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Les deux semaines que nous passâmes au chalet d'Alexander furent formidables. Nous passions nos journées à jouer dans la neige, à nous promener dans la forêt ou à jouer à des jeux de cartes. Il devait être amusant de nous observer, nous, les dix petits danseurs du Prodigious National Ballet.

Parfois nous descendions tous ensemble au village pour acheter de quoi manger, et seule Adèle semblait se préoccuper de conserver le régime que l'école de danse nous ordonnait. Nous étions si bien, tous ensemble, à se goinfrer comme des ours, à dormir tous collés. Car bien entendu, le plan de chambre que Laurelyne avait mis en place n'avait pas tenu longtemps.

Dès la première nuit, j'avais retrouvé Julie en sous-vêtements sur le matelas d'Alexander, Adèle sur celui de Gabin, et bien évidemment, Laurelyne étalée sur le mien.
Car aucune règle et aucun pacte n'avait soumis l'idée que nous étions ensemble, Laurelyne et moi.

Après le baiser sur le banc, nous nous étions fréquentés pour sortir. Et je crois que ce fut l'erreur qui me trancha la nuque. Là où je ne voyais qu'une amitié parfois flirteuse, Laurelyne y voyait une relation possiblement solide. Lorsque nous descendions au village, elle glissait sa main dans la mienne, là où celle de Gabin aurait dû être. Lorsque je me couchais, elle se glissait dans mes draps, là où j'aurais aimé que Gabin soit. Lorsque je me douchais, elle se glissait dans la douche avec moi, là où j'aurais rêvé que Gabin soit. Je pense qu'à travers Laurelyne, je comblais ce vide que Gabin laissait en moi à chaque fois qu'il me délaissait pour rejoindre Adèle. C'était irréfléchi, mais au moins je ne pensais plus qu'à lui, et le temps passait plus vite.

Mais un soir, le drame qui devait se passer arriva.

Nous étions au sixième jour de nos vacances, nous avions décidé de passer la soirée autour de la cheminée après un repas bien copieux. Je me rappelle être terriblement fatigué car nous nous étions levés tôt pour une randonnée. Étalé sur le sofa, j'écoutais d'une oreille distraite Marcus et quelques autres amis discuter de joueurs de tennis tandis que mon regard observait Adèle et Gabin se chamailler. Perdu dans ma rêverie, l'arrivée de Laurelyne m'échappa totalement et je fut encore plus surpris lorsqu'elle décida d'elle-même de venir s'asseoir sur mes genoux. Elle posa sa tête sur mon épaule.

Alexander était bien entendu revenu quelques minutes plus tard avec une bouteille d'alcool qui lui était maintenant attitrée. Nous avions donc passé la soirée à faire des jeux, boire un peu et parler de nous. Jusque là tout allait bien. Puis vint le moment où Marcus me demanda d'aller chercher la radio d'Alexander dans une des chambres. Bougonnant un peu, je me levai et montai les escaliers. Alors que j'étais afféré à fouiller dans les tas de vêtements qui gisaient au sol, Laurelyne entra dans la pièce et se faufila à côté de moi, prenant bien garde de fermer la porte de la chambre.

- Je viens t'aider, me dit-elle en s'accroupissant sur le parquet.

- C'est gentil, mais je l'ai trouvée.

Je brandis la petite radio abîmée. Le sourire de Laurelyne parut s'éteindre. D'un coup brusque elle attrapa la radio de ma main. J'en fut déconcerté.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? lui dis-je.

- Je ne veux pas qu'on redescende.

- Qu'est-ce que tu veux, alors ? Tu es malade ? Tu veux te reposer ?

En fait, je savais très bien ce qu'elle voulait. Mais la pente que créait cette idée me semblait glissante.

- Non Gus, tu sais très bien ce que je veux. Et tu veux la même chose, non ?

Question piège. Et j'étais faible.

- Sûrement.

Lâche et cruel.

L'invitation au VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant