fort que vous. Quand vous avez su, la colère a pris le pas sur tout le reste. Cette trahison c'était trop. L'autopsie a révélé qu'elle a été assassinée par un coup violent porté à la tête. Alors? Vous n'avez pas contrôlé votre geste décidé par une vague de haine qui vous a submergée? Vous avez pris le premier objet qui vous passait à portée de main et vous avez frappé. C'est ça n'est-ce pas? Vous avez frappé si fort qu'Erica est tombée sur le sol. Morte.

Le silence qui suit résonne bien plus qu'un aveu fait de paroles. Lucile n'arrive pas à soutenir son regard, pas cette fois. Elle finit par faire claquer sa langue contre son palais et lâche tout en fixant un point imaginaire derrière Océa:

-          Je suis tombée sur une lettre. Une lettre qui ne laissait en aucun cas le doute sur le nature de leur relation, ni sur la véritable identité d'Olympe. Cela m'a brisée.

-          Comme c'est émouvant...

Elle ne prête pas attention à la pique ironique de sa fille et continue:

-          Tu peux penser ce que tu veux mais j'ai aimé Yvan. Et la seule chose qu'il a trouvé à faire a été de forniquer avec ma sœur cadette. Il ne voulait pas d'autres enfants que toi. Il lui a accordé à elle ce qu'il m'a refusée à moi. Tu as raison, s'il avait été là à cet instant je l'aurais sûrement tué à cause de la colère... Mais il n'était pas là.

-          En revanche Erica oui...

-          Elle est entrée dans la pièce à cet instant et m'a vue avec la lettre. Elle n'a même pas essayé de nier. Au lieu de ça elle m'a insultée. Elle a craché toute sa haine profondément enfouie. Elle a déliré en disant que j'étais un monstre, que j'avais gâché sa vie depuis toujours, que je ne méritais pas mon bonheur, qu'Yvan n'avait jamais aimé qu'elle et qu'enfin c'était justice que je me retrouve seule. Je n'arrivais plus à l'écouter, je voulais qu'elle arrête, je voulais juste qu'elle se taise je te le jure, je ne voulais pas la tuer...

-          Mais elle est morte.

-          Oui elle est morte. Quand je l'ai frappée avec le bibelot en cuivre posé sur l'étagère elle s'est immédiatement effondrée. Quand j'ai vu le sang j'ai tout de suite compris... J'ai compris qu'elle allait détruire encore plus notre famille qu'elle ne l'avait déjà fait si je laissais la vérité percer en plein jour.

-          C'est n'est pas elle qui a détruit la famille malgré tout ce que vous dites pour vous en convaincre vous-même. C'est vous la coupable et vous le savez...

-          Je l'ai tuée c'est vrai. Voilà ce que tu voulais entendre n'est-ce pas? Je suis le monstre que tu voulais que je sois. Heureuse? Mais moi ce que j'ai toujours fait c'était pour la famille et pour toi, pas pour ma petite personne. Aurait-elle pu en dire autant?

Olympe et l'attente des corbeaux Où les histoires vivent. Découvrez maintenant