Le frère de ma meilleure amie //Nekfeu//

Début de soirée

Je n'arrive pas à réaliser ce qu'il se passe. Je me trouve en face de l'immeuble d'Emilia, en compagnie de son grand-frère, dans l'intention d'aller boire un verre avec lui. C'est complètement surréaliste. Je suis terriblement mal à l'aise et Ken a l'air de s'en foutre royalement. Son visage est partiellement caché sous sa casquette et sa capuche, mais je peux voir qu'il arbore un petit sourire amusé. Je ne sais même pas où je vais l'emmener...

« Tu veux qu'on reste ici combien de temps ? Non pas que l'idée de passer la soirée dans la rue ne me plaise pas, mais j'avais pas compris que c'était ça le plan. »

Mes joues s'empourprent. Reprends-toi Anna, c'est pas le moment de te perdre dans tes pensées !

« Non, non, je vais t'emmener quelque part. »

« Où ça ? »

« Tu verras. »

Je ne vais quand même pas lui dire que je n'ai aucune idée d'où l'on va. Je commence à marcher dans une direction choisie au hasard, et il vient se mettre à mes côtés.

« Je demande ça parce que ça risque d'être compliqué d'aller dans un bar normal. Avec les reufs on se voit soit entre nous soit dans des endroits privatisés, sinon on prend le risque que des gens nous reconnaissent et viennent nous parler toutes les cinq minutes. »

« Ça va, t'as pas trop la grosse tête ? » demandé-je instantanément avec froideur.

Reste calme Anna, reste calme. Si tu continues, il va se rendre compte que tu n'as pas autant envie d'apprendre à le connaître que ce que tu as pu le laisser croire.

Heureusement, Ken n'a pas l'air de prendre mal ma remarque puisqu'il se met à rire.

« Nan ça va, je sais que je suis parfait et que tout le monde m'adore mais je garde les pieds sur terre » se moque-t-il avec un sourire en coin.

Comme pour lui donner raison, un groupe de jeunes lycéens nous arrête pour pouvoir discuter et prendre des photos avec le célèbre Nekfeu...

Les garçons sympathisent avec Ken pendant que les filles affichent la grande admiration qu'elles ont pour lui. Elles tentent de lui faire les yeux doux et je trouve ça immédiatement ridicule. Heureusement qu'il ne réagit pas, sinon je l'aurais laissé avec ces filles sans aucun remord.

Une chose est sûre, il n'est pas question que je supporte ça ce soir.

Tandis que Ken répond aux questions de ses fans sur l'éventualité d'un nouvel album, je commande un uber sur mon portable. Les jeunes ont dû finir par se rendre compte de ma présence puisque je les vois se tourner vers moi.

« Dis, tu pourrais nous prendre en photo avec Nekfeu steuplait ? »

Plus agacée que jamais, je prends leur portable pour faire des photos et constate que mon énervement semble amuser Ken au plus haut point. Les jeunes finissent par s'en aller et il en profite pour me taquiner, sans doute pour m'énerver encore plus.

« Bah alors, c'est quoi le problème princesse, t'es jalouse ? »

Jalouse de gamines fanatiques ridicules ? Jamais.

« Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler princesse. Ah voilà notre uber, suis-moi ! »

Je l'emmène vers la voiture qui vient de se garer dans notre rue et Ken m'observe avec curiosité.

« Tu avais raison tout à l'heure, on risque de ne jamais être tranquilles dans un bar, ce sera impossible de se parler. On va aller chez moi plutôt. »

Je vois ses yeux s'écarquiller et je me reprends immédiatement.

« Ne va pas t'imaginer quoi que ce soit surtout ! On va juste boire un verre et essayer d'apprendre à se connaître, d'accord ? »

Je vais surtout essayer de ne pas laisser libre court à mes envies de suicide ou de meurtre.

« Tu fais comme tu le sens Princesse, je te fais confiance. »

Mes joues s'embrasent et je détourne mon regard des yeux ardents de Ken. Qu'est-ce qui lui prend de dire des trucs pareils ?

