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À la fin du mois d'Avril, nous nous sentîmes tous totalement dépassés. Nous devions impérativement nous préparer pour les examens du mois de Juin et aucun professeur de nous avait épargnés. Nous devions réviser nos cours de mathématiques, de littérature, de langues et d'Histoire tout en perfectionnant notre maîtrise de la danse en préparant des enchaînements. La pression montait peu à peu et nous sentions nos corps s'affaiblir de fatigue.

Dans le cadre de nos cours avec Mr Ivanof, le professeur de danse contemporaine, nous devions également créer une chorégraphie que nous présenterions devant un jury. Nous devions la préparer par groupe de deux et j'avais fait de nouveau équipe avec Gabin. La tâche n'était pas aisée et nous passions des heures à créer des brouillons qui ne nous plaisaient pas. Alors nous recommencions tout.

Heureusement, entre nos longues journées de travail et nos courtes nuits de sommeil, il y avait des jours où nous étions heureux.

Un après-midi du mois de Mai, nous avions décidé de nous rendre à la rivière pour respirer l'air pur et nous rafraîchir de la chaleur qui commençait à nous étouffer. Loin de la ville, loin de tout et loin des autres. Juste entre nous. Marcus, Gabin, Alexander et moi.

Le long du chemin grimpant jusqu'à la source, nous marchions en file indienne, parlant de tout et se racontant les dernières rumeurs à savoir. Alexander aimait ouvrir la marche, droit comme un flamant rose et tenant son maillot qui semblait un peu grand pour ses étroites hanches. Il connaissait bien les sentiers et nous guidait dans ces bois.
Moi j'aimais fermer la marche. De derrière, je pouvais prendre le temps d'observer le monde tout autour. Les oisillons chantant, les épines d'arbres se décrochant dans le vent, le soleil traversant les feuillages et l'odeur savoureuse de la nature libérée.

- « Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les ésthers,
Par delà les confins des sphères étoilées... »

Gabin se retourna et me sourit à pleines dents.

- Baudelaire, soupirai-je en levant les yeux au ciel.

- Élémentaire mon cher Watson. Tu as fait des progrès.

Il s'arrêta un instant pour marcher à mon niveau, laissant nos deux amis prendre de l'avance le long du chemin de sable.

- Mon préféré, à coup sûr.

- Il ne veut rien dire ! le taquinai-je car je savais que cette remarque le mettrait dans tous ses états. Il est juste doux à l'écoute.

En vérité, je trouvais ces vers tellement beaux qu'ils me donnaient l'envie de m'élever haut dans le ciel.

- Nom de Dieu Gus tu es sans cœur ! Il veut tout dire ce poème, c'est le désir de se libérer vers un idéal, de s'élever vers un monde sans encombre, sans malheur.

- Tu ne m'as récité qu'un extrait...

- Mais le plus beau ! répondit Gabin sans se laisser démonter.

- Si tu le dis.

- Et je le dis !

Nous nous stoppâmes tout à coup au milieu du chemin ensoleillé par les rayons de l'après-midi. Marcus et Alexander semblaient regarder un point au fond d'un champs.

- C'est la rivière ! s'exclama finalement Alexander, plus existé que jamais.

Sans attendre, nous nous approchâmes de nos compagnons, mais à peine avions nous fait trois pas que Marcus hurla :

- Le dernier à l'eau fait les devoirs des autres !

Et ils se mirent tous deux à dévaler la prairie à toutes jambes, délaissant dans leur course leurs chaussures. Durant un instant, Gabin et moi restâmes sur la bordure à comprendre ce qu'il se passait tels deux idiots. Mais lorsque l'information arriva enfin à nous faire réagir, nous nous bousculâmes pour courir dans les pas de nos camarades le plus vite possible. Faire les devoirs des autres en plus de notre propre montagne de révisions ? Je laissai ça aux Titans.

L'invitation au VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant