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Notre vie est faite de choix et rien ni personne ne peut y échapper. Tout sur cette fichue planète est fait de choix plus difficiles les uns que les autres. Papa ou maman ? Manger ou boire ? Tuer ou être tué ? Parler ou se taire ? Parfois, vous espérez que quelqu'un vous ordonne un choix déjà tout fait, juste pour vous sentir libre de ne pas culpabiliser ensuite. Mais quelle ironie que de se croire libre. La liberté est un mot de mensonge inventé par un alcoolique durant un soir de folie. Nous sommes enchaînés sans arrêt à travers le monde dans lequel nous naissons. Qu'importe ce que vous faites ou ne faites pas, ce n'est jamais vous qui décidez. Parfois j'espère secrètement que Dieu fait naître en moi des choix qui m'éblouiront de bonheur. Mais je crois que Dieu s'en fou de mon bonheur. Sinon il ne m'aurait pas fait comme ça, adolescent pourri jusqu'à l'os et bientôt mort noyé dans les profondeurs des abysses de ce monde. Foutue planète. Si j'étais Dieu je nous aurais tous fait heureux. Tous normaux. Tous hétéros. Tous déjà femmes. Et la vie aurait été si simple.

- Eh, Augustin !

- Quoi ? grognai-je sans prendre la peine de détourner mes yeux de ma bande dessinée.

J'étais allongé à côté d'Élie, mon petit frère. Nous nous étions tous les deux installés sur le toit de notre immeuble et nous profitions des derniers rayons de soleil de nos vacances.

- Je voulais te demander quelque chose, je crois que c'est important.

- Si c'est important dis-le moi, mais par pitié ne tourne pas autour du pot, tu sais que je déteste ça.

Je l'entendis se redresser et souffler un bon coup. J'aimais tendrement Élie, c'était de loin mon frère le plus proche, pas ma fierté ni ma grandeur, mais mon soldat et mon confident. Il paraissait très embarrassé par ce qu'il allait me dire, et voyant qu'il n'accouchait toujours pas, je tournai mon regard vers lui.

- Tu as déjà embrassé une fille ? finit-il par lâcher dans un souffle, comme si cette simple phrase pouvait lui retirer sa fierté.

- Oui, mentis-je.

Je n'avais jamais embrassé de fille, elles ne m'intéressaient pas. Enfin parfois oui, mais dans ces moments c'est moi qui ne les intéressais pas. Le vie est mal faite.

- Et toi ? continuai-je.

- Non. Mais il y en a une que j'aimerai bien... embrasser. Elle était dans ma classe et elle est... très jolie.

- Tu es amoureux.

- Je ne sais pas, je n'ai jamais été amoureux. Comment je peux savoir, moi ?

Je refermai mes paupières et je tentai de me remémorer comment j'avais su, la première fois, que j'étais tombé amoureux. Mais rien ne me vint. Tout simplement parce que je ne l'avais pas su, j'étais tombé amoureux sans m'en rendre compte, d'un coup, par un coup de foudre. Mais comment pourrais-je décrire ça à mon petit frère de douze ans ? Était-ce seulement descriptible ? Pouvais-je dire que j'étais tombé amoureux parce que je le trouvais beau ? Parce que j'aimais sa voix ? Parce que j'aimais ses lèvres ?

- J'ai peur qu'elle ne m'aime pas.

Élie avait baissé les yeux et je sentais dans sa voix qu'il était vraiment peiné par ce qu'il pensait.

- J'ai peur qu'elle me trouve inintéressant. Qu'elle me trouve laid. Trop petit. Trop coincé ou trop timide. J'ai peur de l'embrasser, je ne sais pas comment on fait, je ne l'ai jamais fait...

Je souris et je me redressai pour l'observer enfin d'en face. Les yeux dans les yeux. De frère à frère.

- Je vais te dire un secret que personne ne répète car on pense tous que ça n'arrive qu'à nous, alors que c'est faux : lorsqu'une personne t'aime vraiment, elle te regarde avec des yeux si pétillants que tu te sens unique. Essaie un jour de parler à... ?

L'invitation au VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant