46. La fin du rêve

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Depuis quelques jours, il y a une ambiance dégueulasse à Come Home. Jérémie est exécrable au possible malgré les signatures qui s'enchaînent. Elles sont bien loin les vacances relaxantes à la mer. Qui aurait cru qu'après à peine un mois, tout ici serait pire qu'avant, Vanessa en moins en plus. Lui qui devait ouvrir une autre agence à Ozoir, il passe ses journées ici sans rien faire, à grincer des dents sans cesse et malmener son petit personnel.

— Milah ! Dans mon bureau ! ordonne-t-il en fin de journée.

Tiens, qu’est-ce que je disais ?

Tristan et Patrice me regardent en biais, comme pour me souhaiter bonne chance. Je me rends donc dans l'antre du Monstrueux Duval à tâtons. J’aurais même carrément dû amener un bouclier et un casque pour me protéger. On ne sait jamais dans quel état on va ressortir de son bureau en ce moment. Je me demande encore quel asticot l'a piqué celui-là. Une chose est sûre, je le soupçonne d'être en manque cruel de cul depuis le départ de l'autre grognasse. Faudrait peut-être qu'il songe sérieusement à se vider les burnes  au lieu d'être à ce point casse-couilles.

— Un problème ? demandé-je en passant la porte.

— Ferme derrière toi, lâche-t-il sans aucune politesse.

S’il te plaît ? Merci ?

Nan, je dis ça, je dis rien...

Je m’exécute et attends ma sentence en fermant la bouche. Je ne vois pas ce qui peut bien le mettre dans cet état, je ne pense pas avoir fait de boulette. Hormis tomber amoureuse de mon Escort Boy évidemment. Quand j’y pense, il va me falloir des années de glace au café, de pizzas et de films de chialeuse pour tenter de l’oublier. Jamais de ma vie je n’aurais pensé tomber raide dingue d’un mec sortant tout droit de mon ordinateur. Je ne regrette pas une seule seconde cette semaine passée à ses côtés, elle était de très loin la plus parfaite de ma vie. En revanche, je regrette juste les circonstances de notre “rencontre”. Dans un tout autre contexte, peut-être que l’idée d’un vrai couple entre nous aurait pu être possible. Un mois que je lui ai dit adieu, j’espère qu’il est heureux dans sa nouvelle vie et qu’il profite enfin de la vraie vie sans plus aucun contrat. Je me dis que j’ai de la chance d’avoir été sa dernière cliente, je sais que chaque fois qu’il se rappellera toutes ces années d’escort, il pensera à moi. Ca me réconforte un peu, même si je suis consciente que je risque d’être malheureuse un bon bout de temps. Moi qui voulais  avoir le coeur brisé, j’entrevois maintenant tout l’étendue de la douleur qu’un chagrin d’amour peut créer. Je suis sans doute ridicule. Qui peut dire “tomber amoureux” en quelques jours ? Apparemment, j’en suis capable...

— Faut qu’on parle, balance Jérémie, me sortant de mes pensées dirigées vers Eliott.

— Je t’écoute.

Duval se lève de son fauteuil et vient me rejoindre entre la porte et son bureau. Son visage tout près du mien, je me sens immédiatement mal à l’aise. Va vraiment falloir qu’il arrête de faire ça !

— Ca ne peut plus durer comme ça…

— J’ai fait une erreur ? dis-je surprise et perdue à la fois, tout en reculant d’un tout petit pas.

— On va devoir s’arrêter là, lance-t-il.

— Arrêter quoi au juste ? demandé-je en sentant mes joues rougir.

Putain je le sens mal !

— Ca fait un mois que je t’ai donné ta putain de promotion, et toujours rien !

— T’abuse quand même, fais-je outrée. On bosse super bien en ce moment ! Je ne vois pas où est le problème…

— Le problème ? rit-il tout en diminuant la distance qui nous sépare. Le problème c’est que je pensais comme un con que tu baisserais ta garde une fois que tu aurais eu ce que tu voulais, avoue-t-il en me fusillant du regard. J’ai fait ton putain de test ! J’ai attendu comme un petit toutou bien sage !

— Merde, j’ai peur de comprendre… T’as cru sérieusement que je m’allongerais après avoir eu la promotion ?

Alors là, c’est le pompon !

— J’ai fait ce que tu voulais non ? Et qu’est-ce que j’obtiens ? Aucune reconnaissance !

Ce connard mange directement ma main dans sa gueule.

— Va te faire foutre ! T’es vraiment qu’une merde Jérémie ! T’as qu’à me virer si ça te fait plaisir, au pire je démissionnerai. Et t’as bien de la chance que je ne te fasse pas chier pour harcèlement sexuel ! Va baiser ta femme sale con ! Et puis si elle ne veut pas de toi, achète-lui une nouvelle voiture et peut-être qu’elle acceptera de s’allonger !

Je me dirige vers la porte, déterminée à quitter cette boîte à pervers.

— Connard ! crié-je en claquant la porte.

J’aurais dû le voir venir avec ses grands sabots celui-là. Il a juste essayé de m’acheter comme il sait si bien le faire. Ses belles paroles pourries et ses déclarations à deux balles, de la merde comme tout le reste.

— Tout va bien ? demande les gars assis à leurs bureaux.

— Désolée les mecs, j’me casse. Bon courage avec Pervers Man ! Je passerai un autre jour ramasser mon bordel.

Je me dirige vers mon bureau et prends le dossier Brunet/Langlois, la signature définitive aura lieu demain et je ne peux pas les laisser comme ça.

— Tiens Tristan, j’te laisse gérer ça pour moi, dis-je en lui donnant le dossier en question. Allez salut !

Je sors de Come Home avec le coeur qui palpite à trois mille et la main qui brûle à cause de la baffe que j’ai envoyé à Jérémie.

Bah voilà, Milah Laurent, presque vingt huit ans, célibataire au chômage : la vie est magnifique !

Bah voilà, Milah Laurent, presque vingt huit ans, célibataire au chômage : la vie est magnifique !

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Faut voir le point positif de tout ça : on dit ciao à Ducon Duval une bonne fois pour toute !

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