Point de vue omniscient,
20 Mars 1978.Il était tard dans la nuit lorsque le garçon sortit de son lit. Il n'arrivait pas à dormir, il avait besoin de bouger. Il posa son recueil Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire sur sa table de chevet et sortit de ses draps. Le plancher craquait sous son poids et l'émission de ce bruit semblait se décupler par cent au milieu de la nuit silencieuse. Il traversa le couloir désert et lorsqu'il atteint enfin la porte d'à côté, il la poussa doucement et tenta de discerner quelques formes à travers la pénombre. Gus, son Gus, semblait dormir profondément sur le lit du bas. Il avait remonté sa couverture jusqu'à son petit nez et respirait bruyamment. Il faisait souvent de l'asthme.
Gabin s'approcha de lui et se glissa dans ses couvertures. Avec Augustin, il se sentait apaisé et le sommeil semblait venir bien plus rapidement à lui. Il regarda ses longs cils noirs orner ses yeux clos, ses lèvres pâles entre-ouvertes, ses joues roses et fines, ses cheveux bruns fougueux. Si Augustin avait été une peluche, il l'aurait sans hésiter serré le plus fort possible contre lui. Il était si doux et vulnérable, ce petit Gus. Son petit Gus.
Depuis quelques temps il en était devenu addict. Ce petit bout de vie l'avait toujours intrigué mais il avait été assez aveugle pour ne pas se rendre compte de la nature de ses sentiments assez tôt. Ce fut sa petite-amie Adèle qui lui mit la puce à l'oreille pour la première fois. Alors qu'ils étaient tous les deux en train de discuter au réfectoire un jour du mois de Janvier, elle avait intercepté le regard d'Augustin et avait raillé :
- Qu'est-ce qu'il a à te fixer comme ça, celui-là ? Il en pince pour toi ou quoi ?
- Raconte pas des bêtises, Augustin est un chic type.
- Peut-être, mais je n'aime pas son regard.
Gabin avait levé les yeux au ciel. Et depuis il n'avait cessé de se poser des questions. Parfois il lui arrivait même de n'en dormir de la nuit. Augustin était partout autour de lui. Dans sa tête. Dans ses rêves. Et à ce moment précis : endormi à ses côtés.
Il se mit à grogner.- Gabin... ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Augustin avait relevé sa tête et fixait Gabin de ses yeux endormis.
- Je n'arrivais pas à dormir, murmura le blond.
- Et moi, tu m'as réveillé !
- Je suis désolé GusGus, j'avais besoin de voir ta petite bouille d'ange encore endormie.
Gabin sourit, il savait que le petit brun ne tiendrait pas longtemps. Il le rendait mal à l'aise et le faisait rougir, presque paniquer. Et s'était si plaisant. Déjà il entendait le souffle d'Augustin se faire plus rapide, coordonné à son cœur déjà lancé dans une grande course. C'était typique du garçon. Gabin en raffolait.
- N'aie pas peur, Gus, si tu veux je m'en vais.
Le brun fit non de la tête. Il ouvrit ses lèvres.
- Récite-moi un poème.
- On ne devrait pas être dans le même lit.
- C'est toi qui es venu. Récite-moi un poème.
Gabin sembla hésiter, il n'y avait qu'un vers qui lui venait à la bouche. Mais devait-il l'évoquer ?
- « À quoi pense-tu ? » disais Paul Eluard avant de répondre...
- « Je pense au premier baiser que je te donnerai ».
Gabin se sentit tressaillir : Augustin connaissait son poème. Il l'avait coupé en murmurant le dernier vers de ses lèvres envoûtantes que le blond ne quittait plus des yeux. Lui aussi pensait au premier baiser qu'il lui donnera, un jour. Car c'est certain, il embrassera Augustin. Il embrassera son corps, il embrassera ses lèvres, il embrassera ses cheveux ; comme il n'aura jamais embrassé personne.
- Gus, Gus, Gus, Gus, Gus, Gus... , murmura-t-il. Je suis amoureux.
- Je sais.
- Je peux te prendre la main ?
- Tu devrais retourner dans ta chambre, Gabin, Alexander dort juste au-dessus.
Gabin souffla, peiné d'entendre une réponse si décevante. Sans se démonter, il tenta tout de même de poser sa main contre le torse d'Augustin. Il sentit le petit cœur batailler dans la poitrine du garçon.
- Tu vas exploser.
- Si ce n'était que ça...
- Gus, Gus, Gus, Gus. Laisse-moi t'embrasser.
Augustin ferma les yeux. Il était tout tremblant et Gabin en profita pour déposer ses lèvres dans le creux de son cou humide et chaud. Il allait s'aventurer le long de son menton, puis de sa mâchoire, mais il se rappela que ce n'était pas le bon jour. Il n'embrasserait pas Augustin aujourd'hui. Il s'écarta alors, fixant avec passion son camarade dont il devina les joues flamboyantes et rouges.
- Augustin, tu es un ange.
Puis il sortit du lit, déposa un baiser sur le front du brun et s'enfuit dans sa chambre. L'odeur d'Augustin planant encore dans ses narines. Et la nuit en devint plus paisible.
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L'invitation au Voyage
Teen Fiction1975. Augustin a 13 ans, Il voudrait être libre. Augustin rêve, Il voudrait embrasser. Augustin est amoureux, Il voudrait danser. Augustin a 17 ans, Il voudrait être une fille. Augustin sourit, mais vers les enfers. Augustin voudrait être danseur. ...