1 - Le désert

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Ce silence. Pas un bruit, pas un son. Même le sable qui bougeait à cause de vent ne fait pas un bruit.

Ce fut ainsi que des yeux bleus comme le ciel s'ouvrirent et commencèrent à analyser leur environnement.

Le vent soufflait légèrement. Une brise douce, chaude. Une caresse sur deux poignets, sur deux chevilles. Une caresse qui n'avait pas été sentie depuis longtemps, très longtemps.

Leo se redressa lentement, fixant ses poignets. Où était le fer qui l'empêchait de s'enfuir ? Qui le gardait prisonnier entre deux personnes ? Ce fer, ces bracelets de fer qui le serraient depuis des années. Près de deux décennies pour être exact.

Ses yeux continuèrent leur analyse, sa tête tourna vers la gauche. Les chameaux avaient disparu. A sa droite, les tentes n'étaient plus montées. Devant lui, plus aucun esclave, derrière lui non plus. Il avait beau tourner sa tête dans les sens, la seule chose qu'il voyait était les dunes de sable qui s'étendait à perte de vue.

Où étaient-ils ? Tous ? Les vendeurs ? Les esclaves ? Les animaux ? Partis?

Le visage du blond se décomposa d'un seul coup alors qu'il comprenait enfin qu'on l'avait abandonné. Pour beaucoup d'esclaves comme lui, ce serait la libération. Certain se mettraient en quête d'un village, d'autre resteraient là pour mourir autre part qu'avec ces brigands qui profitaient de leurs corps à tous d'une manière où d'une autre. Mais pas lui, pas Leo.

Il le savait, il connaissait les routes qu'ils entreprenaient. Le convoi était en route pour une grande ville. Malgré le fait qu'il ne savait pas son nom, selon le chef, il fallait dix jours pour l'atteindre. Ils avaient passé les cinq jours de marche.

Le blond était bloqué. Seul et abandonné au milieu du désert. Sans eau, sans nourriture, rien.

Une lueur d'espoir se mit à briller dans son cœur quand il vit les traces des chameaux et des esclaves. Ils venaient peut être tout juste de partir. Il pouvait peut être les rattraper. Les supplier de le garder. Il s'entrainerait au combat, essayerait d'être plus fort, plus plaisant aussi. Plus vendable. Et s'ils ne voulaient même plus essayer de le vendre, il essaierait de faire en sorte qu'ils le gardent.

Depuis son enfance, dans le dos du chef, les hommes de bas rang dans le convoi prenaient les femmes quand les autres dormaient. Lui, il n'y avait jamais eu droit. Les sodomistes étaient souvent pendus en ces temps sombres. Mais s'il ne se servaient pas de son intimité, ils n'hésitaient pas une seule seconde à prendre sa bouche.

Il avait été réveillé des centaines de fois en étant à moitié étouffé par... ça. Peut être que s'il promettait d'être plus silencieux et plus doué, ils demanderaient au chef de le garder.

Ce n'était pas le paradis, loin de là. Mais il y était nourri. Il avait de l'eau aussi. Il pouvait vivre. Leo était obéissant, il ne se plaignait jamais, ne criait jamais donc ne se prenait ni claque, ni coup de fouet. Il n'était pas maltraité. Sauf le soir. Enfin, ce n'était pas de la maltraitance après tout. Il ne se faisait pas frapper. C'était... Oui, c'était du viol à peu de chose près. Mais il avait besoin de nourriture et d'eau, et il ne risquait pas d'en trouver dans le désert.

Le blond se leva difficilement, comme tous les matins, à cause des nombreuses courbatures de la veille qui ne cessaient de croitre, et regarda où les traces allaient. Et alors, sa marche commença. Un pas après l'autre, Leo avançait en regardant toujours le sable. Quand les traces étaient effacées par le vent, il avançait tout droit, comme il le faisait avec le convoi et finissait par en trouver d'autres.

Il avait faim. Il avait soif aussi. Mais au fur et à mesure des années, il avait appris à apprivoiser ces envies. Le midi, les esclaves n'avaient droit qu'à quelque fruits séchés. Leo en mangeait moins qu'eux.

Il était trop bon. Il ne mangeait qu'un fruit par jour à l'heure où le soleil était haut et donnait ses trois autres au petit garçon ou au vieil homme devant lui. La personne changeait à chaque vente mais c'était toujours une personne faible.

Au beau milieu de l'après-midi, Leo se stoppa et laissa une larme couler le long de sa joue blanche. Celle-ci n'avait même pas encore atteinte le sol qu'elle s'évaporait. Comme les traces de chameaux. Il n'en trouvait plus. Il avait beau aller tout droit, au loin, rien. A ses pieds, rien non plus.

Le soleil tapait plus fort que d'habitude, du moins, il en avait l'impression. Il voyait, comme de l'eau sur les dunes au loin. Des mirages. Et c'est là qu'il comprit. La folie commençait à le ronger très lentement.

Il avança encore de deux pas et ses jambes se dérobèrent sous lui.

Il était à genoux dans le sable. La tête tantôt basse, regardant le sable bouger devant lui, la tête tantôt haute, levée vers le ciel alors qu'il implorait le dieu du soleil.

Il le savait au fond, Anubis allait venir le chercher, l'emmener dans le royaume des morts. C'était simplement son avenir, ça ne pouvait pas se passer autrement. Il n'aurait même pas dû se lancer à la poursuite de ce convoi. Il allait mourir ici et dans peu de temps.

Il resta ainsi pendant... Quelques minutes ? Des heures ? Il n'en savait plus rien. Lassé de se tenir toujours à genoux, Leo tomba. Il fut allongé sur le sol, la tête contre le sable brûlant. Le sable brûlant qui faisait chauffer sa peau. Il s'en fichait.

Ses splendides yeux bleus se fermèrent, selon lui,

pour la dernière fois.

-ananas🍍

Réécriture le 3/07/2019.

ғleυr dυ deѕerтOù les histoires vivent. Découvrez maintenant