Nous entrons dans la voiture et le chauffeur reconnait immédiatement Nekfeu. Cela me convient parfaitement puisqu'il lui fait la conversation pendant tout le trajet. De mon côté, j'essaye de me ressaisir. Ce ne sont pas quelques mots aussi niais que « je te fais confiance » qui vont avoir raison de moi.

Je ne comprends pas pourquoi il me fait cet effet-là... J'ai beau faire de mon mieux pour l'ignorer, je ne peux plus le nier.

Ken Samaras a un pouvoir d'attraction sur moi qui me fait perdre tous mes moyens, et ça ne me plait pas du tout.

Je me revois une dizaine d'année auparavant, en train d'avoir une importante conversation avec mes parents. Le genre de conversation qui déterminerait le restant de mes jours. « Sois méfiante » m'avaient-ils dit. « Les gens ne sont souvent pas ce que l'on croit. Ils font semblant d'être gentils avec toi en face mais sont prêts à te trahir ou te manipuler à la moindre occasion. Ne t'attache pas aux autres si tu ne veux pas être déçue. »

J'avais écouté leurs conseils d'une oreille distraite mais très vite ces mots ont résonné en moi. Au début avec pas grand chose, lorsque mon professeur préféré s'était moqué de moi devant toute la classe pour une faute que j'avais faite à un contrôle. Puis lorsque mes meilleurs amies du collège ont décidé du jour au lendemain de ne plus m'adresser la parole. Et enfin lorsque mon premier petit copain a fait croire à tout le monde que j'étais une mythomane parce qu'il ne voulait pas que les gens sachent que c'était moi qui l'avais largué.

Tous ces gens en qui j'avais confiance m'avaient trahie, et arrivée au lycée, ma carapace était prête. Plus rien ne pouvait m'atteindre. Je ne pouvais plus m'attacher à personne. Cela a duré jusqu'à ce que je rencontre Emilia et sa sincérité rafraichissante, et maintenant, Ken...

Je décide de poser mon regard vers lui. Il discute encore avec le chauffeur en portant un grand sourire aux lèvres. Lorsqu'il me surprend en train de le regarder, il me fait un clin d'oeil avant de repartir dans sa conversation. C'est fou ce qu'il est beau...

Mais non, je ne me laisserai pas tenter. Il a peut-être un sourire et un regard à tomber par terre, mais il ne faut pas oublier qu'il m'a jugée sur mon apparence lors de nos premières rencontres, et je serais incapable de m'intéresser à quelqu'un de superficiel. J'ai été bien trop déçue par les gens de mon milieu qui l'étaient. Et si je me souviens bien, Emi m'avait expliqué que Ken était du genre à enchainer des coups d'un soir ce qui, pour moi, est inenvisageable. Je ne supporterais pas d'être une fille de plus à son tableau de chasse...

De toute façon, penser à tout cela ne fait aucun sens. Jamais un type comme lui ne pourrait s'intéresser à moi, une fille banale sans aucune passion ou qualité remarquable. Une simple « princesse » qui n'est jamais sortie de son milieu et qui ne connait rien de la vie. Non, tout ce qu'il pourrait faire, c'est se moquer de moi, et je suis bien trop fière pour le laisser faire.

« Anna ? »

La voix grave de mon voisin me tire de mes rêveries. A nouveau, je le vois me sourire et je sens les battements de mon coeur s'accélérer.

« On est arrivés » me dit-il simplement.

Après avoir remercié le chauffeur, nous descendons de la voiture et je le fais monter dans mon immeuble. Je me sens toute drôle de l'ammener ici, dans mon intimité, mais je fais de mon mieux pour le cacher.

Le silence règne jusqu'à ce que nous arrivions dans mon appartement. Il enlève sa capuche et me fixe avec son intensité habituelle. Une fois de plus, je me retrouve incapable de lui dire quoi que ce soit tant son regard m'hypnotise.

Et pourtant, la soirée ne fait que commencer.