0 - Le voyageur et le dieu

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Le soleil tapait fort. Si fort...

Enchaînés les uns aux autres, ils marchaient sous ce soleil de plomb, encadrés par les chameaux et leurs cavaliers.

Toute la journée durant, ils attendaient la nuit qui, bien que un peu moins chaude, était reposante pour leurs esprits et leurs jambes.

Et ils s'arrêtèrent.

Le camp fut monté vite : les chameaux se posèrent sur le ventre, les pattes repliées, enfin déchargés, deux tentes furent montées pour les brigands s'occupant de tout ce monde, un feu fut allumé et il ne restait plus que le sable encore chaud pour les esclaves. Les pauvres esclaves qui s'allongeaient déjà sur le sol, tous en nage, déshydratés et fatigués. Trop fatigués. N'attendant plus que leurs maigres repas.

Puis, après avoir mangé quelques fèves et bu un peu d'eau, tous se couchèrent. Tous sauf leurs « vendeurs » qui, eux, étaient assis devant le feu à manger de la viande, une viande dont le nom était dur a savoir de loin. Mais dont l'odeur était si bonne...

Alors que tous les esclaves dormaient, tous ces esclaves à la peau noire, bronzée, et aux cheveux de jais, un enfant restait debout, hypnotisé par la lueur dansante du feu de bois comme un petit soleil.

Cet enfant, assis en tailleurs, les mains sur ses chevilles enchainées à une femme et un vieil homme à côté de lui, écoutait les brigands parler. Il écoutait les contes et les légendes destinées au fils du chef de ce convoi. Un petit garçon, plus jeune que lui, mais avec encore ces caractéristiques qu'il n'avait pas.

Un nom normal. Des cheveux normaux. Une peau normale. Un accent normal.

Il n'avait rien de ça.

Son nom venait d'un autre pays. Ses cheveux, longs et ondulés étaient d'un blond presque blanc, platine. Sa peau, douce comme le baiser d'une fée, blanche comme la lune d'hiver. Bien que l'hiver n'existait pas, ici.

Mais il écoutait. Il avait appris à parler ici, cette langue si spéciale qu'est l'égyptien. De toutes les histoires, sa préférée était celle du voyageur et du dieu.

« Papa ! Papa ! Raconte l'histoire du voyageur, contes-moi son histoire encore une fois.

— Bien, bien, mon fils alors écoute. »

Le petit esclave se redressait et un sourire doux, respirant l'innocence dans ce monde de fou, s'étira sur son visage pur alors qu'il écoutait attentivement l'homme raconter son histoire.

« Il y a bien longtemps, mon fils, un homme est parti. Il a quitté son village, un si petit village où l'attendait pourtant un prestigieux avenir en tant qu'agriculteur, marié avec deux enfants, et s'est laissé emporter dans le désert.

Il est parti et a marché sans s'arrêter. Il le savait bien, il ne retrouverait pas son chemin. Sa mère l'attendrait sans jamais le voir revenir. Son père se morfondrait sur son fils, son seul fils, sa sœur pleurerait son départ près du petit lac où ils s'amusaient enfant.

Il savait tout ça, pourtant il a tout quitté.

Puis, un matin, il s'est réveillé. Toute ses provisions, son eau, tout. Tout était parti. On l'avait pillé dans son sommeil.

Il recommença à marcher, fatigué, le ventre vide, déshydraté. Et il finit par s'évanouir dans le désert. A son réveil, on le dit, il était soigné, nourri, et accueilli par un dieu inconnu aussi fort Râ.

Il l'a recueilli et lui a fait visiter tout du monde, tout de l'univers. Il lui a montré par delà notre pays, par delà les mers. Une fois qu'il l'a ramené dans son palais, il lui à montré un mur. Sur celui-ci était dessiné un homme étranger. Un homme capable de donner la vie, de la porter.

C'est cet homme que le dieu cherchait. Pourtant il ne le trouvait jamais.

Cet homme si particulier avait non seulement une voix splendide mais aussi un visage fin, beau, jeune, dépassant tout, surtout le temps. Un corps lumineux et pur, jamais touché, toujours protégé, comme un miracle tombé du ciel.

Aujourd'hui encore, le dieu l'attend. Il attend de le rencontrer, de le chérir, de l'aimer, de lui faire porter son enfant. Un enfant aux pouvoirs dépassant l'esprit. Un demi-dieu vénéré et aimé.

Après ça, le voyageur fut ramené auprès de sa famille, dans son village. Il se maria et donna naissance à une magnifique petite fille et à un petit garçon à qui il raconta cette histoire. Puis quand sa fille eut un enfant, elle lui raconta à son tour.

Encore aujourd'hui, le monde attend cet enfant.

Et le dieu attend son amant. »

-ananas🍍

Réécrit le 3/07/2019.

ғleυr dυ deѕerтOù les histoires vivent. Découvrez maintenant