Chapitre 17

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2019

Noé savait.

A l'instant même où il avait vu le gigantesque portail rouillé se refermer derrière Océa qui partait dénoncer sa famille il savait que ce n'était pas un départ définitif. Il avait été le seul à ne pas douter un seul instant qu'elle reviendrait, parce qu'il avait été le seul à comprendre à quel point Océa s'en était voulu d'avoir abandonné Rose en partant des années plus tôt et que jamais elle ne referait cette erreur.

En réalité ce n'est pas sa famille qu'elle avait fuie lorsqu'elle avait atteint la majorité mais bien sa mère. Lucile Danewood était un poison. Le genre de personne à s'initier si profondément dans le coeur et l'esprit qu'elle finit par ronger l'âme de son hôte jusqu'à ce qu'il ne reste rien d'autre qu'un corps mort.

Rose est décédée depuis longtemps désormais... Mais il y a Anna. Elle, peut encore être sauvée. Ses membres ne sont pas encore gangrenés et son cerveau encore vierge de toute contamination néfaste provenant de la matriarche de la famille. Voilà pourquoi Noé n'est en rien surpris de voir Océa dans l'embrasure de la porte à regarder sa propre mère se faire emporter dans un fourgon policier, après avoir dit avec la plus grande tendresse à Anna de rester dans sa chambre le temps que la situation se calme, le voilà redescendu pour découvrir ce spectacle plus qu'invraisemblable.

Daniel et Frédérique sont restés dans le salon, se refusant à voir que cette fois-ci tout est réellement fini, et que ni eux ni personne ne peut plus rien faire pour empêcher ce tsunami de raser tout sur son passage. Océa, elle, fixe amèrement sa génitrice se débattre et crier comme un goret envoyé à l'abattoir, sans rien éprouver de particulier, ce qui la surprend elle-même. Ni satisfaction, ni colère ou sentiment de vengeance. Rien. Mais en réalité Océa ne ressent plus grand chose depuis qu'elle a trouvé le cadavre de sa sœur à l'étage du manoir...

Noé s'approche d'elle et ensemble restent là, dans un silence perturbé par les coassements des corbeaux, à fixer ce fourgon partir en direction de la maison d'arrêt dans la ville la plus proche. Lorsque la camionnette finit par disparaître à l'horizon, il tourne son visage vers elle, et dit d'une voix calme, presque douce, espérant la réconforter quelque peu:

-          Tu as fait ce qu'il fallait...

-          Je sais.

Elle répond du tac au tac sur un ton qui ne laisse en rien possibilité à l'interprétation sur ses émotions: elle n'a pas le moindre doute sur ce qu'elle vient de faire.

-          C'est une meurtrière. Et les meurtriers vont en prison.

-          Comment peux-tu être aussi sûre que c'est bien elle la coupable?

Elle hausse les épaules et se détourne de la porte pour se diriger vers les escaliers.

-          Je le sais c'est tout.

-          Cela ne suffit pas devant un tribunal.

Elle s'arrête sur la marche où elle se trouve et se tourne doucement vers lui pour enfin le regarder dans les yeux:

-          Je veux qu'elle avoue. Je veux qu'elle admette qu'elle a tué sa propre sœur et la mienne par jalousie et colère. Je veux qu'elle me dise la vérité. Je veux l'entendre de sa bouche.

Noé admire la soif de justice qui bouillonne dans l'âme de la jeune femme. Mais s'il a bien appris quelque chose durant sa vie, c'est que les sentiments nobles sont rarement récompensés. Rose serait toujours en vie si c'était le cas.

-          Pourquoi ferait-elle ça?

Océa ne baisse pas les yeux mais un voile passe sur son visage. Elle marque une pause avant de répondre d'un voix monocorde et factuelle:

-Parce que c'est le seul moyen qu'elle a pour peut-être réussir à trouver la paix...

Olympe et l'attente des corbeaux Où les histoires vivent. Découvrez maintenant